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Femmes algériennes - Quand les traditions l’emportent sur la raison

15 avril 2013

par Salima Deramchi, Zohra Flici et Marie-Ange Poyet

Ce qu’il reste des femmes derrière un haïk !

En lisant l’appel de deux associations d’Oran en Algérie, FARD (Femmes Algériennes Revendiquant leurs Droits) et Bel Horizon, association de défense du patrimoine, nous avons tout d’abord cru en une bonne blague la veille du 1er avril (poisson d’avril !).

Voici cet appel :

« Le HAIK Patrimoine culturel national sera présent à la randonnée du 1 mai (sur un itinéraire adaptée de la Place du 1 er novembre à BAB El HAM’RA).

Je porterai Le Haïk de ma mère ou de grand-mère dans les rues d’Oran et pourquoi pas acquérir UN pour cet évènement et se l’approprier en accessoire beau et pratique, sur le chemin de nos fêtes, pour cacher ses bijoux et surprendre par son KARAKOU, sa BLOUZA, son FERGANI, sa CHEDDA ou encore sa Belle Tenue de Soirée. Le HAIK est de retour mais il reste timide alors œuvrons pour le faire revenir dans nos rues.

Rejoignez nous, avec un HAIK, ce mercredi 01 mai 2013, à 08H30, à la place du 1 novembre, devant le Théâtre.

Inscription souhaitable pour les femmes qui porteront le HAIK, pour une bonne organisation, auprès de FARD ou BELHORIZON tous les jours à partir de 16h. »

***


Le haïk est une grande pièce de tissu blanc ou noir porté en Algérie par les femmes pour cacher leur corps. Le visage est également caché si on accompagne le haïk d’un adjar, une voilette accrochée derrière la tête qui ne laisse apparaître que les yeux.

Aujourd’hui, seules les femmes d’un certain âge portent encore cette tenue traditionnelle.

Durant la Guerre d’Indépendance, les femmes résistantes se sont servies du haïk pour transporter des armes, des courriers, des vivres, tout comme certains hommes l’ont utilisé, eux aussi, pour échapper aux contrôles des soldats français.

L’Indépendance acquise, nombre d’Algériennes ont marqué leur liberté en se débarrassant de ce voile.

Mesdames, après notre lutte contre le terrorisme intégriste qui n’est pas encore terminé et en mémoire de toutes celles qui ont payé de leur vie ce droit à la liberté, nous ne pouvons imaginer cet appel que comme un canular de mauvais goût.

Nous avons toujours pris le FARD pour une association féministe et nous aimerions encore le croire !

Quand on pense à tout le travail effectué et la lutte menée par toutes les féministes algériennes depuis des décennies, nous sommes atterrées par cet appel au retour aux traditions.

Au nom de quoi et de qui pensez-vous que cet appel soit opportun et fait partie du patrimoine ?

Aujourd’hui, cet appel que le patriarcat n’aurait pas osé faire, est lancé, à notre grande stupéfaction, par des femmes du mouvement associatif et de surcroît s’intéressant aux questions du genre.

PS : Quand je pense à ma mère, analphabète, qui n’a pas eu d’autre choix que de porter le haïk depuis l’âge de 10 ans dans sa petite ville des Aurès, qui a lutté pour que j’aille cheveux au vent à l’université, je m’insurge contre un tel appel. Salima Deramchi

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 avril 2013

Salima Deramchi, Zohra Flici et Marie-Ange Poyet


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=4399 -