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Le gouvernement Marois dans les pas de Stephen Harper
5 mars 2013
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Le gouvernement Marois, par l’entremise de la ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale, Agnès Maltais, a décidé d’imiter le gouvernement Harper et de taper sur les moins nanti-es de la société, en l’occurrence les bénéficiaires d’aide sociale. Cela en catimini, il va de soi. L’annonce a été faite dans la Gazette officielle du Québec, que vous et moi, c’est bien connu, avons comme lecture de chevet…
Les réductions sournoises dans certaines allocations d’aide sociale sont inadmissibles, et c’est un euphémisme. L’augmentation du coût de la vie touche bien plus durement les personnes qui reçoivent cette aide que les salarié-es des classes moyenne et supérieure. Pourquoi les accabler davantage ?
Les personnes de 53 ans et plus, qui seront touchées par la réduction de la prestation sociale pour "contrainte temporaire à l’emploi", sont justement celles qui risquent d’être les premières touchées par la réforme de l’assurance-emploi d’Ottawa et de se tourner vers l’aide sociale dite de dernier recours.
Parmi elles, je parierais qu’il y a une majorité de femmes. Mais cela ne concerne évidemment pas la ministre de la condition féminine du Québec (y en a-t-il encore une ?). L’analyse différenciée selon le sexe censée guider les décisions gouvernementales. tel que l’explique le site moribond du Secrétariat à la condition féminine, ne la concerne pas non plus.
On sait bien que, pour les femmes comme pour les hommes, se trouver un emploi à 50 ans est difficile. Qu’à cela ne tienne ! Comme Harper, le ministère Emploi et solidarité sociale (il faudrait changer le nom de ce ministère, car le terme solidarité est inapproprié) verse dans l’idéologie et la morale, sous-entendant que les personnes recevant de l’aide sociale ne veulent pas travailler puisqu’il faut les y pousser en leur coupant les vivres. Pourquoi les employeurs, qui hésitent à embaucher des personnes de plus de 50 ans, le feraient-ils davantage parce que ces personnes auront complété une formation de six mois ? La contrainte en raison de l’âge qui limite l’empoyabilité est une chose, la formation des employé-es en est une autre.
Il nous faudrait croire qu’il ne s’agit pas de faire des économies sur le dos des moins riches : « Pour chacune des modifications prévues, le ministère ne peut estimer le coût associé, car comme a expliqué le porte-parole François Lefebvre, « l’objectif de ces changements n’a rien à voir avec une économie de moyens, mais s’inscrit dans un souci de retour à l’emploi pour combler des besoins de main-d’oeuvre importants et briser le cycle de la pauvreté »*.
Cette explication est destinée à plaire à un certain public, qui enrage que l’État aide les personnes les plus démunies mais ne dédaigne pas toutes les déductions fiscales dont il bénéficie lui-même aux frais des contribuables. « L’aide sociale » aux riches, ça existe, mais ce n’est jamais elle que l’on dénonce et que l’on coupe.
Des familles avec enfants de moins de 5 ans et des bénéficiaires de services en toxicomanie seront aussi touchés par les coupures. Tiens donc ! Encore des femmes en majorité dans la première catégorie, car ce sont elles surtout qui restent à la maison avec les enfants de moins de 5 ans, quel que soit le motif. Parmi elles aussi des chefs de familles monoparentales. Familles monoparentales, déjà touchées par la loi inique qui impose la pension alimentaire versée aux enfants comme un revenu du parent gardien (en majorité des femmes), que le PQ avait promis de modifier, mais qu’il ne modifie pas. Beau cadeau du 8 mars !
Quel message le gouvernement Marois veut-il lancer en réduisant l’aide financière aux personnes atteintes de toxicomanie ? Le même message moral des Harper de ce monde : arrangez-vous avec vos problèmes personnels ? A-t-on oublié que la toxicomanie est un problème de santé qui se traduit par des contraintes à l’emploi ? Pourquoi décourager au lieu de soutenir ?
L’allocation de base moyenne des personnes recevant l’aide sociale est d’environ 600$ par mois ! Une fortune ! Le gouvernement semble appliquer le principe simpliste du ministre Marceau : « Tout le monde doit faire sa part ». Il y en a dont la part est inversement proportionnelle aux revenus annuels qu’ils ou elles touchent. Si l’État a besoin d’argent, il aurait pu augmenter de 2 points de plus l’impôt des personnes dont les revenus sont de 200 000$ et davantage au lieu d’enlever le pain de la bouche à des gens qui ont de la difficulté à subvenir à leurs besoins essentiels. Déjà que la taxe santé, qu’on avait promis d’abolir, touche inéquitablement petit-es salarié-es et gens à hauts revenus.
Par souci de solidarité sociale, on pourrait aussi abolir les primes de toutes sortes versées aux haut-fonctionnaires, cadres et dirigeants dans tous les domaines relevant de l’État - primes que toutes et tous les contribuables paient - ainsi que toutes les réductions fiscales inimaginables offertes à ceux qui ont les moyens de s’en prévaloir. Cette mesure permettrait d’accroître et non de réduire l’aide aux citoyennes et citoyens qui en ont besoin.
Mais ce n’est pas la voie empruntée par le gouvernement Marois : les femmes, les moins nantis, les gens qui ont des problèmes de santé (dépendance par toxicomanie, par exemple), ce n’est pas sa priorité. Ce gouvernement, comme le précédent, a une vision de la société axée sur l’économie à tout prix, les lois du marché, la réduction des dépenses, le déficit zéro et tutti quanti susceptible de plaire au monde des affaires. La vision péquiste de l’avenir est une vision néolibérale, qui veut plaire aux puissants de ce monde, se montrer à la hauteur de leurs attentes et de leur reconnaissance, même si pour cela il faut écraser les plus pauvres, les moins chanceux et chanceuses de la société.
Et dire que le PQ, quand il était dans l’opposition, poussait des hauts cris - que dis-je ? des hurlements ! - devant les Libéraux qui menaçaient - au moins ouvertement, eux - de réduire les programmes sociaux et l’aide aux moins nantis.
La ministre Maltais a dit qu’elle réviserait sa décision si on lui démontrait qu’elle se trompe. Mais c’est à la ministre de faire la preuve que ses mesures seront efficaces et justes.
Comme le pouvoir change les gens…
* "Québec coupe en catimini dans l’aide sociale", Le Devoir, 2 mars 2013.
– Lire aussi : "Encore quelques questions, Madame la Ministre à la Condition féminine"
Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 mars 2013