source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=4483 -



Laïcité et pseudo-laïcité

12 septembre 2013

par Françoise Breault, enseignante à la retraite

Voici quelques arguments des pro-« laïcité dite ouverte » et ceux en faveur de la laïcité.

Nous sommes en faveur d’une laïcité dite « ouverte ».

 Définition de laïcité : qui n’est pas religieux, qui est indépendant de toute confession religieuse. Le fait qu’elle soit neutre et ne favorise personne est justement ce qui la rend inclusive, ouverte à tous et toutes, est un facteur de cohésion.

 La définition de laïcité est claire et sans ambiguïté. Les personnes favorisant le port de signes religieux dans la fonction publique sentent le besoin d’ajouter « ouverte » au mot laïcité. Ce besoin d’accoler un adjectif à laïcité traduit le fait que leur conception ne correspond pas pleinement à la définition et à l’usage fait jusqu’ici. En fait, pseudo-laïcité serait plus juste.

 Porter un signe religieux est un symbole puissant et d’aucune façon neutre. Ce n’est pas pour rien que certain.e.s insistent tant pour le porter.

Ceux et celles qui interdisent les signes religieux dans la fonction publique sont des gens fermés, islamophobes.

 Au Québec, le meilleur moyen de faire taire quelqu’un c’était de l’accuser de raciste ou d’islamophe. C’était. Les Québécois.e.s ayant plus confiance en eux sont moins vulnérables à ce genre de propos. Important d’identifier cette attaque comme il se doit : de la grossière manipulation en soulignant que, quand on est à court d’arguments, l’on s’attaque aux personnes.

 Effectivement quelques Québécois.e.s sont racistes et nous le déplorons vivement. Toutefois, utiliser cet argument de racisme ou d’islamophobie envers toutes personnes qui prônent la laïcité relève du sophisme et de la démagogie.

 Beaucoup de femmes musulmanes ou d’origine arabe au Québec appuient ce point de vue. Sont-elles racistes ?

Plusieurs femmes intelligentes et voilées déclarent publiquement que c’est leur choix de porter le voile

 Les femmes qui subissent de la pression directe ou indirecte pour porter le voile ne viendront jamais témoigner en public. Pas plus qu’une femme victime de violence ne va venir dénoncer son agresseur en public. La peur de représailles est trop grande. Jamais Aqsa Parvez, vivant en Ontario et tuée parce qu’elle refusait de porter le voile n’aurait pu témoigner publiquement de son oppression. Également pour les femmes de la famille Shafia. Le projet de loi sur la laïcité va venir soutenir toutes ces femmes qui ne peuvent s’exprimer publiquement et qui aimeraient travailler dans la fonction publique sans subir la pression du milieu pour porter le voile. QS et la FFQ croient se ranger du côté des opprimées avec leur « laïcité ouverte », mais elles se trompent de cible.

 Dans les années 40, plusieurs femmes ont contesté le droit de vote pour les femmes tout comme certaines femmes contestent aujourd’hui la laïcité. Dans ces deux situations, on fait sien le point de vue du dominant. C’est ce qu’on appelle l’aliénation : Les femmes qui réclament haut et fort, le port de signes religieux dans la fonction publique, font souvent partie de groupes organisés. Je ne serais nullement surprise d’apprendre que ces groupes sont financés par des gouvernements islamiques.

 Le projet de loi sur la laïcité apporte du support aux femmes dans les pays arabes qui luttent souvent au risque de leur vie, pour avoir la liberté de vivre cheveux au vent. Accepter ici le port de signes religieux dans la fonction publique va renforcer la position des gouvernements islamiques tel que l’Arabie saoudite qui ne pourra que se réjouir.

 Dans le sillage de la loi en France interdisant tout signe religieux dans les écoles, (ce qui va beaucoup plus loin que l’actuel projet de loi) un sondage auprès des femmes musulmanes indiquait qu’une grande partie appuyait cette loi. Elle les aidait à diminuer la pression sur elles.

Si on interdit le port du voile dans la fonction publique et para-publique, on empêchera plusieurs immigrantes de travailler et de s’intégrer. C’est l’argument principal de Québec solidaire.

 Ne pas confondre débat sur la laïcité et débat sur l’immigration. La laïcité de l’État c’est une chose, l’intégration des immigrant.e.s c’en est une autre. Oui, il faut favoriser davantage l’intégration des immigrant.e.s et prendre les mesures qu’il faut pour atteindre ce but. Fort possible que la laïcité dans les institutions publiques favorise même cette intégration. Il est interdit de porter des signes identifiant son parti politique dans la fonction publique. Est-ce que cela veut dire qu’on empêche les militant.e.s d’accéder à un travail dans la fonction publique ?

 Quel serait l’effet sur les client.e.s d’être servi.e.s par des fonctionnaires ou enseignant.e.s qui portent le signe d’un parti politique ? Même s’il ne fait aucun zèle pour son parti, serait-ce respectueux pour la personne qui reçoit le service et ne partage pas du tout ce choix ? La neutralité est le meilleur moyen de respecter le client.

 Porter le voile n’est nullement une obligation religieuse tel que le laisse entendre le discours intégriste dominant. « Le port du voile ou de tout autre vêtement n’a jamais été inscrit dans les lois religieuses. Il n’existe aucun « uniforme islamique » prescrit. » Yolande Geadah, Femmes voilées, intégrismes démasqués, p. 60

 Parmi les femmes qui tiennent mordicus à porter le voile, beaucoup le font par prosélytisme. Dans ce cas, elles devront assumer les conséquences de leur choix.

C’est l’État qui est laïque, pas les personnes. Celles-ci peuvent donc porter tous les signes religieux qu’elles veulent.

 Si l’on suit cette logique, les fonctionnaires pourraient donc afficher librement leur parti politique. Serait-ce respectueux pour la personne qui reçoit le service et ne partage pas du tout ce choix ? Dans les classes, est-ce que les parents accepteraient cela des enseignant.e.s ? Même si aucune parole n’est prononcée en faveur d’un parti comme tel, le seul fait d’en porter l’insigne peut avoir une influence sur les étudiant.e.s. On sait tous et toutes le pouvoir que peut avoir un.e prof aimé.e de ses étudiant.e.s, notamment au primaire. Si un parent n’a pas le goût que son enfant soit influencé par une personne affichant tel parti, pourquoi accepterait-il qu’il le soit par une personne affichant telle religion ?

 Imaginons une enseignante dans une classe d’étudiant.e.s immigrant.e.s dont principalement de religion musulmane, qui porte un T-Shirt : « Je ne crois ni à Dieu, ni à Yahvé, ni à Allah » Combien de parents accepteraient cela même si elle est très compétente et fait un excellent travail ? Pourquoi une personne athée ne pourrait-elle pas afficher sa non-croyance et les autres peuvent-elles afficher leur croyance ?

La liberté de religion est sacrée. Interdire le port de signes religieux dans la fonction publique nuit à cette liberté.

 Interdire le port de signes religieux dans la fonction publique ne contrecarre nullement la liberté religieuse. Porter un signe religieux est une manifestation de la religion, non la religion en tant que telle. Affirmer le contraire relève de la démagogie ou du prosélytisme. L’essence d’une religion ne se ramène tout de même pas au port d’un signe extérieur. Chacun.e pourra continuer d’adorer et prier Dieu, Allah ou Jehovah sans restrictions.

 Personne n’empêchera les gens désireux d’afficher leur religion de se promener dans les rues, les places publiques, les restos, les centres d’achats, ni de voyager, etc.

 Bon nombre de croyant.e.s : catholiques, juifs, juives, musulman.e.s, sikhs, n’affichent pas de signes extérieurs. Sont-ils moins croyant.e.s pour autant ?

En conclusion :

Le Québec n’est pas une île. Avec le développement des communications : sites, blogues, courriels, facebook, youtube, etc, il serait naïf de croire que le débat au Québec est complètement isolé de la montée de l’intégrisme un peu partout dans le monde. Tout comme la pression pour la hausse des frais de scolarité fait partie de l’idéologie néolibérale : pour bien saisir la portée du premier enjeu, il faut connaître l’idéologie sous-jacente. Yolande Geadah, québécoise d’origine égyptienne, nous le montre brillamment dans son livre :Femmes voilées, intégrisme démasqués. En voici quelques extraits :

 « Le port du voile est clairement le symbole politique du rayonnement de l’idéologie intégriste dans la société » p. 87
 « […] le débat actuel sur le voile n’a de religieux que la couche superficielle. Il est au fond essentiellement un débat politique entre deux visions opposées de la société et de la place qu’on y réserve aux femmes. p. 75
 « La défense et la promotion du voile en Occident relèvent d’une véritable organisation incluant des associations, des comités de soutien, des déclarations de presse, » p. 216

Il serait intéressant d’inviter les imans promoteurs du voile à se prononcer sur les droits des femmes face au mariage, divorce, héritage, à la Cour.

Au-delà du voile, le véritable enjeu principalement pour les femmes immigrantes, c’est l’égalité homme-femme.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 septembre 2013

Françoise Breault, enseignante à la retraite


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=4483 -