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Stratégie islamiste : d’une pierre trois coups

30 mars 2014

par Françoise Breault, enseignante à la retraite

Ne trouvez-vous pas un peu étrange, et que cela sonne faux, que des musulmanes d’ici revendiquent avec autant d’intransigeance le port du voile alors que des musulmanes d’ailleurs sont fouettées, violées, emprisonnées si elles refusent de porter le voile ? Pas besoin d’aller loin, en Ontario Aqza Parvez fut tuée parce qu’elle refusait de porter le voile !

Si, ailleurs, des hommes étaient fouettés, emprisonnés parce que refusant de porter kippa ou turban, avez-vous l’impression que des hommes d’ici revendiqueraient le port de ces accessoires ?

Quand on réfléchit à cette question, la situation nous apparaît sous un tout autre éclairage.

Rester fixé sur ces femmes qui vont perdre leur travail équivaut à rester le nez collé sur l’arbre qui cache la forêt. Il est important de prendre du recul pour analyser la situation dans son ensemble.

*

Personne ne peut nier la montée de l’intégrisme dans le monde. À l’ère d’Internet, du blogue, de Facebook, il serait bien naïf de croire que nous sommes à l’abri de toute influence. Le Québec n’est pas une île.

Tout comme la pression pour la hausse des droits de scolarité ne pouvait se comprendre sans une analyse approfondie du néolibéralisme, ainsi cette pression pour le port du voile ne peut s’expliquer sans comprendre l’idéologie intégriste sous-jacente.

L’intransigeance dans leurs revendications, notamment pour le port le voile - même dans la fonction publique -, est au cœur de la stratégie des extrémistes. C’est en quelque sorte leur pierre d’assise. Écoutons cet algérien Boualem Sansal : « Les islamistes […] exercent une pression forte, continue, multiforme, terrorisante sur les institutions de l’État qu’ils encerclent et minent par d’incessantes revendications. » (1)

En propageant dans les médias leur idéologie qui présente le voile comme symbole d’identité et/ou prescription religieuse (leur discours varie au besoin) et en mettant à l’avant-scène un certain nombre de femmes qui, ayant intériorisé le discours intégriste, se présentent comme victimes si elles doivent travailler sans voile dans la fonction publique, ces intégristes islamistes, fins stratèges, font d’une pierre trois coups.

1. La division

Ici comme en Europe et au Magreb, ils réussissent à diviser les citoyen-nes, la gauche et même les féministes, entre personnes qui ont bon cœur et sont ouvertes et les autres soi-disant intolérantes et xénophobes. On accuse le Parti québécois de division, pourtant le PQ n’existe pas en Europe ni au Magreb. La division existe partout où sévissent les extrémistes islamistes : « L’islam radical a changé de stratégie, il avance caché, il s’enracine partout, dans les pays musulmans et jusque dans le cœur de l’Occident. Il crée d’énormes tensions dans la sociétés, qui se trouvent ainsi menacées de déchirement. C’est la stratégie du ver dans le fruit. » (2)

2. L’isolement du Québec

Ils font passer les Québécois et les Québécoises pour des bourreaux xénophobes. Qui aime être étiqueté bourreau ? Fins connaisseurs de la politique, ils savent très bien :

    a) que les Québécois-es sont sensibles aux critiques de xénophobie ;
    b) que cette accusation trouvera écho dans le ROC : le Québec ainsi ostracisé ne pourra résister longtemps ;
    c) que les Québécois et les Québécoises n’aiment pas la chicane et pour éviter tout conflit vont céder facilement.
    d) qu’ayant bon cœur, ils et elles vont être touché-es par la « détresse » de ces femmes victimes.

C’est sur tout cela que misent les extrémistes pour gagner du terrain. De plus ils savent que la politique au Canada joue en leur faveur, comme le souligne Mme Geadah, femme d’origine égyptienne, dans son livre Femmes voilées, intégrisme démasqués : « En 1991, à Washington, une conférence islamique avait désigné le Canada comme lieu privilégié pour les activités de la Ligue islamique, en raison de sa politique de multiculturalisme et de sa Charte des droits et libertés. » (p. 229)

3. Détourner l’attention

Voici leur véritable coup de maître : en présentant comme victimes ces femmes qui veulent à tout prix garder leur voile, ils réussissent un véritable tour de force en faisant oublier les véritables victimes : celles d’ici qui subissent de la pression pour porter le voile (a-t-on déjà oublié le meurtre d’Aqsa Parvez ?) et celles d’ailleurs qui sont fouettées, violées, emprisonnées si elles refusent de porter le voile.

Avec leur grand cœur, les Québécois et les Québécoises voulant se montrer solidaires des femmes voilées d’ici ne prennent pas conscience du tort immense fait à toutes ces femmes d’ailleurs vivant dans la peur et l’oppression. Des Québécoises originaires du Magreb et Moyen-Orient, toujours en contact avec leurs familles, m’ont raconté combien ces femmes de là-bas, se battant pour leurs droits dont celui d’être libéré du voile, sont atterrées de la position d’une partie des féministes d’ici : « OK, on a compris, on va s’organiser pour se débrouiller seules. »

Ces fins stratèges ont donc compris qu’en misant tant sur la peur - l’isolement du Québec, la division - que sur le sentiment le plus noble qui soit, à savoir la compassion - pitié pour les femmes voilées au Québec -, ils pouvaient arriver rapidement à leurs fins.

Leur stratégie nuit effectivement à la réputation du Québec et ce, dans le monde entier. Yolande Geadah avait déjà identifié cette réalité il y a quelques années : « Pourtant ces accusations de racisme et de xénophobie, souvent injustifiées, sont reprises et amplifiées par les médias anglais à travers tout le Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, causant un tort énorme à la réputation du Québec. Cette déformation médiatique contribue à créer une forme de paranoïa chez les membres des communautés culturelles. » (3)

Devant l’intimidation et la manipulation, devons-nous pour autant céder à la peur et courber l’échine ?

Capables de stratégie complexe, ces extrémistes ont sûrement un talent incroyable pour le jeu d’échec. Ils savent comment avancer leurs pions. Si l’on n’y prend garde, nous finirons par perdre la partie. Bien sûr, ce n’est pas pour demain. La majorité des gens, d’ailleurs, sont capables de faire la différence entre ces extrémistes islamistes et les musulmans. Pas lieu de paniquer. Raison de s’inquiéter ? Oui ! Et surtout de s’informer afin de faire tomber le voile de nos yeux.

Notes

1. Boualem Sansal, Gouverner au nom d’Allah, Gallimard, 2013, p. 67.
2. Ibid., p. 71.
3. Yolande Geadah, Femmes voilées, intégrismes démasqués, VLB, 2001, p. 254.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 mars 2014

Françoise Breault, enseignante à la retraite


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