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Le "travail du sexe" est une arnaque

10 novembre 2012

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine

Je ne fais pas que détester et haïr l’expression « travail du sexe », je sais que c’est un mensonge et un terme de propagande inventé et utilisé par les profiteurs de l’industrie du sexe pour se donner l’apparence d’être de gauche.

Cette expression véhicule l’illusion que les personnes prostituées sont à l’« emploi » d’« employeurs » attentionnés – elle dissimule le fait qu’il s’agit d’un système qui repose sur une dynamique de pouvoir entre esclave et propriétaire.

Elle donne l’illusion qu’une fois prises certaines précautions élémentaires de sécurité au « travail », le fait d’être en prostitution, dans un club de sexe ou dans la porno apportera aux femmes une forme de pouvoir.

C’est ce que me disent constamment des femmes qui sont heureuses dans l’industrie du sexe, des universitaires dont tous les écrits appuient cette industrie et même des chercheurs masculins qui étudient les personnes prostituées (et dont un élément de la « recherche » est de consommer de la prostituée, afin de les aider à comprendre ce que c’est que d’être un prostitueur).

Beaucoup des gens qui me sermonnent sur les merveilles du travail du sexe m’accusent d’être profondément biaisée et de ne pas parler pour l’ensemble des personnes prostituées.

Bien sûr, que je ne suis pas objective, et je n’ai jamais prétendu parler pour toutes les prostituées.

Je sais seulement – et je pense qu’il est essentiel que d’autres le sachent – qu’il n’y a rien d’exceptionnel ou même de si inhabituel à la quantité de violence sadique que j’ai vécue.

Tout ce que j’écris sur ce blog est en partie personnel, mais surtout je n’écris que ce qui est pratique courante dans tous les aspects de l’industrie du sexe.

Mon histoire personnelle est derrière moi : il n’y a rien qui puisse être fait pour annuler le sadisme qui a été déversé en moi.

J’écris pour les femmes et les filles dans l’industrie du sexe qui sont à l’intérieur de ce sadisme, j’écris pour les femmes qui en sont sorties et qui vivent aujourd’hui avec le traumatisme comme ombre.

Je n’écris pas pour la Happy Hooker - car si tu es si heureuse, alors tu n’as pas besoin d’être renseignée sur les conditions que vit la grande majorité de la classe prostituée.

Tu n’as qu’à penser à toi-même et t’enterrer la tête dans le sable, tandis que tes collègues et sœurs prostituées sont torturées ou aux prises avec les séquelles de ces traumatismes.

Fondamentalement, je n’écris pas pour plaire aux proxénètes aux prostitueurs, et je sais que ça les rend furieux de me voir refuser de céder à leur contrôle.

Je pense qu’il nous faut examiner clairement le fonctionnement d’une activité comme la prostitution à l’intérieur, par exemple, parce que c’est une forme de commerce du sexe dont les proxénètes et les prostitueurs ne cessent de nous répéter continuellement à quel point elle est autonomisante et libératrice pour les personnes prostituées.

Ces gens mettent constamment l’accent sur le rêve ou l’illusion que la prostitution vécue à l’intérieur est sans danger pour la personne prostituée, ou du moins suffisamment sécuritaire et lucrative pour attirer les prostitueurs en la présentant comme le « bon côté » de la prostitution.

Il ne s’agit pas de la rendre sécuritaire pour la prostituée, mais bien de garder le marché ouvert, et concurrentiel avec d’autres formes de prostitution en offrant de la diversité.

Les personnes prostituées y demeurent des marchandises sexuelles que l’on permute dans les nombreux volets de l’industrie du sexe, disponibles comme incarnations vivantes de la pornographie pour chaque prostitueur, perçues comme interchangeables et sous-humaines.

Il n’existe rien de tel que l’égalité ou l’autonomisation en prostitution – mais il est essentiel à la survie des femmes prostituées à l’intérieur de croire en cette illusion.

Parce qu’il est insupportable de savoir que vous êtes là pour être violée, pour être torturée et que vous n’êtes jamais considérée comme un être humain à part entière.

Je pense qu’il est vital pour la survie des personnes prostituées de ne pas connaître sa réalité – à savoir que vous êtes esclave, que votre corps et votre esprit sont empoisonnés par le sadisme, et qu’il y a peu d’espoir – savoir ces choses tue bel et bien un grand nombre de personnes prostituées.

Le déni fait du bien, mais ce qui est horrible, c’est le traumatisme résultant pour les personnes prostituées qui ont la chance d’échapper à cette condition et qui arrivent à reconstruire leur vie.

Ce traumatisme est la connaissance partielle de la vérité sur la façon dont vous avez été torturée à l’intérieur de l’industrie du sexe.

J’écris en gardant constamment dans mon cœur les femmes qui s’en sont sorties – ce sont mes lectrices les plus importantes, j’écris avec fierté du fait de ma solidarité avec elles.

Elles sont ma principale priorité, tout le reste est secondaire.

 Version originale : « Sex Work Is a Fraud »

Traduction : Martin Dufresne

Tous droits réservés à Rebecca Mott

Mis en ligne sur Sisyphe, le 8 novembre 2012

Rebecca Mott, survivante et écrivaine


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=4311 -