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Solidarité avec les prostituées, mais lutte contre la prostitution

23 mars 2012

par le magazine EMMA

Des féministes ont manifesté dans les années 1970 aux côtés de prostituées : contre l’hypocrisie moralisatrice et le fait de les traiter en êtres de seconde zone.

À partir des années 80, la prostitution en Allemagne est considérée comme "cool", surtout chez les Verts, mais aussi dans certains cercles féministes, en tant que "métier comme un autre".

Emma a toujours eu une position radicalement différente : solidarité avec les prostituées, mais lutte contre la prostitution. Car la prostitution ne fait pas que détruire le corps et l’âme des femmes qui se prostituent (il n’est pas rare qu’elles soient des femmes au foyer qui gagnent ainsi de l’argent en cachette), elle rend achetable le sexe de toutes les femmes.

En 2001 une "réforme", par les Rouges et des Verts, de la loi relative à la prostitution est entrée en vigueur, ce qui devait supposément rendre plus facile la vie des prostituées. Mais les choses ont tourné comme l’avait prédit EMMA à de nombreuses occasions : la réforme sert avant tout, depuis lors, les proxénètes et les trafiquants, car elle fait de la prostitution un "métier comme n’importe quel autre", avec des conséquences fatales. Par exemple, la police ne peut plus faire de descentes dans les maisons closes (où autrefois elle traquait régulièrement la prostitution de mineurs et la prostitution sous contrainte), la publicité peut en être faite sans restriction et tout un chacun peut tenir un "appartement pour modèle" dans un immeuble d’habitation. Grâce à cette réforme, la prostitution en Allemagne est devenue socialement acceptable.

En décembre 2006, EMMA a publié le dernier de ses nombreux dossiers sur la prostitution. En janvier 2007, le ministre von der Leyen a annoncé un tournant : la priorité est désormais non plus la légalisation de la prostitution et son utilité sociale, mais le retrait des femmes de la prostitution. Les clients des personnes contraintes à la prostitution doivent être sanctionnés à l’avenir. Mais rien ne s’est passé.

Aujourd’hui, en Allemagne, près d’une femme sur mille est concernée, si nous partons d’un quart de million de femmes (de 50 à 400 000 selon les estimations) et prenons en compte que neuf sur dix sont des étrangères emmenées en Allemagne, souvent avec de fausses promesses, ou même par la force.

Mais l’écrasante majorité des hommes allemands - à savoir deux sur trois ! sont des clients. Ce sont eux en premier lieu qui créent le marché du sexe tarifé. Un marché qui, à présent, avec celui de la drogue et le trafic d’armes, selon l’ONU, est la source de profit numéro 1 dans les affaires (pour les hommes), soit sept milliards de dollars.

C’est ici, donc, que doit commencer la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains, auprès des clients et des trafiquants d’êtres humains ! En Suède, naguère si "libérale", on a compris cela depuis longtemps. Depuis des années, des campagnes y sont réalisées pour la proscription de la prostitution. Et dès 1999, une loi a été promulguée pour sanctionner les clients, avec des programmes d’insertion pour les prostituées. Résultat : 76% de tous les Suédois sont aujourd’hui pour l’interdiction de la prostitution, y compris 70% de tous les hommes.

Est-il sensé d’interdire le soi-disant "plus vieux métier du monde", la prostitution, qui aurait toujours existé ? C’est ce qu’on disait autrefois de l’esclavage - et il est maintenant interdit, bien sûr. Et là où il continue tout de même d’exister, il est au moins hors la loi. Et non un "métier comme un autre".

Source de l’article original : site du magazine EMMA. En allemand.

Traduction : Eice Calybur et Martin Dufresne.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 mars 2012

le magazine EMMA


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