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Des messagères de l’intégrisme islamique

8 décembre 2013

par Johanne St-Amour

Assurément, l’interdiction du port de signes religieux pour les employé-es de l’État est l’élément le plus contesté du projet de loi 60 (1). La divulgation, il y a une semaine, du port du niqab par des éducatrices d’une garderie de Verdun a davantage attisé les débats.

Les éducatrices qui portent le niqab n’observent pas les règles de sécurité, d’identification et de communication. De plus, en portant ce vêtement dès qu’un homme pénètre dans la garderie, elles donnent aux enfants un exemple dénaturé des relations entre les femmes et les hommes. Le statut privé de la garderie ayant soulevé un doute quant à la légitimité de contester cette décision, il est rassurant de voir que plusieurs personnes, dont des journalistes, ont jeté les hauts cris et affirmé que le projet de loi 60 ne va pas assez loin. D’autant plus que les parents ont fortement appuyé les éducatrices. Mais comme ce débat n’engage pas que leur propre satisfaction pour les services rendus, ils devront prendre conscience de l’ampleur de la polémique.

C’est mon choix ! Ultime déclaration de la propriétaire de la garderie qui vise à nous clore le bec. Ce choix n’est pas individuel, ne lui en déplaise. D’abord elle l’impose à toutes les éducatrices et cette position a des conséquences dans toute la société québécoise. Plus encore, ce choix est politique car le voile « crée une coupure entre les bons et les mauvais croyants et fait de celles qui ne le portent pas des mécréantes » (2), affirme Malek Chebel selon qui ce symbole représente aussi une authentique manipulation.

La propriétaire a nié d’emblée faire l’objet de pressions familiales. Elle affirme que ce choix relève spécifiquement de l’intensification soudaine de sa ferveur religieuse. D’ailleurs, les femmes portant des signes religieux ostentatoires sont maintenant promptes à souligner que la famille ou la communauté n’a rien à voir dans ce choix. On ne peut tout de même rejeter la possibilité de pressions familiales ou communautaires, parfois très subtiles : la « société parallèle, », comme se plaît à la nommer une intervenante à l’émission « Sophie en direct » diffusée en octobre dernier (3). Cette « société », spécifiquement une partie de la communauté musulmane selon Fatima Da Silva, qui a grandi au Maroc, exerce des pressions sur les membres qui ne pratiquent pas ou semblent adopter des opinions ou comportements jugés trop occidentaux. En tous cas, le geste de la propriétaire reçoit probablement l’approbation de plusieurs membres de cette communauté parallèle. La position de ces femmes voilées constitue un déni évident ainsi qu’une navrante désolidarisation des femmes qui vivent des discriminations !

Sans remettre en question l’ardeur religieuse de la propriétaire de la garderie, question intime et intangible, je crois que sa motivation profonde traduit une puissante réaction au projet de loi 60. D’ailleurs, elle en a contre le projet de charte, dit-elle. Cette contestataire voilée a décidé de porter l’étendard de fondements religieux et culturels rétrogrades et discriminatoires. Ainsi, elle se place en « première ligne de combat » des croisades modernes. Elle n’est pas une victime, inutile de combattre pour sa liberté ! Mais elle s’érige comme une « sacrifiée » volontaire, position plus noble, plus sacrée, plus héroïque ! Voilà peut-être sa véritable motivation.

Jusqu’où ira cette femme pour défendre « ses » droits si le gouvernement adopte une loi qui impose à toute personne d’avoir le visage découvert dans les lieux publics ? Fera-t-elle comme cette jeune Française de 23 ans qui a saisi la Cour européenne des droits de l’homme afin de contester la loi qui interdisait une tenue dissimulant le visage dans l’espace public ? Cette femme qui désire garder l’anonymat (tant qu’à n’être personne !), et qu’on identifie par ses initiales seulement, S.A.S., est une musulmane pratiquante. Elle souligne que son choix est personnel et qu’elle ne subit aucune pression ! Elle dit porter le niqab « pour être en accord avec sa foi, sa culture et ses convictions personnelles » (4). Le port du niqab est occasionnel et dépend de « son humeur spirituelle » ! « [E]lle plaide le droit à l’exercice de sa religion ainsi que, fort étrangement, celui la protégeant de la torture et des "traitements inhumains et dégradants. » (5).

Ou encore, la propriétaire de la garderie de Verdun imitera-t-elle de nombreuses femmes qui ont défié la loi en France et font appel au richissime Rachid Nekkaz afin qu’il paie leurs amendes ? M. Nekkaz avait payé, en juillet 2013, 653 des « 661 amendes qui ont été dressées depuis la loi de 2011 interdisant le port du voile intégral dans l’espace public » (6). Rachid Nekkaz se déplace même personnellement à la trésorerie pour acquitter les 1 500€ imposés, ajoutant l’insolence à la controverse. Près de 100 000€ en tout, rien de moins !

Le financement de ce genre d’amendes ne poserait sûrement aucun problème au Québec non plus. Sans doute, de riches bailleurs de fonds, provenant d’aussi loin que du Qatar et de l’Arabie Saoudite, se presseraient-ils aux portes de certaines communautés religieuses musulmanes pour les financer. Peut-être sont-ils derrière l’école musulmane qui intente une poursuite à Djemila Benhabib pour propos diffamatoires et "anti-coraniques".

Les conséquences de la progression du mouvement fondamentaliste islamique n’ébranlent pas que notre conception de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le fondamentalisme s’attaque aussi à la liberté des enfants, ce qui devrait faire réfléchir la propriétaire et les parents de la garderie de Verdun. Une importante décision juridique a été prise cette semaine à Paris concernant le port du hidjab par une éducatrice de la garderie privée Baby-Loup aux Yvelines.

Originaire du Chili, mais habitant en France depuis une trentaine d’années, cette femme a décidé de porter le voile au retour d’un congé de maternité de 5 ans alors qu’elle ne le portait pas auparavant. Et ce, malgré la neutralité confessionnelle inscrite au règlement de la garderie. Congédiée, elle a contesté cette décision en cour. Après trois procès dans trois cours différentes, dont un où la cour a penché en sa faveur, le litige s’est rendu en Cour d’appel de Paris. Le 27 novembre dernier, celle-ci a non seulement donné raison à la garderie, mais elle a souligné le problème qu’il pose aux droits des enfants.

Ainsi, la Cour d’appel spécifie que « les missions d’éveil et du développement de l’enfant […] sont de nature à justifier des restrictions » à la liberté de religion (7). Il est toutefois à prévoir que Fatima Afif, l’ex-éducatrice en question, fera appel et portera elle aussi le jugement jusque devant la CDHE. Malheureusement, le mal est déjà fait. Victime d’insultes, de menaces et de grabuges, la garderie déménagera l’an prochain dans une ville voisine. Il est intéressant de constater que 87% des Françaises et des Français appuient la décision de la garderie concernant le congédiement de l’éducatrice voilée. (8)

Une psychanalyste et pédopsychiatre française, Christiane Éliachef, fille de Françoise Giroud, croit également que le port du voile peut avoir une incidence sur les enfants : « Le voile, comme la neutralité, entraîne une série de conséquences dans le projet éducatif. Une salariée voilée ne se contente pas de porter le voile : elle pourrait aussi appliquer aux enfants ce qu’elle estime être les règles de sa religion. Cela a des répercussions sur la mixité, la nourriture, l’éducation sexuée… » (9).

Je suis ébahie et choquée par l’ampleur de tous ces incidents. Ils accaparent temps, argent et énergie, monopolisent l’agenda politique et menacent nos libertés et nos démocraties. Et on devrait se gêner d’appuyer un projet, tel le projet de loi 60 ? Ou tout autre projet qui protégerait nos valeurs ? Jusqu’où iront les islamistes ? Comme le rappelle la députée Fatima Houda-Pepin : « Les islamismes radicaux n’ont pas de frontières géographiques : la planète est leur horizon et ils s’inscrivent dans la durée. » (10)

Notes

1. Projet de loi n°60 : Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement, présenté par M. Bernard Drainville, Ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Éditeur officiel du Québec, 2013.
2. Malek Chebel cité par Denise Bombardier dans « Les grandes entrevues » : « Tu ne peux pas imposer tes pratiques religieuses dans un pays où la majorité n’est pas musulmane », Le Journal de Montréal, 30 novembre 2013.
3. Fatima Da Silva, lors d’une entrevue avec Sophie Stanké, à « Sophie en Direct », à la radio M de Vues et Voix, Magnétothèque, émission du 4 octobre 2013.
4. L’Express>, « Cour européenne des droits de l’homme : l’interdiction du voile intégral en débat », publié le 25/11/2013 à 11:16.
5. Mario Roy, « La crèche et le hidjab », La Presse>, 29 novembre 2013.
6. Tiphaine Le Liboux, , « Qui est Rachid Nekkaz, celui qui paie les amendes des femmes voilées ? » dansRue89, 24 juillet 2013.
7. Christian Rioux, « Garderie Baby-Loup - La Cour autorise le licenciement d’une éducatrice voilée », dans Le Devoir, 28 novembre 2013.
8. Christian Rioux interviewé par Geneviève Asselin au Téléjournal Midi, « France : le renvoi d’une éducatrice voilée est confirmé », Radio-Canada, le 27 novembre 2013.
9. Isabelle Duriez, , « Caroline Eliacheff : "Le conflit sur le voile touche aussi les enfants" », dans Elle, 13 novembre 2013.
10. Fatima Houda-Pepin interrogée par Anne-Marie Dussault à
« Après tout, c’est vendredi », Radio-Canada, 29 novembre 2013.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 décembre 2013

Johanne St-Amour


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