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Fatima Houda-Pepin : "Je suis libérale et fédéraliste et je suis contre le tchador à l’Assemblée nationale".

15 novembre 2013

La députée libérale de La Pinière, Fatima Houda-Pepin, réagit dans cette lettre aux propos de son collègue Marc Tanguay sur le port du tchador à l’Assemblée nationale.



C’est la goutte qui a fait déborder le vase.

Je suis sidérée, blessée et choquée de ce que j’ai lu dans La Presse et Le Devoir du 12 novembre dernier, une déclaration de mon collègue Marc Tanguay, porte-parole de l’opposition officielle en matière de laïcité, sous le titre « Les candidates libérales pourront porter le tchador au prochain scrutin ».

Pour être une assidue du caucus des députés libéraux, un tel positionnement n’y a jamais été discuté.

Je le cite au texte : « On ne peut jouer dans les limitations des libertés, et cette personne qui se fait élire (avec son tchador) aurait tout à fait le droit et la légitimité démocratique d’être assise à l’Assemblée nationale ».

Mais avant qu’une « libérale » portant un tchador puisse siéger à l’Assemblée nationale, il faut qu’elle soit candidate, et pour être candidate, il faut qu’elle y soit autorisée, par écrit, par le chef du parti libéral du Québec.

Est-ce que c’est ça le modèle de l’égalité hommes-femmes que le parti libéral du Québec veut maintenant présenter à la face du Québec ?

Est-ce que les Québécoises ont fait tout ce chemin pour en arriver à prendre comme modèle de l’égalité hommes-femmes celui de l’Arabie Saoudite ou de l’Iran des Ayatollahs ? Je me questionne.

Suis-je encore dans le Parti libéral dont les élites politiques et intellectuelles se sont relayées pendant un siècle, pour mener un combat courageux pour la séparation de l’Église et de l’État au Québec ?

Suis-je encore au parti libéral d’Adélard Goudbout qui a accordé aux Québécoises le droit de vote et d’éligibilité des femmes, un droit gagné de haute lutte par les suffragettes et les militantes libérales ?

Suis-je encore au Parti libéral du même Adélard Godboult qui a institué l’école obligatoire, forçant les parents de toutes les régions du Québec à scolariser leurs enfants - garçons et filles - ?

Suis-je encore au Parti libéral du Québec de la Révolution tranquille qui a fait élire la première femme députée à l’Assemblée législative, Marie-Claire Kirkland, qui a mis fin à la tutelle des femmes en faisant adopter la loi sur la capacité juridique de la femme mariée ?

Quand on connaît la signification du tchador et de sa variante afghane, le tchadri, comment peut-on justifier l’acceptation d’un tel symbole dans ce haut lieu de notre démocratie qu’est l’Assemblée nationale ?

Je suis libérale et fédéraliste et je refuse toute dérive vers le relativisme culturel sous couvert de religion, pour légitimer un symbole, comme le tchador, qui est l’expression même de l’oppression des femmes, en plus d’être la signature de l’intégrisme radical.

Est-il nécessaire de rappeler que le Parti libéral du Québec a déjà limité la liberté d’expression (liberté fondamentale) en matière d’affichage commercial, par voie législative, et qu’il a même eu recours à la clause nonobstant pour soustraire sa Loi à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et à la Charte canadienne des droits et libertés.

Oui, en démocratie, il est permis d’interdire, quand l’intérêt public l’exige.

L’égalité hommes-femmes est un droit fondamental qui demeure un acquis fragile à l’ère des intégrismes qui caractérise notre siècle. Il faut le protéger et le défendre et non le mettre en péril.

*

Ceci n’est pas une réplique à la Charte des valeurs, mais une réaction à la déclaration de M. Marc Tanguay. Mme Houda-Pepin rendra publics ses commentaires sur la charte ultérieurement et déposera un projet de loi sur la neutralité religieuse de l’État.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 novembre 2013




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