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L’importance de l’œuvre de Louky Bersianik
Allocution au lancement de L’Action nationale

2 juin 2012

par Andrée Ferretti, écrivaine

D’abord, je veux dire ma gratitude (et je crois que j’exprimerai le sentiment de toutes les personnes ici présentes) à L’Action nationale (AN) et à son directeur et rédacteur, Robert Laplante qui, dans les jours immédiats suivant le décès de Louky Bersianik, a manifesté son intention de consacrer un dossier lui rendant hommage. Je profite de l’occasion pour vous révéler le secret le mieux gardé dans les milieux culturels québécois, Robert Laplante, penseur et militant indépendantiste, est à l’égal de Michel Chartrand, plus cultivé, et de loin, que tous ceux et celles qui oeuvrent dans ces milieux

Grâce à lui, L’AN, revue essentiellement politique, est pourtant la première et sera probablement la seule à consacrer un numéro complet, un numéro double de surcroît, à l’œuvre de Louky Bersianik. Robert Laplante en éditant ce numéro, pallie à ce que n’en ont pas dit les coryphées de l’institution littéraire et les professeur-es de philosophie, depuis plus de trois décennies, sous-estimant et occultant sans cesse une contribution essentielle à la pensée philosophique contemporaine et menaçant d’oubli une œuvre littéraire exceptionnelle, d’une entière originalité par son propos et son style.

Une œuvre qui n’a fait l’objet d’aucune édition critique, une œuvre qu’aucune éminente distinction, par exemple le Prix Athanase David, n’a honorée, bien que ce soient deux géants de notre littérature, Hubert Aquin et Victor-Lévy Beaulieu, qui ont d’emblée reconnu la valeur pionnière et révolutionnaire de l’œuvre, en publiant respectivement L’Euguélionne (La Presse, 1976) et Pique-nique sur l’Acropole (VLB, 1979).

Ce silence est en lui-même une illustration aussi parfaite que désolante du discours de Bersianik qui met en évidence la négation de l’apport de la créativité féminine à la civilisation, autrement dit à l’humanisation de l’humanité. « Une femme est une science occulte occultée », écrit-elle dans La main tranchante du symbole (Remue-Ménage, 1990). Mutisme et occultation qui démontrent indéniablement la crainte d’une pensée subversive qui, trop propagée, pourrait bouleverser des millénaires de culture patriarcale et inaugurer une nouvelle épistémologie, un savoir qui comprendrait le monde autrement, qui rendrait possible une réflexion concrète sur les résultats libérateurs et pacificateurs d’une connaissance incarnée. Une connaissance du monde agissant sur lui « non pas, dit-elle, dans une direction contraire à la séquence patriarcale mais en rupture avec elle et dans une autre dimension ».

Grâce à tous les textes réunis dans ce numéro de L’AN, apparaît enfin cette portée universelle de l’œuvre de Bersianik, de son incomparable travail de décervelage des fondements de la civilisation occidentale et de leurs reproductions depuis trois millénaires, afin d’en démonter les rouages et d’en démontrer les effets aliénants sur la totalité des relations humaines.

L’ensemble des textes réunis dans ce numéro de L’AN permet de découvrir dans toute son ampleur ce sens subversif de la puissante pensée de Bersianik, l’originalité et la beauté littéraire de son expression, les créations qu’elle a inspirées, et la grandeur de la personne.

Trente-deux textes, analyses et témoignages confondus, qui inculquent avec force le désir de lire et de relire romans, essais et poèmes dans lesquels se déploie cette pensée vivante, énoncée dans des formes vivantes.

Bien que cela n’ait pas été programmé, comme dans l’œuvre de Louky, tout se mêle et se tient dans ses trente-deux textes. Il y a en effet, c’est tout à fait remarquable, une part de témoignage dans chaque analyse et une part d’analyse dans chaque témoignage. Bersianik et Louky étaient indissociables, elles le demeurent dans la tête et le cœur de ses lecteurs et lectrices, dans la tête et le cœur de ses amies et amis.

Il serait fastidieux pour vous et pour moi que je nomme toutes les auteures et auteurs des textes. Achetez et lisez le numéro, et vous aurez le plaisir de découvrir que tous portent de grandes signatures, savantes ou prestigieuses. Et que chacune, chacun sache que ce numéro consacré à Bersianik est d’ores et déjà devenu un exceptionnel ouvrage de références sur son œuvre et sa personne.

Je veux néanmoins souligner le travail exceptionnel de mes co-pilotes dans la réalisation de ce dossier, celui de Claire Aubin, Élaine Audet et France Théoret qui, dans un premier temps, m’ont donné une liste des personnes susceptibles de collaborer à la réalisation de ce numéro, car toutes étaient plus proches de Louky que moi et meilleures connaisseuses de l’œuvre de Bersanik. Toutes, nous avons lu chaque texte. Par la suite, Claire Aubin, France Théoret et moi, nous sommes réunies pour les étudier de près, concevoir la mise en page, réviser les épreuves. Ici, c’est à France Théoret que revient le plus grand mérite et tous nos remerciements. Grâce à son exigence de perfection, vous ne trouverez aucune faute ni coquille dans cette publication.

Enfin, je veux, et je suis certaine que Robert Laplante se joint ici à moi, pour remercier d’une façon particulière Claire Aubin, pour avoir permis la reproduction gratuite de son buste de Louky Bersianik qui confère une beauté exceptionnelle à la couverture du numéro.

Source : L’Action nationale, mai-juin 2012.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 31 mai 2012

Andrée Ferretti, écrivaine

P.S.

 Louky Bersianik, L’archéologie du futur, extraits tirés par l’auteure de ses principaux ouvrages de fiction et essais, Montréal, les éditions Sisyphe, 2007.




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