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Comment les hommes peuvent appuyer le féminisme
8 août 2013
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Mon arrière-grand-père avait comme adage : « Y’a juste les fous qui ne changent pas d’idée ». Jetant un regard en arrière, je réalise que j’ai suivi son conseil et que la vie m’a porté à changer, à découvrir et, souvent, à changer d’idée. Un de ces changements est ma perception du féminisme. Bien qu’aujourd’hui je m’affiche ouvertement comme étant un homme féministe, il n’en a pas toujours été ainsi.
Pendant mon adolescence, mon entourage m’a implanté une fausse perception de ce qu’était le féminisme. On m’avait fait croire que le féminisme était quelque chose d’extrémiste, qu’il regroupait des femmes enragées qui détestaient les hommes et probablement des « gouines » (pour reprendre leurs mots). En veux-tu des stéréotypes ? En v’là !
Une fois à l’université, je me suis fait un plaisir de casser ma socialisation et d’ouvrir mon esprit. Pour une première fois, je découvrais l’histoire des femmes et le manque d’études sur celles-ci. Je prenais conscience des différentes vagues du féminisme et de l’impact de Simone de Beauvoir avec son ouvrage Le Deuxième sexe. Toutefois, même après être conscient de tout cela, je ne m’affirmais pas encore féministe. J’étais, à ce moment, un humaniste. C’était pour moi plus inclusif et ouvert sur le monde. Je me disais aussi que le terme « féminisme » était péjoratif, voire désuet.
Lorsque je pensais au féminisme, je n’avais en tête que des femmes d’un certain temps ayant des revendications différentes. Il me manquait des modèles de femmes et d’hommes féministes modernes avec leurs propres revendications. L’étincelle qu’il me manquait est venu grâce à ma conjointe. Pour une première fois, j’avais quelqu’un qui me parlait du féminisme et qui m’aidait à découvrir et à comprendre son côté des choses. Je me rappelle encore des débats que nous avions sur le féminisme. Comme il y a juste les fous qui ne changent pas d’idée, j’arrivais tranquillement à comprendre qu’il existait un féminisme propre au 21e siècle et que les hommes y avaient une place non négligeable.
De plus, les hommes ont, eux aussi, besoin du féminisme. Le patriarcat et les médias laissent présager qu’un homme c’est rough, c’est dur et sans réflexion. Être un homme féministe, c’est aussi s’opposer aux stéréotypes masculins qui ne cherchent qu’à diviser les sexes, les genres et les diverses orientations sexuelles. Dans notre société où la performativité des genres est d’une intensité rare, les hommes doivent êtres conscients des pressions qu’ils subissent.
Mais qu’est-ce que la performativité des genres ? Le terme me vient de la lecture de l’ouvrage Gender Trouble, de Judith Butler. Vous comprendrez qu’il serait futile de vous expliquer, en un paragraphe, la pensée de Butler, mais laissez-moi quand même vous mettre en contexte, et peut-être, vous donner la curiosité de lire son ouvrage.
Comme Simone de Beauvoir le mentionnait, « On ne naît pas femme, on le devient ». Dans la même pensée, Butler affirme que nous ne sommes ni homme, ni femme. Suivant ce raisonnement, la performativité du genre, c’est l’idée de correspondre à l’idéal normatif de la masculinité ou de la féminité. Le rôle d’homme ou de femme qui nous est attribué ne serait pas naturel. Selon Butler, nous cherchons seulement à le réaliser en essayant de nous conformer à une identité que la société nous donne. Dès ce moment, c’est, par exemple, parce que je suis défini comme homme que je vais accomplir telles tâches, porter tels vêtements, pratiquer tels exercices ou tels sports à l’exclusion de tels autres. C’est en accomplissant les actions « performatives » qui nous sont prescrites que nous réalisons notre genre.
Bref, laissez-moi vous dire que cela remet bien des choses en perspective.
Il est clair que le féminisme donne aussi l’occasion aux hommes de casser les chaînes des constructions masculines. Ainsi, le féminisme moderne englobe beaucoup plus que les femmes. Femmes comme hommes ont besoin de s’affirmer dans leurs convictions. Cette solidarité a pour effet de renforcer le sentiment de communauté au sein du féminisme et d’ouvrir un dialogue qui, autrement, n’existerait pas. Nous avons tous beaucoup à apprendre les uns des autres !Cependant, il faut bien comprendre le rôle des hommes. Pas question de prendre le contrôle du mouvement et certainement pas question d’occuper un rôle paternaliste. Vraiment pas ! Voici ma liste personnelle d’actions en tant qu’homme :
Être un allié et offrir du soutien ; Appuyer les femmes dans leurs revendications ; Voir et comprendre les inégalités auxquelles les femmes font face chaque jour ; Prendre position lorsque des hommes ont des propos inacceptables et sexistes à l’égard des femmes et des hommes ; Dénoncer les publicités sexistes et rétrogrades ; Faire l’éducation citoyenne de nos jeunes garçons avec des modèles de femmes et d’hommes féministes. Finalement, il faut comprendre que de s’affirmer féministe dans un groupe d’hommes n’est pas forcement très populaire. Dire que nous le sommes peut parfois causer des conflits de valeur au sein de la famille ou entre amis. Cependant, c’est à ce moment que nous sommes les meilleurs alliés du mouvement. C’est lorsqu’un homme garde fermement ses convictions féministes parmi les siens qu’il donne son meilleur appui aux femmes.
L’auteur
Père et fier Acadien du nord du Nouveau-Brunswick, Michaël Dubé est titulaire d’un baccalauréat en éducation ainsi que d’une maîtrise en histoire. Il s’intéresse à l’histoire des femmes, au féminisme, aux valeurs d’égalité et d’équité ainsi qu’à la question de la réforme des lois sur les drogues au Canada. Il est aussi membre du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick et bénévole de NORML Canada.
– Cet article a été publié le 15 juillet 2013 sur le site Astheure, dans la rubrique Société, sous le titre "Hommes et féminisme au 21e siècle". Reproduction sur Sisyphe autorisée par l’auteur.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 août 2013