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Un patron de bordel américain prêt à « bondir au Canada » si la Cour suprême invalide la loi sur la prostitution

21 juin 2013

par Mike Blanchfield, La Presse canadienne

Le fondateur du Bunny Ranch (un célèbre bordel du Nevada), Dennis Hof (...) est désireux d’étendre son activité de prostitution au Canada et dit qu’il sera attentif jeudi (le 13 juin 2013), lorsque la Cour suprême du Canada entendra des arguments sur le caractère constitutionnel ou non de la loi sur la prostitution au pays et sur son éventuelle annulation.

« Nous surveillons la situation de près parce que dès que nous verrons que ça va être légalisé, comme il se doit, le Bunny Ranch arrivera, et nous arriverons en force." (...)

La Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution, elle, fait valoir que ce sont les hommes qui sont les principaux bénéficiaires de l’industrie du sexe – à titre de proxénètes, de clients et de propriétaires de bordels.

Ces femmes affirment que la loi devrait être modifiée afin de rendre illégal le fait d’agir en proxénète ou en client, mais pas celui d’être prostituée.

L’industrie du sexe au Canada, disent-elles, a eu pour effet de victimiser de jeunes femmes, dont plusieurs sont mineures, en leur imposant une vie de dépendance à la drogue, de violence physique et sexuelle, et essentiellement d’esclavage dans une industrie illégale dont elles sont incapables de se libérer.

La coalition est composée de sept organisations de première ligne, qui interviennent dans la rue et derrière les barreaux avec des femmes maintenues au bas de l’échelle sociale. On y trouve notamment l’Association canadienne des centres contre les agressions sexuelles, l’Association des femmes autochtones du Canada et l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.

Diane Matte, directrice d’une organisation québécoise qui vise à enrayer l’exploitation sexuelle commerciale, explique que la proposition de la Coalition est basée sur ce qu’on appelle le « modèle nordique » de la législation sur la prostitution, adopté en Suède, en Norvège et en Islande, qui criminalise les proxénètes et les clients, mais protège les femmes prostituées de toute poursuite.

Hof se moque de l’idée. Dans la pratique, dit-il, ça ne fonctionnera tout simplement pas. « Vous tentez de battre en brèche un besoin naturel de l’homme. Voyons donc ! »

Lors d’une récente conférence de presse, Diane Matte a posé le geste peu commun d’accuser Alan Young, l’avocat qui conteste la loi, d’être essentiellement un porte-voix pour l’industrie du sexe, et non un défenseur des libertés civiques ou des droits de la personne, comme il le prétend.

Young a refusé de commenter cette assertion.

Pour Matte, le fait qu’une opération de grande envergure comme le Bunny Ranch annonce son intention de venir au Canada devrait être un motif d’inquiétude.

« Donc, il nous faut bien comprendre que l’industrie n’attend qu’une occasion pour se propager. »

Hof affirme que son entreprise va aider à protéger les femmes canadiennes. (...) Matte dit voir les choses différemment. Elle espère que des critères moraux jouent un rôle dans le résultat final de la contestation judiciaire.

Elle trouve répréhensible l’idée qu’un mec et ses copains peuvent sortir un vendredi soir et acheter une femme ou une fille pour leur plaisir, puis la rejeter quand ils en ont terminé.

« En bout de ligne, dit-elle, ça revient à l’idée qu’on peut acheter les femmes et qu’une certaine catégorie de femmes doit être maintenue en position achetable. La prostitution n’est pas la liberté sexuelle pour les femmes. C’est le fait de mettre une certaine catégorie de femmes au service de la sexualité des hommes. »

Matte affirme que les femmes qu’elle représente en ont assez d’être dépeintes comme « anti-sexe ».

« Nous aimons la sexualité, dit-elle. Mais nous aimons une sexualité où nous décidons que nous pouvons dire non ou oui à qui nous voulons. »

Original : http://www.vancouversun.com/touch/story.html?id=8510471

Copyright : Vancouver Sun, 11 juin 2013

Traduction : Martin Dufresne

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 juin 2013

Mike Blanchfield, La Presse canadienne


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