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Le manifeste des mères survivantes

8 décembre 2013

Manifeste pour les mères ayant vécu la perte d’enfant(s) dans un contexte d’homicide intrafamilial avec suicide de l’ex-conjoint

Le mot des auteures

Le meurtre de nos enfants, par leur propre père, notre ex-conjoint, quelqu’un avec qui nous avons partagé un jour nos vies, notre corps, notre intimité, ne nous a pas laissées que sans voix ; c’est un acte qui nous a tranché la gorge de part en part, nous coupant le souffle, nous coupant l’accès à notre coeur… Il ne nous reste que nos pensées, où tournoient l’absurdité, le surréalisme, le froid de l’existence pure, dénuée de tout sentiment. On pleure et on meurt et, pendant un certain temps, là se résume notre expérience de l’existence. Quand on récupère notre coeur, on pleure et on meurt… Les souvenirs, la culpabilité, le manque, la détresse et le désespoir nous envahissent complètement, nous submergent et on tombe dans une chute qui semble sans fin, sans fond. Puis vient le jour où l’on revoit le monde… dans un corps étranger, où l’on doit cohabiter avec un inconnu, cet autre alter ego prévu pour les scénarios apocalyptiques, que nous ne connaissons pas et qui nous fait peur. A-t-il connu nos enfants ? A-t-il déjà aimé un monstre ? Fait-il confiance au monde ? M’aidera-t-il à vivre ou à mourir ?

Cette réalité peut révéler une part de ce que nous avons à vivre. Ce manifeste est notre cri du coeur. Il est issu de rencontres qui ont eu lieu dans le cadre d’un projet documentaire qui porte sur la réalité interne et quotidienne d’un groupe de femmes ayant vécu le meurtre de leurs enfants par leurs ex-conjoints.

Pour nous toutes, ces actes terribles ont été commis dans un contexte où des procédures légales au sujet d’un ou des enfants et/ou une séparation conjugale étaient en cours. Le manifeste portera principalement sur les constatations et observations de chacune de nous quant aux lacunes du système en termes de prévention du drame (qualité du soutien, des mesures de sécurité, du besoin d’intervenants spécialisés dans des contextes aussi délicats), de même que du soutien et de l’accessibilité des ressources après le drame (par exemple, une reconnaissance de la gravité et de l’impact du geste commis et de la ténacité de ses échos, d’une considération juste et adéquate de l’expérience traumatique – indemnisation adéquate – un soutien psychologique adapté et pouvant couvrir, en termes de durée, la portée du traumatisme dans le temps).

Il est triste de constater que, malgré l’évidence des dommages touchant toutes les sphères de fonctionnement d’un tel acte, les « victimes » sont restées dénuées d’une attention des instances politiques/publiques qui aurait pourtant été légitime et bien fondée. Malgré les récents bouleversements en matière d’indemnisation aux victimes d’actes criminels (projets de loi 22 et 25 modifiant la loi de l’indemnisation aux victimes d’actes criminels) et l’apparente sincérité des « offres » quant aux recours des parents survivants au meurtre de leurs enfants, la timidité du soutien et de l’indemnisation offerte nous oblige à défendre nos droits puisque, étant donné « l’ancienneté » de nos histoires, nous restons malgré tout, non considérées, pour ne pas dire délaissées… Le système de justice nous laissant, encore une fois, loin derrière…

Ainsi, en tant que mères d’enfants assassinés, nous prenons position en formulant quelques recommandations et revendications et, à ce titre, nous demandons la considération de ces demandes par un examen sérieux, conséquent à la gravité de la problématique dont il est ici question.
Nous gardons espoir que vous entendrez et comprendrez l’importance de ce cri du coeur de parents qui survivent à l’innommable.

Précision

Dans notre groupe, les responsables de l’assassinat de nos enfants sont les ex-conjoints, qui sont les pères biologiques de ces derniers. La raison pour laquelle nous nous arrêtons à cette dynamique particulière n’est pas de nature discriminatoire, mais est plutôt issue de notre vécu spécifique. Car, dans l’ensemble des victimes d’actes criminels, il y a les survivants de drames familiaux et dans ce sous-groupe, il y a aussi plusieurs sous-types (parricide, matricide, familicide, filicide, néoticide, etc.).

Dans les filicides en particulier, il y a aussi plusieurs sous-groupes : ceux commis par des femmes, ceux commis par des hommes, ceux suivis d’un suicide ou non. Les motivations peuvent en effet varier en fonction des genres (Dubé et al. 2004 ; Dubé, 2008 ; Léveillée et al., 2007 ; Martin-Borges, 2006).

Donc, étant donné la complexité et l’importance des variables mises en cause, nous nous sentons aptes à n’aborder que le cas de figure de filicides commis par des pères dans un contexte de séparation difficile où des procédures légales étaient engagées (ou appréhendées dans un avenir proche). Le contexte concerne toutes les signataires de ce manifeste.

Nos demandes

I. Reconnaissance du statut de victime par l’IVAC
II. Une indemnisation de 50 000 $ par enfant assassiné, montant rétroactif jusqu’en 1972
III. De l’aide psychologique et psychiatrique à vie
IV. De l’aide à l’intégration à l’emploi
V. Simplification du processus et meilleur accompagnement de la part du réseau CAVAC
VI. Respect total des exigences du parent survivant quant à la disposition des dépouilles des enfants assassinés
VII. Une meilleure formation et concertation des intervenants sociaux et judiciaires en matière de violence conjugale, particulièrement de la DPJ
VIII. Transfert de la succession du meurtrier au conjoint survivant ou à la famille de ce dernier, une mesure dissuasive
IX. Révision des politiques d’intervention de la DPJ

 Lire le manifeste intégral.

 Donnez votre appui au manifeste des Survivantes. en signant la pétition.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 décembre 2013




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