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Conflit étudiant - Quand le député de Sherbrooke voit rouge

14 juin 2012

par Micheline Carrier

Chaque semaine, le député de Sherbrooke s’enfonce un peu plus dans la bêtise.

Tous les jours, à l’Assemblée nationale, il se lève, regarde la cheffe de l’opposition et déclare en marmonnant, comme il en a pris l’habitude quand il exprime son mépris (c.-à-d. souvent) : "Je note que Madame Marois porte encore aujourd’hui le carré rouge."

La réaction du député de Sherbrooke au carré rouge épinglé à la veste de Pauline Marois s’apparente à celle d’un taureau à la vue du chiffon rouge que le toréador agite devant lui dans l’arène.

Le député de Sherbrooke ne respecte pas les gens qui lui résistent. S’il ne peut les soumettre, il essaie de les discréditer.

Non seulement le député de Sherbrooke se montre-t-il méprisant à l’égard des gens qui s’opposent à ses politiques et contestent ouvertement ses opinions, mais il fait preuve d’une inquiétante irresponsabilité.

En attribuant une connotation négative au carré rouge que porte Pauline Marois, le député de Sherbrooke désigne par ricochet ceux et celles qui affichent ce symbole comme des citoyennes et citoyens fautifs, non respectables, voire hors-la-loi. C’est comme s’il les désignait à la vindicte publique.

L’attitude puérile du député de Sherbrooke peut inciter à l’animosité envers les gens qui expriment de cette façon leur solidarité avec le mouvement étudiant et leur opposition aux décisions gouvernementales, notamment la hausse des droits de scolarité et la loi 78.

Maintenant, même des élu-es ne se contentent plus d’insinuer et de suggérer des amalgames, ils et elles associent clairement le carré rouge à un symbole de violence et d’intimidation.

Maintenant, le service de police de Montréal arrête et menotte des personnes innocentes portant un carré rouge, et même des personnes parlant à d’autres personnes portant un carré rouge. Et ce, en leur faisant parfois courir des risques pour leur santé. (1)

Maintenant, des journalistes, des citoyens et citoyennes se croient autorisés à considérer comme suspectes les personnes qui arborent un carré rouge. Et à les mépriser, comme le fait le député de Sherbrooke.

***

Avant de faire une fixation sur le carré rouge, le député de Sherbrooke et son entourage en avaient fait une sur Gabriel Nadeau-Dubois, le porte-parole de l’association étudiante la CLASSE. Un peu plus et on voyait en lui un Al Capone ou une incarnation du diable.

Certains semblent toujours le penser. Réjean Breton, un ancien professeur, a dénoncé dans une entrevue sur les ondes de CHOI "le fait que les médias consacrent un temps fou à Gabriel Nadeau-Dubois", espérant "que la prochaine fois que Gabriel Nadeau-Dubois se retrouve à Québec, il prendra une claque sur la gueule (...) Il évoque un autre rêve, écrit Patrick Lagacé qui rapporte cet incident, celui de faire passer un tabac, "avec une dizaine d’amis", au "mollah Khadir", j’imagine qu’il s’agit d’Amir Khadir." (2)

Et on nous rabat les oreilles avec la "violence de la rue" et l’intimidation que représenterait le geste de porter un carré rouge ?

La violence ne se traduit pas toujours par des "claques sur la gueule", des vitrines cassées, des coups de matraque ou des arrestations abusives. On a tendance à la banaliser ou à la légitimer lorsque des personnes en autorité, comme le député de Sherbrooke, en donnent l’exemple, et à la surévaluer si elle s’exerce à l’égard d’élu-es ou de personnalités publiques.

Pourquoi parler du député de Sherbrooke et non du premier ministre du Québec, direz-vous.

Parce que je ne reconnais pas, chez le député de Sherbrooke, la grandeur, la dignité et la magnanimité d’un chef d’État.

Peut-être « la rue », à laquelle le député de Sherbrooke associe dédaigneusement la cheffe de l’opposition pour essayer de la faire mal paraître (3), aura-t-elle bientôt l’occasion de le remercier de l’avoir si bien comprise…

Notes

1. Julie Théorêt, "Pourquoi m’a-t-on arrêtée ?" Le Devoir, le 12 juin 2012.
2. La Presse, le 13 juin 2012.
3. À la place de Mme Marois, je serais plus fière d’être associée à « la rue », qui représente le peuple, que de l’être à certains « amis » du député de Sherbrooke.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 juin 2012

Micheline Carrier


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