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Carnets de campagne
Encore trop peu de Québécoises au pouvoir

18 mars 2014

par Johanne St-Amour, féministe radicale et collaboratrice de Sisyphe

En 1998, on avait demandé à Lucien Bouchard, alors premier ministre du Québec, son opinion sur le fait que peu de femmes se retrouvaient en politique. Impassible, il avait répondu : « Oui, c’est vrai. Mais s’il est essentiel que les femmes prennent leur place dans la politique, l’État ne les prendra pas par la main. Il faut qu’elles fassent elles-mêmes leur entrée dans l’arène politique. » (1)


Il n’en fallait pas plus pour stimuler des personnes comme Élaine Hémond, Hélène Leclère, Natalie Rinfret, Michèle Baron et Michel Umbriaco. Retroussant leurs manches, il et elles mirent en action leur esprit de créativité, d’organisation, de débrouillardise et de détermination. L’assemblée générale de constitution du Groupe Femmes, Politique et Démocratie (GFPD) eut lieu trois mois plus tard à Cap-Rouge (2).

Cet organisme d’éducation populaire et sans but lucratif promeut depuis ce temps la participation des femmes à la vie politique à tous les paliers (scolaire, municipal, provincial, fédéral) et aux conseils d’administration des organismes privés et publics. En ce sens, il élabore des activités d’information et de formation, des ateliers, des conférences, des colloques, des forums et des outils. Une partie du mandat du groupe consiste aussi à former la population en générale à l’éducation citoyenne et démocratique.

L’avancement de la démocratie ne peut se faire sans l’apport du potentiel des femmes à diriger. Et le pouvoir des femmes ne peut s’étendre sans leur participation aux postes de pouvoir des institutions. L’objectif ultime du Groupe, qui est aussi son indice de succès de l’avancement de la démocratie au Québec, est l’atteinte de la parité des femmes et des hommes à ces postes de pouvoir. Un boulot de taille !

Jusqu’ici le portrait de la représentation des femmes dans les différents partis pour l’élection de 2014 au Québec est plutôt asymétrique (3). Québec solidaire a inscrit dans ses règlements l’obligation de représentation égalitaire des femmes et des hommes et est le seul parti à afficher la parité des candidatures. Rappelons également qu’une femme et un homme assument le leadership du parti.

À l’inverse, la Coalition Avenir Québec présente, à ce jour, un pourcentage de 23% de candidates. Non seulement ce pourcentage est-il affligeant, mais les propos de François Legault à ce sujet le sont tout autant : il dit miser sur la compétence des candidat.e.s et défend son opinion en soulignant que les femmes de son parti l’approuvent. Je sourcille lorsque des chefs de parti ou des administrateurs ou administratrices opposent les compétences des candidates à l’objectif de parité de leur organisme. Sans minimiser les efforts requis pour recruter des femmes, je crois qu’il serait plus pertinent de viser un objectif, d’établir une politique pour atteindre la parité que de tenter de s’excuser d’une faible représentativité. Surtout, surtout en jetant le doute sur les compétences des femmes. Les compétences des hommes, elles, ne sont jamais remises en question !

On a beaucoup reproché au Parti québécois, lors de l’élection de 2012, d’être un des partis à ne pas avoir présenté assez de candidates féminines. On a aussi blâmé Pauline Marois, avec raison, de ne pas avoir constitué un conseil des ministres paritaire : dans ce conseil il n’y avait que 32% de femmes. Et ce, d’autant plus que le gouvernement précédent dirigé par le Parti libéral avait affiché sa fierté, en 2007, d’être le premier gouvernement à réaliser cet exploit. Mais il pourrait en être autrement si le Parti libéral du Québec était élu le 7 avril. En effet, le 8 mars dernier, Journée internationale des femmes, Philippe Couillard visait plutôt une « zone paritaire » où la représentation des femmes se situerait entre 40 et 60%. Le pourcentage de candidates féminines libérales est présentement de 27% et le parti vise un pourcentage d’environ 40%. Au Parti québécois un tel pourcentage vient d’être atteint, soit 39% de candidates.

Peut-on faire mieux ? Les groupes comme le GFPD, qui s’efforcent d’augmenter la représentativité des femmes au sein des instances de pouvoir, le croient et travaillent d’arrache-pied, avec les moyens du bord, pour y parvenir. D’ailleurs plusieurs organismes féministes ont inscrit cet objectif à leurs programmes ces dernières années.

Dans un prochain carnet, je vous entretiendrai, des raisons et des obstacles qui pourraient expliquer le faible taux de représentation des femmes en politique et j’expliquerai les moyens que les institutions peuvent déployer afin d’augmenter la parité.

Prochain article : « Comment lever les obstacles à l’accès des femmes au pouvoir ? »

Notes

1. Élaine Hémond, « Une histoire de créativité et de détermination », Groupe Femmes, Politique et Démocratie, 18 août 2008.
2. Groupe Femmes, Politique et Démocratie.
3. Guillaume Bourgault-Côté, Conseil des ministres : pas de parité pour Legault, Le Devoir, 8 mars 2014.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 mars 2014

Johanne St-Amour, féministe radicale et collaboratrice de Sisyphe


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