source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=4928 -



La violence serait-elle devenue un jeu de société ?

4 mai 2007

par Micheline Mercier

Vous avez une belle grosse fille... un beau gros garçon. Quelle fierté à la naissance de notre enfant ! Et c’est là que ça commence.

Finis ton assiette, sinon pas de dessert. Un hamburger, une bonne poutine, chips et cola, pizza extra-large pour deux, télé et jeux vidéo, vidéo-films. Entre l’anorexie et la boulimie. Un infarctus avec ça ? Clef autour du cou, argent sur le coin d’une table et personne pour vérifier à quoi il servira.

Voyager sur le pouce ne se fait plus sur une autoroute asphaltée, mais assis bien confortablement devant un clavier et une boisson gazeuse sinon une bonne bière. Pas grave si on a douze, treize ou quatorze ans, il n’y a personne pour vérifier. Le ou les parents sont trop occupés à se chamailler pour la garde de cet enfant qu’ils aiment tant.

Pour des parents « in », une session de gym avec les copains du bureau, faut bien garder la forme si on veut rester jeune. Ou encore le boulot, la vie coûte si cher et il faut bien se gâter un peu, se faciliter la vie. L’école privée, une voiture neuve, un jeu vidéo dernier-cri, un nouveau logiciel pour empêcher les chérubins de s’ennuyer lorsqu’ils sont seuls à la maison. Et voilà, ce sont eux qui deviennent maîtres, conquérants, tueurs impunis, assassins virtuels, chevaliers vengeurs, avocats, juges et victimes. Où est le mal, tout ce beau monde meurt et renaît à volonté. Comme dirait ma mère, « une chatte n’y retrouverait pas ses petits ». La violence serait-elle devenue un jeu de société ? La question se pose.

Quelle fierté de voir son enfant avoir une telle maîtrise de l’informatique. Il est champion, il en connaît un bail dans ce labyrinthe technologique. Combien de fois a-t-on entendu ces paroles devenues tristement célèbres, « les enfants sont l’avenir, ils naissent avec une souris à la main ». Ce monde leur appartient, ils y nagent comme des poissons dans l’eau et ils y sont heureux.

Peut-être ne le sont-ils pas tout à fait ? Ils sont en sécurité à la maison, croient à tort des parents qui n’ont même pas le temps de vérifier si leurs fils ou leurs filles ont des résultats scolaires potables. Ils ont de si bon amis, croient-ils, des amis qui viennent régulièrement à la maison et de plus qui sont si polis. Au moins, on sait où sont nos enfants. On ne connaît pas toujours les parents de leurs amis... Ce n’est pas grave, des enfants si bien éduqués. Et puis, ce n’est pas un problème, le réfrigérateur est plein à craquer, pourquoi aurait-on inventé les surgelés si se n’est pour nous faciliter la vie ?

Mon enfant a un peu grossi, ce n’est pas grave, c’est l’âge, à l’adolescence ils engraissent tous et toutes puisqu’ils sont en pleine croissance.

On a bâti un nouveau parc, juste là au coin de la rue. Une aire d’escalade rouge et jaune, toute colorée et accueillante pour les petits. Une belle piste cyclable qui traverse la ville et de plus très sécuritaire, l’idéal pour une randonnée en famille. Cela dépend du sens que l’on veut donner au mot famille.

Métro, boulot, dodo sont souvent le résultat d’un travail trop gourmand qui brûle l’attention qui devrait être réservée aux enfants. Super Nintendo, Xbox, Playstation et toutes sortes d’autres logiciels sont devenus les gardiens du futur. De plus, la télévision n’est pas en reste, téléromans ou films à caractères suggestifs ou violents sont diffusés à des heures d’écoute populaire. Ce qui s’inscrit inexorablement dans l’esprit fragile d’une jeunesse qui n’a peut-être pas la résistance pour combattre toutes ces fausses idéologies. Et là, quelque chose peut se briser. Un ange peut facilement devenir un terrible démon.

Aujourd’hui, les enfants n’ont pas besoin de sévices apparents pour être violentés. On n’a qu’à oublier leur existence, qu’à ignorer leur besoin d’êtres écoutés après une dure journée à l’école. Tout comme les adultes, ils peuvent avoir des journées éreintantes. Sans oublier que le milieu scolaire est une terrible école de la vie où la violence est omniprésente et revêt un caractère assez sournois pour déstabiliser nos enfants. Intimidation, taxation, mise au banc de certains élèves que l’on qualifie de « bolées », différence ethnique et physique se côtoient tous les jours.
Enfin, il ne faudrait pas se surprendre de voir une génération sacrifiée qui se nourrit d’un mal de vivre et se laisse engraisser d’ennui dans l’attente d’avoir des parents qui ferment l’ordinateur pour l’emmener jouer dehors.

Mis en ligne sur Sisypphe, le 4 mai 2007

Micheline Mercier


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=4928 -