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"À Rome, on fait comme les Romains". Pourquoi pas au Québec ?

15 septembre 2013

par François Piazza, écrivain

S’il est nécessaire, dans une démocratie, que tout un chacun donne son avis pour légaliser ce qui est légitime, encore faut-il s’entendre sur la signification des mots et des termes que l’on emploie, ce qui semble de moins en moins le cas dans ce débat sur la Charte des valeurs québécoises.

Cela devient un brouhaha dans lequel des voix, de plus en plus perchées sur les détails, deviennent des sirènes annonçant mille maux à venir, et cochon qui s’en dédit ! Peut-être serait-il bon de définir le cadre et les éléments du débat.

Nous sommes dans une démocratie : ce qui implique que les lois communes ont pour but de garantir les droits individuels, à la condition que le droit de l’un n’empiète pas sur celui de l’autre.

Par exemple, la laïcité qui impose la neutralité de l’État pour protéger les croyances de chaque citoyen et chaque citoyenne. Pour que ce concept soit crédible, il faut que ceux et celles qui le représentent affichent une neutralité ostensible.

Ce qui ne les empêche nullement de porter des signes discrets d’une appartenance en pendentif, main de Fatima, Croix du Saint-Esprit ou Livre de la loi. Au choix.

Prenons en exemples des faits précis : ne pas, au nom de sa foi, refuser d’obéir à un agent de police parce que c’est une femme (sic) ou l’examen médical d’une femme, sous prétexte que le docteur est un homme.

Le cas le plus cocasse que je connaisse est la mise à la porte de l’Hôpital juif d’un ambulancier parce qu’il mangeait un sandwich non « casher ». De petits riens qui font un tas tant qu’on ne légifèrera pas.

Cela s’applique également à l’éducation, dès la petite enfance.

La foi, quelle qu’elle soit, fait partie du domaine exclusif des parents et de leur intimité, l’État, pour respecter leur choix, se doit de n’en privilégier aucune.

Les parents doivent pouvoir, s’ils le désirent, envoyer leurs enfants dans une école religieuse ou privée, laquelle, pour obtenir un financement identique aux écoles publiques, devra enseigner les matières scolaires propres à l’année scolaire. Ce qui n’est pas toujours le cas, actuellement. Voir du coté d’Outremont...

En ces lieux, foi et religion ne font qu’un. Ce qui est faux dans l’espace public (ou étatique) peut être vrai dans l’espace intime de chacun.

Ce ne sont pas les croyances qui sont dangereuses mais les implications qui en découlent, selon les dogmes des religions. Or ceux-ci ne se discutent pas : pour un croyant zélé, ils s’appliquent. Point barre !

C’est le même pourtant qui réclamera une dérogation raisonnable et non négociable. Car « les libertés que nous vous réclamons au nom de vos principes, nous vous les refusons au nom des nôtres ». (Léon Blois)

Celles qui, au nom de leur foi, demandent la liberté de porter le voile en tout lieu, parce que c’est leur choix, savent-elles qu’au nom de leur foi dans certains pays, dont souvent elles sont issues, une femme doit porter ce voile pour ne pas être légalement punie ? Alors qu’ici, hors de leurs fonctions dans le service public, elles peuvent se voiler si l’envie leur en dit.

« À Rome, on fait comme les Romains ». Pourquoi pas au Québec aussi ?

Quant au patrimoine, c’est un ensemble inclusif de relais qui situent les origines et l’histoire d’une société : autant la croix du Mont-Royal que la petite église anglicane de Québec ou la faculté de théologie presbytérienne de l’Université McGill en font partie.

Le patrimoine, ce sont les survivants de l’oubli.

Peut-être que ce débat sur ces choix, un jour, en fera partie.

« Mais nous serons morts mon frère ».

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 septembre 2013

François Piazza, écrivain


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