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Prostitution - Le projet de loi C-36 doit assurer partout l’immunité aux personnes prostituées

24 septembre 2014

par Maria Mourani, députée d’Ahuntsic, criminologue et sociologue

Discours à la Chambre des communes, Gouvernement du Canada, le 12 juin 2014



Monsieur le Président, je voudrais remercier ma collègue de son discours et de tout le travail qu’elle a pu faire.

Je pense qu’il serait important d’apporter certains éléments. J’écoutais mes collègues de l’opposition, et après avoir analysé l’arrêt Bedford, ainsi que le projet de loi du début à la fin, je pense qu’il tiendrait le cap de la constitutionnalité. Je vais expliquer pourquoi.

L’arrêt Bedford a dit que dans le cadre légal actuel sur la prostitution, nous ne pouvons pas criminaliser la pratique. Cet arrêt a aussi dit aux législateurs de décider du cadre légal qu’il mettra en place pour traiter du phénomène de la prostitution. Or le gouvernement a choisi de décréter la prostitution illégale.

Par ce moyen, le gouvernement est en droit de criminaliser certains acteurs comme les proxénètes et les clients. De plus, le gouvernement a donné l’immunité aux personnes prostituées. À mon avis, cette approche est la plus égalitaire pour le Canada. Elle démontre un modèle canadien, et sur ce point, je le leur donne.

Cependant, je ne suis pas en accord avec le fait d’avoir criminalisé les personnes prostituées sur la place publique. Lorsqu’on confirme l’immunité, elle doit être offerte partout, que ce soit dans les salons de massage ou sur la place publique.

J’inviterais le gouvernement à revoir cette position, car criminaliser les clients sur la place publique, c’est suffisant. En criminalisant les proxénètes sur la place publique, c’est suffisant !

Il ne faut pas criminaliser les personnes prostituées sur la place publique. C’est de cette façon que nous allons pouvoir donner à ces femmes, les plus vulnérables sur la rue, la possibilité de dénoncer leurs agresseurs.

Je propose un amendement en toute convivialité.

Maria Mourani ….En réponse à la députée Isabelle Morin

Monsieur le Président, je voudrais remercier ma collègue de son discours.

Je l’inviterais à regarder la plupart des études qui ont été faites en Europe. Là-bas — on a une chance incroyable —, des gens ont déjà essayé le système de la légalisation et le système suédois qu’on dit abolitionniste. On constate que, dans le système de la légalisation, il y a une augmentation marquée de la prostitution pour ce qui est du nombre de prostituées, mais aussi en ce qui concerne la traite des personnes. Pour ce qui est de diminuer le nombre de personnes prostituées, comme le suggérait la députée, on constate que, dans un système comme celui de la Suède, il y a une diminution marquée des personnes prostituées.

Là où je rejoins un peu ma collègue, c’est que, même par voie sommaire, le fait de criminaliser les personnes prostituées sur l’espace public est problématique. D’ailleurs, je tiens à apporter une petite nuance. Lorsqu’on parle de criminalisation par voie sommaire, on peut avoir un casier judiciaire, mais ce n’est pas systématique. Je tenais à le préciser. Cependant, j’estime que, à part ce petit élément qu’est le paragraphe du projet de loi, nous devrions tous travailler dans le même sens, qui ne doit pas être celui de la légalisation, parce que la légalisation de la prostitution, c’est la légalisation d’une violence qui est faite envers les femmes.

***

Monsieur le Président, je voudrais apporter quelques précisions. Tout d’abord, je n’ai lu nulle part dans ce projet de loi qu’il y a criminalisation de personnes prostituées d’âge mineur. On voit la criminalisation de clients, de proxénètes face à des mineures, à des femmes adultes ou des personnes adultes, mais il n’y a pas de criminalisation de personnes prostituées mineures. J’entends parler de cela, mais je ne l’ai lu nulle part ici.

En outre, on parle de criminalisation par voie sommaire, et non pas par voie criminelle, des personnes prostituées sur la voie publique et pas seulement dans une voie publique où il y a des mineurs, donc dans la voie publique en général.

Je pense que c’est le point le plus fragile de ce projet de loi, parce que lorsqu’on parle d’immunité, on doit l’appliquer sur la voie publique aussi. Toutefois, compte tenu que c’est une voie sommaire, il n’y a pas de criminalisation par voie criminelle, ce qui veut dire que ces personnes n’auront même pas de casier judiciaire.

Est-ce un moyen pour pouvoir les amener dans un système de santé ? C’est ma question.
[Traduction]

M. Bob Dechert, en réponse au discours de la députée Maria Mourani :

Monsieur le Président, la députée est, depuis des années, une grande défenseure de la sécurité des personnes exploitées. D’ailleurs, je crois qu’elle a écrit un livre à ce sujet.

La députée a tout à fait raison. Il n’y a pas de criminalisation des personnes âgées de moins de 18 ans qui pratiquent ce métier. Le projet de loi vise plutôt à criminaliser le proxénétisme aux dépens d’une personne âgée de moins de 18 ans et l’achat des services d’une personne âgée de moins de 18 ans. Nous tentons de couper simultanément l’offre et la demande, tout en protégeant la collectivité.

La description que donne la députée d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire est exacte. Le travailleur du sexe qui fait de la sollicitation dans un endroit public où des enfants sont présents ou où l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que des enfants soient présents ne serait passible que d’une amende, rien de plus.

 Discours à la Chambre des communes, Gouvernement du Canada, Le Hansard version française, le 12 juin 2014.
 Le projet de loi C-36.
  Projet de loi sur la prostitution : fiche d’information du ministère de la Justice du Canada.
 Discours de la députée Joy Smith, le 12 juin 2014, à la Chambre des communes.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 juin 2014

Maria Mourani, députée d’Ahuntsic, criminologue et sociologue


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