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La misogynie n’a pas sa place dans le féminisme
Trans et masculinistes tentent de faire annuler un congrès de féministes radicales

2 mai 2013

par UK Feminist

Lauren Rankin est « une étudiante de troisième cycle en « Women’s and Gender Studies à l’Université Rutgers ». Elle a récemment écrit un article d’opinion intitulé « La transphobie n’a pas sa place dans le féminisme » (1). Les arguments mis de l’avant n’apprendront rien de neuf aux féministes radicales (« fém rad »). Mais ce qui m’a étonnée, et m’a incitée à écrire ce commentaire, est le fait que Mme Rankin utilise une citation de Simone de Beauvoir à l’appui de son argument. Cette phrase sera familière à quiconque possède la connaissance la plus superficielle du féminisme :

« On ne naît pas femme, on le devient » (dans Le Deuxième Sexe.)

Si on lit le contexte dans lequel Simone de Beauvoir a formulé cette célèbre affirmation, il est clair qu’elle faisait allusion à la féminisation forcée des femmes. Elle disait que ce processus débute dès le jour de notre naissance. Elle notait que les femmes ne sont pas nées « féminines », mais que l’endoctrinement social nous impose cette identité ou, pour reprendre ses propres mots, « c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit ». Elle ne disait pas, comme Mme Rankin semble sous-entendre, que « n’importe qui peut devenir une femme ». Non, il s’agit là d’une affirmation propre à Mme Rankin, et le fait d’utiliser une citation de de Beauvoir en 1949 à l’appui de son argument (bancal) est, au mieux naïf, et au pire malhonnête. Accordons à Mme Rankin le bénéfice du doute et tenons pour acquis que la diplômée d’études féministes et de genre de Rutgers n’a pas lu Beauvoir dans le cadre de ses cours.

Le problème avec les phrases lancées par Mme Rankin et d’autres féministes libérales, c’est qu’elles ne permettent aucune discussion. Si des féministes radicales disent considérer les femmes trans comme des hommes, elles sont immédiatement qualifiées de « sectaires » et toutes les voies de communication sont fermées. Le mot « bigotry » (fanatisme) est utilisé pas moins de 11 fois dans l’article relativement court de Mme Rankin et, dans chaque cas, il est utilisé pour décrire celles que Mme Rankin juge coupables de transphobie : les « fém rad » dont elle parle.

Regardons les autres termes utilisés pour décrire les féministes radicales : « acerbes », « agressives », « violentes ». Le mot « acerbe » suggère l’amertume, une insulte souvent utilisée par les hommes pour rabaisser les femmes qui osent dire ce qu’elles pensent. Mais j’ai encore plus de mal avec la prétention selon laquelle les féministes radicales sont « agressives » et « violentes ». Il n’est pas agressif de faire valoir qu’un mâle humain est de sexe masculin. Il n’est pas agressif d’exprimer un désir d’espaces réservés aux femmes. Et si Mme Rankin a des exemples précis de notre « violence », elle n’a offert aucun élément de preuve de cette allégation assez sérieuse.

On pourrait dire qu’il serait agressif de faire bruyamment campagne contre le droit d’un groupe marginalisé dans la société de tenir une conférence. On pourrait dire qu’il serait agressif de tenter d’empêcher des femmes de se réunir dans un espace réservé aux femmes où elles peuvent se sentir en sécurité et où elles peuvent être certaines que leurs voix seront entendues. On pourrait dire qu’il serait violent de menacer le personnel d’un centre où une telle conférence devait être tenue. Tout cela est arrivé (2), mais aucune de ces agressions et de ces violences n’a été perpétrée par des féministes radicales. Les parties responsables dans ces situations sont des militants trans (soit des personnes trans et d’autres personnes qui s’identifient comme féministes) et des masculinistes (partisans extrémistes des droits des hommes). Aucune de ces agressions et de ces violences n’est mentionnée par Mme Rankin. Et, fait révélateur, elle a omis de mentionner que la personne même qu’elle cite dans son article, Sophia Banks, est la première personne à avoir appelé les masculinistes à l’« aide ».

Le dernier paragraphe du texte de Mme Rankin vaut la peine d’être cité intégralement juste au cas où vous n’en avez pas saisi le sens à première lecture :

« Les femmes trans sont des femmes. Comment puis-je le savoir ? Parce qu’elles disent qu’elles sont des femmes. Parce qu’elles s’identifient comme femmes. Parce que votre expression de genre n’est pas dictée par le sexe avec lequel vous êtes né. Parce que moi, et bien d’autres féministes cisgenre, faisons confiance aux femmes trans quand elles disent qu’elles sont des femmes. Parce que les femmes sont des femmes, et c’est vraiment tout ce qu’il y a à en dire. » [C’est moi qui souligne.]

Avez-vous entendu cela ? Dès qu’un homme dit qu’il est une femme, il en est une. C’est tout. Aucune remise en question de cette affirmation n’est tolérée (ce serait du « sectarisme »). Contester un homme qui nous dit qu’il est une femme est être « transphobe ».

Oh, Mme Rankin... les hommes disent aux femmes quoi faire depuis le début des temps. Il n’y a pas très longtemps, les hommes disaient aux femmes que le cerveau féminin ne pouvait faire face à la responsabilité du vote. Plus récemment encore, les hommes disaient aux femmes que le cerveau féminin ne pouvait faire face à la responsabilité d’un prêt hypothécaire. Chaque jour, des hommes disent aux femmes ce qu’elles doivent porter et quelle apparence avoir et comment elles doivent se comporter. Chaque jour, les hommes disent aux femmes que leur rôle social est de répondre aux quatre volontés des hommes. Et maintenant, les femmes se font dire par (certains) hommes d’accepter sans conteste qu’ils sont, en fait, des femmes.

Certaines femmes font ce qu’on leur dit, comme c’est leur place en tant que sexe subordonné. D’autres femmes (les « fém rad ») choisissent de ne pas se laisser dire quoi faire par des hommes. Certaines femmes choisissent de ne pas se laisser faire la leçon. Certaines femmes tiennent tête aux hommes qui nous disent que nous ne pouvons pas nous réunir à moins qu’ils ne soient invités, certaines femmes luttent contre les hommes qui nous disent avoir un droit d’accès aux zones où des filles et des femmes peuvent se déshabiller, certaines femmes choisissent de ne pas se laisser dire quoi faire par des hommes.

Nous n’avons pas confiance aux hommes quand ils disent qu’ils sont des femmes (nos livres de biologie nous disent le contraire). Nous n’avons pas confiance aux hommes qui utilisent l’agression et la violence pour essayer de nous empêcher de nous réunir. Nous n’avons pas confiance aux hommes qui essaient de nous dire quoi faire ou comment penser ou comment nous comporter, car nous ne sommes pas les marionnettes des hommes. Tout homme qui veut notre confiance doit d’abord la gagner, et le fait de jouer les gros bras et de poser des exigences et de nous dire quoi faire aura certainement l’effet inverse. Tenir tête aux hommes n’est pas du sectarisme mais une démarche de préservation parce que les hommes sont des hommes et les femmes sont des femmes, et c’est vraiment tout ce qu’il y a à en dire.

1. Lien.
2. Lien.

©UK Feminist, avril 2013.

 Texte original : « Misogyny has no place in feminism », UK Feminist, sur son blog « For the liberation of women », 29 avril 2013.

Traduction : Martin Dufresne

 Lire aussi : Les micro-identités et le "libre choix" érigé en système menacent les luttes féministes

Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 avril 2013

UK Feminist


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=4411 -