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Prostitution - Quand s’exprimer est dangereux

24 janvier 2012

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine

Prendre la parole en tant que femme sortie de la prostitution peut être terrifiant. Pas à cause du déclenchement évident des émotions réprimées, des effets prévisibles du traumatisme ou de la profonde douleur qui est ranimée. Tout cela est prévisible, et c’est la raison principale pour laquelle s’exprimer est plus une mission qu’un choix.

Non, parler en tant qu’ex-femme prostituée est rendu terrifiant à cause de certaines attaques vicieuses et hautement personnelles.

Ces attaques ne surgissent pas au hasard : elles sont principalement le fait des gens qui soutiennent le commerce du sexe et qui ont souvent beaucoup à gagner en muselant les femmes qui en sont sorties. Ces attaques sont planifiées, elles ne sont pas naïves - elles viennent de personnes qui ne sont pas innocentes. Beaucoup des attaquant-es pourraient être des proxénètes ou des gens qui veulent le devenir, même s’ils se qualifient de gens d’affaires ou prétendent être des putes bien dans leur peau.

Les femmes sorties de l’industrie doivent être muselées parce que nous faisons l’impardonnable, nous nous souvenons et nous savons ce que la prostitution est vraiment.

Nous n’étions pas censées nous en souvenir, en fait, nous étions censées en mourir ou être suffisamment détruites au plan mental pour ne nous souvenir de rien.

Nous nous souvenons des conditions vécues quand nous étions prostituées. Nous nous souvenons de viols multiples au-delà de ce que cherche à savoir un esprit. Nous nous souvenons de toutes les violences mentales et physiques, et nous nous souvenons du temps d’avant la condition sous-humaine qui nous fut imposée.

Nous ne sommes pas censées savoir que nous sommes et pouvons être des humaines à part entière.

On nous a implanté dans le cerveau l’idée que nous étions des marchandises à baiser ; nous étions trois orifices et deux mains, notre seule fonction était d’être de la porno vivante.

Notre humanité était sans importance – seule comptait notre profitabilité.

J’ai constaté que plus je parlais et j’écrivais de façon forte et claire, plus les attaques dirigées contre moi étaient personnelles et vicieuses. Je suis actuellement en très mauvaise condition mais, en définitive, la raison pour laquelle on m’attaque c’est que ces gens ne peuvent nier ce que je dis, alors ils doivent plutôt tenter de détruire mon essence.

Texte original : « When Speaking Out is Dangerous ».

Traduction : Martin Dufresne

Mis en ligne sur Sisyphe, le 17 janvier 2012

Rebecca Mott, survivante et écrivaine


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