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"Y aurait-il des femmes plus aptes à la liberté que d’autres ?" Réponse à Françoise David

15 juin 2007

par Micheline Carrier

Dans une mise au point récente (Le Devoir, 2 juin), Françoise David, porte-parole de Québec solidaire, invoque l’intégration pour justifier un symbole de soumission des femmes, en l’occurrence le port du voile islamique chez des employées de l’État, y compris des enseignantes, ainsi que chez des élèves de niveau primaire. Le rapport Bouchard-Taylor fait des recommandations en ce sens.

F. David dit que, dans le contexte actuel, "le vrai danger vient du député Ken Epp - conservateur et chrétien - qui propose un projet de loi (C-484) ayant manifestement pour but de faire reculer dangereusement les femmes canadiennes en matière d’avortement ?" Bien avant la porte-parole de QS, des féministes ont sonné l’alerte sur le projet de loi C-484. Comme nous sommes capables de voir venir plus d’un danger à la fois, ce projet inspiré par Pro-Vie ne nous empêche pas de constater le recul que représente le voile islamique dans une autre sphère. Il y a fort à parier, d’ailleurs, que les intégristes islamistes canadiens approuvent le projet de Ken Epp. Une tentative de recriminaliser l’avortement et le marquage des femmes dans l’espace public par le voile, le hijab ou la burqa s’inscrivent dans la même logique : dans l’un et l’autre cas, des intégristes (catholiques et islamistes) veulent contrôler le corps et la sexualité des femmes (que certaines soient "consentantes" démontre le succès de l’entreprise). Le principal symbole islamique de la soumission a pour but de "faire reculer dangereusement" les libertés des femmes, comme le projet de loi C-484 peut faire "reculer dangereusement" leur droit de décider de leurs grossesses. Alors, si l’on veut défendre la liberté de TOUTES les femmes, il faut dénoncer l’un ET l’autre.

"Entendons-nous bien, poursuit F. David : il ne s’agit pas ici d’accepter le voile intégral qui ne laisse voir que les yeux - et encore ! - dans la fonction publique ou parapublique, car ces vêtements empêchent toute forme de communication normale." On ne voit pas, selon son bref argumentaire, ce qui peut l’interdire. Il est question de la superficie variable d’un tissu qui couvre "ce sein que l’on ne saurait voir", et dont la symbolique et les mobiles sont identiques pour le voile et pour la burqa : à des degrés différents, les deux servent à marquer le corps féminin comme danger public pour les hommes, et à justifier la discrimination et le contrôle de la vie des femmes. En outre, si une femme estimait que son identité et son intégration passent par la burqa dans les services publics, comme d’autres estiment qu’elles passent par le voile ou le hijab, que répondrait-on ? En empruntant un autre argument de F. David, demandons-nous aussi pourquoi nous nous "passerions du talent" des femmes portant la burqa davantage que de celui des femmes portant le voile ? (Le talent ne peut-il pas s’exercer sans afficher des symboles dits religieux de soumission ?) Quant à la "communication", certaines femmes pourraient affirmer mieux "communiquer" en étant "protégées" par une prison de tissu. Enfin, selon l’argument classique, l’école pourrait peut-être donner aux femmes porteuses de la burqa (comme à celles qui portent le voile ou le hijab) les moyens de secouer le joug de l’oppression ? Sous l’angle du relativisme et de l’individualisme, tout peut se justifier.

Un prêche familier

Le prêche condescendant du relativisme culturel et religieux, qui se pose parfois comme détenteur de sagesse universelle, rappelle le sermon dominical des curés d’autrefois : "Nous devons être à l’écoute des femmes, de toutes les femmes, dit F. David, y compris celles qui veulent partager notre devenir tout en continuant de porter des valeurs qui paraissent bien traditionnelles aux Québécoises de la majorité. Cela durera un temps. Faisons-leur confiance." "Être à l’écoute" a remplacé "Aimer son prochain". Ce qui n’a pas changé, c’est que les femmes aujourd’hui comme hier se trouvent flouées par des préceptes arbitrairement mis en application. Soyons à l’écoute de toutes, mais résignons-nous à ce que certaines soient plus discriminées et moins égales que d’autres. Le curé affirmait l’égale dignité du riche et du pauvre, mais il incitait les pauvres à la résignation plutôt qu’à la révolte.

Nous devons avoir l’oreille sélective, F. David et moi, car nous n’entendons pas les mêmes voix, ou plutôt, nous ne sommes pas interpellées par les mêmes. L’une entend surtout celles qui endossent le symbole de leur soumission, en se sentant (ou se disant) ostracisées si l’on remet en question l’utilisation politique que les intégristes font de ce symbole. L’autre entend surtout la voix de celles qui se réclament, comme les autres Québécoises, libres de tout carcan religieux et politique, et qui expriment parfois leur découragement devant la discrimination cautionnée par l’individualisme et la culture. Ces dernières reprochent parfois aux féministes de ne pas les soutenir dans leur combat contre l’intégrisme. Il est vrai que trop peu de féministes québécoises semblent conscientes que le sort des femmes d’ici est lié au sort des femmes du monde, et vice versa (1), et, par conséquent, de l’importance de ne pas céder de terrain aux divers intégrismes religieux et politiques au sein des sociétés démocratiques. "Quand j’entends Mme David de Québec solidaire se gargariser de grandes envolées sur le féminisme et la solidarité et en même temps soutenir le voile, j’ai simplement envie de pleurer, écrit une Québécoise originaire de Kabylie (Algérie). Quand les intellectuels en Occident démissionnent, que peuvent espérer les femmes, là-bas ?" (2)

Les intégristes islamistes - parmi lesquels des femmes portant le voile - se servent de ce symbole et tirent profit de cette "démission" pour gagner du terrain contre les droits des femmes : "Elles ont même réussi à s’approprier le discours féministe occidental et à l’adapter à leur idéologie. Il s’agit d’une ruse, d’une escroquerie intellectuelle que les islamistes manient très bien pour détourner le débat de l’essentiel, à savoir que le voile reste un signe de discrimination et de minorisation des femmes. Elles ont réussi à développer toute une rhétorique autour du voile en empruntant à l’Occident les notions de liberté et de libre-arbitre. » On ne peut faire grand-chose sur le plan individuel, admet cette femme, « mais à titre collectif, ma foi, il est temps d’affûter ses arguments et d’oser s’attaquer à l’essentiel, c’est-à-dire les idées. Le voile n’est pas un simple habit : c’est un étendard idéologique. Derrière le voile se cache non pas une violence physique (...), mais une violence symbolique. Si l’on est d’accord sur l’universalité des droits des femmes, alors, je ne comprends pas cette frilosité à l’attaquer (le voile) au nom d’un relativisme culturel ou de pluralité de points de vue. Ce n’est pas le voile qui menace (...), mais la mollesse des débats féministes, la perte de sens, le manque d’affirmation des idéaux et justement les dérives de ce féminisme folklorique où il suffit de prononcer le mot patriarcat pour être promu féministe." (3)

La présidente du Muslim Canadian Congress, Farzana Hassan, notait en octobre dernier que même la burqa est aujourd’hui “sanctifiée“, tant par les forces conservatrices islamistes que par la gauche occidentale, qui l’endosse au nom du multiculturalisme, en faisant l’impasse sur ses antécédents historiques (4). Rosie DiManno, chroniqueure au Toronto Star, constate : "Ainsi, plusieurs décennies après la refonte des droits de la personne provoquée par l’émancipation sociale des femmes, les féministes les plus aguerries et les plus combatives marchent sur des œufs et hésitent à lancer la pierre. Le dieu du multiculturalisme, réincarné en un avatar autorisant une interprétation radicale des impératifs religieux et culturels, transcende l’égalité des sexes." (5)

Par quelle gymnastique intellectuelle en arrive-t-on à légitimer le port de symboles inventés par des intégristes religieux pour inférioriser les femmes, et en même temps à se dire solidaire de celles dont les mêmes intégristes menacent la liberté, tout en prétendant qu’il s’agit d’une position féministe ? Le fait d’accepter que des femmes (ou des hommes) puissent avoir des droits différents, "à la carte", en fonction de leur culture et de leur religion, me semble une forme de racisme. En commentant la mort de la jeune torontoise Aqsa Parvez aux mains de son père pour cause d’insoumission aux règles islamiques, les universitaires ontariennes Haideh Moghissi et Shahrzad Mojab faisaient remarquer : "Tergiverser devant des pratiques culturelles nuisibles, comme le font des gens de la gauche et des féministes, c’est tolérer pour les autres ce qui est intolérable pour "nous". Cette attitude encourage le contrôle patriarcal des femmes qui n’ont pas eu la chance d’être nées blanches et occidentales." (6)

Et pour finir, ce cri du cœur : "Je suis si admirative du combat de la femme occidentale pour sortir de la nuit religieuse, écrit l’internaute québécoise originaire de Kabylie (Algérie) à un donneur de leçons professionnel.* Permettez que je nourrisse cet espoir pour les miennes, dont je connais la réalité dramatique un peu mieux que vous ! Y aurait-il des femmes plus aptes à la liberté que d’autres ?" (7)

Notre engagement

Vient un temps où il faut faire preuve de cohérence et mettre fin aux tergiversations. On ne peut contenter tout le monde et son père, il faut choisir ses alliances, au risque de déplaire. Si l’on se prétend opposé à toute forme d’intégrisme religieux et politique, on ne saurait approuver des stratégies et des modes d’expression intégristes. Si l’on se prétend solidaire des femmes du monde entier, on ne saurait soutenir des positions qui font l’impasse sur les menaces à la liberté et aux droits des femmes au nom de la culture et de la religion.

Sisyphe a publié depuis 6 ans de nombreux articles, commentaires, appels à pétition et à interventions diverses pour soutenir des femmes du monde entier soumises à des lois et à des comportements intégristes. Depuis, plusieurs femmes ont été tuées en défendant des libertés aussi élémentaires que le droit de manifester dans la rue sans voile et de s’exprimer publiquement. En tant que féministes, nous nous sentons liées au sort de ces femmes, non seulement au sort des Québécoises natives d’ici ou d’ailleurs qui jouissent d’un contexte social et de droits démocratiques. Nous défions tous les motifs religieux ou prétendus religieux et culturels invoqués pour justifier l’infériorisation des femmes découlant des rapports de domination d’un sexe sur l’autre. Peu importe que certaines "consentent" à l’oppression. Dans d’autres domaines, l’expérience nous a appris que de nombreux facteurs influencent et restreignent le consentement ou le libre choix. Il en va ainsi quand on invoque la liberté de religion ou la culture pour imposer à une société ou à certain-es de ses membres des valeurs sexistes et antidémocratiques. Si quelqu’un voit du racisme ou de l’islamophobie dans notre position, qu’il s’arrange avec ses perceptions personnelles (ou les confie aux commissaires Bouchard et Taylor).Lire de nombreux textes dans les rubriques "Femmes du monde" et "Démocratie, laïcité, droits et religions".
Lire aussi :

  • "Le rapport Bouchard-Taylor - Un rendez-vous manqué pour les femmes", par Diane Guilbault
  • "Bouchard-Taylor : les dés étaient pipés"
  • "Une déplorable erreur"
  • "Interculturalisme et laïcité"
  • "La justice turque dit non au voile"
  • "Sur l’annulation d’un mariage pour non virginité", par Nora Taouche

    © Sisyphe 2002-2008


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    Micheline Carrier



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  • > "Y aurait-il des femmes plus aptes à la liberté que d’autres ?" Réponse à Françoise David

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  • le dilemme
    12 juin 2008 , par Gwelwen

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    *L’islam qui fait peur

    En premier lieu, ne serait-il pas important de remettre une dose d’intimité dans l’islam ?
    Vous avez raison Mme Carrier, dans votre texte, de dire que le voile a une valeur et une violence symbolique, qui s’écarte de la sphère privée.

    Mais, la religion est aussi de l’ordre de l’intime, et qu’il revient à chacun de définir sa relation spirituelle avec soi-même.

    Il faut accorder à ces deux aspects une même attention, car l’humain raisonne autant face à lui-même que face aux autres.

    Il est d’ailleurs vrai que la rhétorique du libre arbitre des femmes voilées est fallacieux dans le sens où leur choix fondamental serait d’abandonner une partie de leurs raisonnements personnels au profit de la stabilité d’une structure sociale. Ce qui est en gros le choix de ne plus avoir le choix.

    Mais là où je rejoins Mme David, c’est que refuser le voile pose le risque de refuser des personnes. Il y a alors un risque d’exclusion et de monter du communautarisme. Ce genre d’effet de marginalisation peut être très dommageable pour notre société.
    Après tout, qui des deux est la plus susceptible de relativiser l’importance du port du voile, entre la femme travaillant voilé aux cotés de chrétiens et d’athées, ou la femme voilée restant en vase clos dans une communauté à caractère religieux ?
    À ce niveau, je suis tout à fait d’accord avec Mme David que l’important est de construire des ponts et d’éviter de tomber dans la confrontation avec une soit-disant islam qui fait peur*

    L’autre coté du dilemme c’est que, comme Mme Carrier l’a bien dit, le voile revêt aussi une violence symbolique. Ca expose une idéologie qui sort du cadre de l’intime et qui se veut, dans certaines parties du monde, en guerre ouverte contre les autres modèles sociaux. Ca nous rappelle que sous ce voile se cache l’indifférence de femmes algériennes, bien cachées dans les convenances sociales et religieuses du pays, alors que d’autres femmes se font lapider dans la rue d’Algérie pour avoir porté une jupe trop courte.

    Donc notre choix en tant que société n’est pas simple. Doit-on accepter l’intégration progressive de certaines femmes, au risque de se blesser moralement en ayant l’impression de cautionner quelques choses qui va contre nos valeurs profondes ? Ou doit-on ne pas concéder face à cette violence symbolique, au risque d’aider à creuser le faussé entre ces communautés religieuses et le reste de la société ?

    De mon bord je crois surtout que dans ce dilemme, entre la confrontation et la mise en veilleuse de nos valeurs pour être plus consensuelle, il faut avant tout éviter les deux extrêmes.

    Les islamistes nous montrent bien que la radicalisation n’est que rarement une solution.

    [Répondre à ce message]

    Prendre exemple sur le Shah d’Iran
    11 juin 2008 , par elisseievna

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    Le débat tel qu’il apparait ici est completement faussé par l’ignorance de l’islam et de ses lois.
    Parmi les musulmanes, il y en a qui sont contraintes au voile, mais il y en a aussi quantité qui le portent parce qu’elles adhèrent au projet impérialiste de l’islam.

    Le voile est une arme psychologique dans ce projet.

    Le devoir de tout musulman-e est de se battre jusqu’à ce que le monde entier soit musulman, et le coran promet de fortes récompenses ici bas aux vainqueurs :
    Des femmes comme des hommes sont tentées - comme nous avons été tentés en Europe par d’autres fascismes - par ce projet de domination fasciste esclavagiste et exterminateur, et c’est pour cela qu’elles portent le voile.

    Voici ce que
    dit un ex ministre musulman :
    " Allah vous a choisi pour l’appel et les conquêtes militaires des capitales du monde entier"
    "Très bientôt Rome sera conquise, comme Constantinople l’a été."
    "" Les conquêtes islamiques se propageront dans l’Europe toute entière, et les deux Amériques et l’Europe de l’Est"
    "Je crois que nos enfants et nos petits enfants hériteront de notre jihad et de nos sacrifices, et les commandants de ces conquêtes viendront de leurs rangs"

    En disant cela je ne veux déclencher aucune haine, MEME envers les « islamistes », mais nous avons le DEVOIR de combattre leur projet barbare.

    Que l’on pense à nos enfants, à nos filles, ou que l’on pense charitablement aux femmes musulmanes qui devraient d’abord s’aider elles-mêmes en rejetant l’islam, ou que l’on pense encore plus charitablement aux « islamistes » elles memes : Dans tous les cas, et dans l’interet de tout le monde :
    si on sait ce qu’est la loi islamique, il faut PRENDRE MODELE SUR LE SHAH D’IRAN : le shah d’iran avait INTERDIT LE VOILE PARTOUT !!!

    Voilà à quoi se résume le débat : veut on lutter oui ou non pour que JAMAIS nos enfants ne soient soumis à la loi islamique :
    si oui , alors il faut combattre tout ce qui renforce l’islam, donc il faut interdire totalement le voile, les barbes etc.

    [Répondre à ce message]

    Pour le voile, oui mais...
    11 juin 2008 , par Paul Laurendeau

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    Athée, rationaliste et... solidaire de ma compatriote au hidjab

    Je suis pour le voile, modulo quelquechose...

    [Répondre à ce message]

    > Réponse à Françoise David
    11 juin 2008 , par Nora Taouche

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    Bonjour,

    Il serait attendu de Mme David une analyse plus fine et plus en profondeur sur les 2 points qu’elle a soulevés dans son intervention :

    - 1. Les significations et, surtout, la portée et les enjeux de ce vêtement qui est un véritable « outil » de « marquage » identitaire, idéologique et même politique !

    Ce que Mme David occulte c’est que, derrière ce voile, il y a non seulement la « soumission volontaire » de la femme, ayant volontairement intériorisé l’idée que le corps de la femme renvoie au péché originel, mais aussi des enjeux liés à l’islamisme actif qui, en contexte où il ne peut pas user de violence, mise beaucoup sur l’aspect culturel, au 1er plan duquel se trouve....les femmes !

    Beaucoup de leaders islamistes se servent de ces femmes voilées pour avancer leur agenda politique, qui est celui de garder en otage la « communauté » pour servir de monnaie d’échange. Mme David doit sûrement connaître l’idéologie islamique basée sur un hadith : « la femme est le ventre mou de la ouma (la « nation islamique »).

    Alors quand elle parle d’accepter le voile pour sortir ces femmes du ghetto, elle est à mille lieues de la réalité !

    - 2. L’intégration au marché de l’emploi des immigrantes « musulmanes » (ou identifiées comme telles).

    Je ne sais pas qui cherche-t-elle à convaincre en arguant l’acceptation du voile pour mieux intégrer « ces » femmes. Déjà que l’immigrante lambda, BCBG, inodore et incolore, a du mal à se frayer une place, que dire d’une porte-étendard.

    L’honnêteté voudrait que Mme David dise à ces femmes : vous êtes « immigrantes » (quoiqu’il y a parmi les femmes voilées des « pures-souches »), c’est déjà difficile pour vous. Avec un voile, ça l’est encore plus !

    Au lieu de cela, elle préfère gérer « les dommages collatéraux » de l’aliénation religieuse et, surtout, faire de l’esbrouffe politique et intellectuelle dans l’espoir de récolter quelques voix, je suppose.

    Elle est d’ailleurs si confortable dans sa modernité à 2 vitesses, ses contradictions et sa condescendance pitoyable : « Comme nous, elles cherchent le chemin de leur émancipation. Dans leurs communautés, des voix s’élèvent déjà pour réclamer l’application d’un islam moderne et non discriminatoire. Poursuivons le dialogue, c’est la seule voie de la construction d’un Québec moderne et ouvert aux différences. »

    Mme David lutte pour un Québec où des Québécoises majoritaires seraient modernes et émancipées. Et un Québec avec des Québécoises dont l’émancipation serait soumise au bon vouloir de « leurs communautés ».

    Dans d’autres lieux, à d’autres moments de l’Histoire, cela s’appelait le 1er et 2e collège !

    Au fait, que pense Mme David du voile imposée aux petites filles, même pas encore pubères ?

    Nora

    [Répondre à ce message]

    > Réponse à Mme Machouf
    11 juin 2008 , par Micheline Carrier

    Nouveau

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    Chère madame Machouf,

    Pendant 7 ans, j’ai eu comme voisine d’appartement une famille de Québécois d’origine turque. Comme la plupart des femmes, Madame x allait travailler ou faire son épicerie librement et tête nue, parfois en jupe aux genoux et en blouse à manches courtes. Nous "voisinions" un peu, car mes chats fascinaient grandement ses deux petites filles. Il arrivait aussi que nous échangions des services (et quand ils ont eu un problème de réservoir d’eau à 5h du matin, c’est à moi qu’ils se sont adressés pour les aider à expliquer au téléphone la situation d’urgence au propriétaire). Jusqu’à ce que surgissent la question des tribunaux islamiques dans les médias et la montée de l’islamisme politique dans son pays d’origine, cette femme me semblait très bien intégrée. Un jour, elle s’est mise à porter un foulard et on ne lui voyait que le visage et les mains. Les petites filles venaient toujours voir mes chats, mais leur mère était devenue mal à l’aise et fuyante lorsqu’on se rencontrait. Je n’aurais jamais fait de remarque sur son foulard ni sur rien à cette voisine, mais je me suis interrogée sur son choix réel d’effectuer un tel changement.

    Je mentionne cette anecdote pour rappeler que F. David parle de tolérer le foulard islamique dans les institutions publiques (et elle a nommé l’école) sous prétexte de l’intégration, et que c’est à cela que je répondais, pas à toute intervention auprès des femmes qui portent le foulard ailleurs (bien que je considère que ce foulard ait été conçue pour les marquer comme inférieures et danger public face aux hommes). Les institutions laïques, en particulier l’école primaire, n’ont pas à autoriser des symboles qui transmettent des valeurs contraires à l’égalité des femmes avec les hommes.

    « Pensez-vous que les femmes vont toutes l’enlever parce que vous en avez décidé ainsi ? » C’est à l’État d’en décider ainsi s’il veut être cohérent. Il dit défendre des valeurs d’égalité et laïques, il n’a donc pas à offrir des symboles d’infériorisation des femmes à l’école ni des symboles religieux d’aucune sorte. Si c’est une décision de l’État, toutes les citoyennes la respecteront, comme elles respectent la règle de payer des impôts quand elles travaillent. L’État agirait "intelligemment", selon moi, s’il empruntait cette voie. C’est la laïcité des institutions qui favorisera l’intégration de toutes et de tous, indépendamment des cultures et des religions. À cet égard, je suis d’accord pour ne pas afficher de crucifix ou d’icônes catholiques ou chrétiens dans les lieux collectifs qui représentent tous les citoyens et citoyennes, comme écoles, mairies, Assemblée nationale, etc. Et je ne vois pas pourquoi on offrirait des lieux de prière dans les collèges et les universités, au travail. Chacun-e peut prier chez soi et dans ses propres lieux de cultes.

    Vous dites : « Les femmes voilées vont se voir refuser l’accès au marché du travail et à l’éducation, pendant que les hommes intégristes eux, vont continuer leur éducation et s’intègreront au marché du travail et par conséquent vont augmenter leur pouvoir de domination sur ces femmes que l’on a délibérément confiné chez elles - parce qu’on voulait les libérer du voile ! » Le voile est-il indispensable pour apprendre les mathématiques, les langues et les sciences, et pour travailler ? Ne pensez-vous pas que l’intégration comporte aussi une part de responsabilité des individu-es et leur volonté de s’intégrer et de respecter les valeurs de la société dans laquelle elles et ils vivent ? Si elles sont si peu nombreuses, comme vous le laissez entendre, Mme David et vous, à afficher ou à vouloir afficher ce symbole intégriste, pourquoi ne pas leur demander d’y renoncer pour faciliter leur intégration au marché du travail et à la société dans le respect de valeurs égalitaires ? Bien des gens sacrifient autre chose pour pouvoir étudier et travailler.

    Mme David a dit accepter le foulard comme moyen d’intégration, mais pas la burqa. J’ai poussé son argument au bout en affirmant que certaines pourraient se dire mieux intégrées avec la burqa. L’argument de l’intégration ne tient pas pour les femmes récemment converties à l’islam. Elles sont déjà des Québécoises bien intégrées. Je ne vois pas en quoi il est "malhonnête et déplacé" de rapppeler le sort de Aqsa Parvez morte parce qu’elle refusait de se soumettre aux codes intégristes. Mme David soutient que les femmes sont libres de porter le voile islamique, j’ai voulu rappeler qu’elles ne sont pas toujours libres et ce qui arrive à certaines lorsqu’elles résistent, ici même chez nous, pas seulement en Iran ou ailleurs. Si vous relisez bien, je disais que nous ne sommes pas interpellées par les mêmes voix, et je citais des exemples. D’après des sources, Aqsa Parvez n’était pas la seule à résister, mais toutes n’ont pas subi des représailles aussi extrêmes. Il faut se souvenir des victimes de l’intégrisme islamiste ou catholique autant que des victimes de Polytechnique ou des centaines de femmes tuées chaque année par des conjoints agresseurs. Il s’agit de crimes de la même culture patriarcale. Étrangement, on entend peu de voix féministes au Québec dénoncer la violence et l’oppression patriarcale chez des personnes de communautés culturelles différentes alors qu’on dénonce chaque semaine des cas de violence et de discrimination chez des Québécois "de souche". On ne se prononce pas ou on le fait en privé, parce qu’on a peur de passer pour racistes. J’aurais aussi pu rappeler que la députée Fatima Houda-Pépin a reçu des menaces de mort après avoir fait adopter à l’Assemblée nationale une loi interdisant les tribunaux islamiques au Québec, et qu’elle a en reçues pendant la dernière campagne électorale. J’aurais pu rappeler l’article menaçant contre les femmes qui ne portent pas le voile publié sur le site d’un groupe musulman de Montréal. Les "cas isolés" additionnés ne doivent pas être banalisés.

    Toutes libres ici de porter le voile islamique ? Je continue d’en douter. Les dissidentes ne seront pas encouragées à s’exprimer publiquement puisqu’elles sont toutes censées être entièrement libres de porter ce symbole d’infériorisation des femmes. L’islam et les musulmans ne m’inquiètent pas, ce qui m’inquiète, c’est la quasi interdiction de les interpeller et de critiquer la misogynie de l’islam alors qu’on ne se prive pas de critiquer celle des autres religions. Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’écoute et le respect que reçoivent, de la part de gens dits de gauche, les éléments islamistes intégristes et leurs symboles dans des sociétés qui se disent progressistes. Par ailleurs, je n’ai pas taxé Mme David de "féminisme folklorique". C’est une expression utilisée par une Québécoise d’origine algérienne, que je cite entre guillemets, pour qualifier le féminisme québécois qu’elle trouve (avec raison) mou. "Partisane du voile" : oui, dans le contexte où l’on en discute, Mme David l’est, c’est l’objet de son intervention au Devoir. "Relativisme culturel" : c’est évident, quand on invoque la culture pour justifier des exceptions et l’acceptation de comportement culturel ou religieux (ici le port du voile dans des institutions publiques), comment nommer cela autrement ? "Changé d’opinion et de religion ces derniers temps" : rien dans mon article ne suggère cela. Mais oui, je trouve le ton de Mme David condescendant dans son article au Devoir, comme l’était celui des curés disant attendre le retour des brebis égarées, qui reviendront bien au bercail si on est patient (n’interdisons pas le voile à l’école et autres institutions publiques, elles l’abandonneront bien un jour). Il s’agit de faire des choix laïques pour l’ensemble de la société, pas d’accommoder certaines personnes pour des motifs religieux ou politiques. Ça commence par le voile, ça continue par la séparation des sexes dans les activités communes, parce que des hommes ne sauraient voir des femmes de leur communauté en costume de bain dans des piscines ou que d’autres trouvent scandaleux qu’un homme médecin examine leur épouse, leur fille ou leur soeur, et d’autres que leurs épouses prennent des cours prénataux en compagnie d’hommes.

    Du ressentiment à l’endroit de Mme David ? Alors ça, c’est du folklore. J’ai déjà critiqué certaines idées de tous les chefs de partis au Québec et à Ottawa, pourquoi critiquer certaines opinions de la porte-parole de Québec solidaire sur le port du foulard islamique serait-il davantage du ressentiment, de l’hostilité ou une atteinte à la personne ? F. David et moi ne nous connaissons pas personnellement. J’ai voté pour elle (elle a été candidate dans la ciconscription où j’habite) et j’ai fortement encouragé sur Sisyphe à voter pour QS à la dernière élection québécoise. Mais je ne me suis pas engagée à partager toutes ses opinions, je ne suis pas membre de QS ni d’un autre parti, et je ne fais pas plus allégeance absolue à des personnes qu’à des religions. Je revendique le droit de penser et de m’exprimer librement. Penser librement, est-ce légitime ou du ressentiment ? En tout cas, cela semble assez mal vu, de nos jours, tant des partis politiques que du féminisme québécois, ce dernier étant en quête d’une illusoire, impossible et non souhaitable unanimité comme d’autres sont en quête du saint Graal.

    Cordialement,

    Micheline Carrier

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    Il y a t il des fascismes moins fascistes que d’autres ?!
    11 juin 2008 , par elisseievna

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    Le seul discours feministe autorisé est "non à tous les integrismes religieux, non à l’islamisme, faire l’amalgame avec l’islam est raciste".

    Ce discours INTERDIT d’etudier reellement l’islam.

    Les ouvrages ou articles de feministes ( a part moi et "Naibed") sur l’islam colportent les contre-verites de la propagande musulmane les plus eculees,
    ( par ex le fait de laisser croire que des phrases du coran appellent dans l’islam à la tolerance religieuse)
    visiblement celles qui écrivent cela n’ont pas etudié l’islam avec de vrais islamologues et ne se sont pas donné la peine de l’etudier serieusement avec les ouvrages des musulmans.

    L’islam est une doctrine POLITIQUE qui impose sa domination par la FORCE,
    (dixit la syrienne devenue americaine Wafa Sultan),
    moi je dis que l’islam, etant donne le sort qu’il reserve au non-musulmans, ( cf nombreux exemples d’EXTERMINATION de peuples entiers dans le coran, voir l’autorisation de l’esclavage et du racket contre les peuples non musulman) est la doctrine NAZIE d’aujourd’hui.

    Que les feministes cessent de feindre de s’étonner des attaques des militants de l’islam contre les droits des femmes, car EN INTERDISANT LA CRITIQUE DE L’ISLAM, les feministes sont des COLLABOS du NAZISME d’aujourd’hui !!!

    Et quand je dis "collabos" je suis encore bien gentille, parce que etant donne que la plupart des mouvements feministes ne vivent que de subventions, ou que les feminstes qui publient ou font carriere à l’université, ont bien entendu interet à ne pas pouvoir être "celle par qui le scandale arrive", le mot qui me viendrait pour designer la position des feministes "reconnues" à propos de l’islam c’est : PUTES.

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    Le voile pour l’intégration
    10 juin 2008 , par Nimâ Machouf, membre de QS

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    Chère madame Carrier,

    Je lis souvent vos textes et d’habitude je suis assez d’accord avec vos propos, mais cette fois-ci je pense que vous attaquez Françoise David sur des éléments dont vous ne maîtrisez pas et cela se voit dans la façon dont vous argumentez. Permettez-moi de m’exprimer plus clairement.

    Micheline Carrier


    Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=4978 -