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Au Québec
La ministre Courchesne s’engage à défendre les intérêts des femmes

2 juin 2003

par Élaine Audet

À la clôture du colloque du 30e anniversaire du CSF, Michelle Courchesne, ministre des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, responsable du Conseil du statut de la femme (CSF), a d’abord pris acte des craintes et des intentions prêtées au gouvernement par les participantes qui croyaient, a-t-elle dit, être devant une ministre sans titre et sans responsabilité. Elle a affirmé être très lucide et n’avoir pas peur de la vérité des mots.



Après avoir salué le CSF pour sa défense des femmes, elle a rappelé que même si nous visons des rapports entre les femmes et les hommes plus justes et plus égalitaires, nous vivons dans un contexte de mondialisation, de travail précaire, où l’écart entre les riches et
les pauvres se creuse davantage. Ce n’est qu’en 1961 que la première
femme est entrée au gouvernement et en 1964 qu’on a mis fin à
l’incapacité juridique des femmes. Grâce à l’action persévérante des
groupes de femmes, elles ont pu entrer massivement sur le marché du travail, dans les universités et occuper des emplois hautement
qualifiés.

Des priorités

La ministre a annoncé que ses priorités seront la pauvreté, plus
particulièrement celle qui touche les cheffes de familles monoparentales, la violence conjugale, les jeunes et l’intégration de certaines catégories de femmes immigrantes.

La ministre a déclaré ensuite que le dossier des aidantes et des
soignantes lui tient également à coeur et dit vouloir s’assurer que
leurs conditions de travail soient basées sur l’équité. Elle s’est
engagée à favoriser la promotion des femmes dans tous les lieux de
pouvoir, reconnaissant qu’il faut se trouver en situation de pouvoir
pour changer les choses. Donc, il s’agira d’encourager le mentorat et
de consentir des efforts dans tous les domaines.

La seule promesse ferme qu’a faite la ministre au cours de son
allocution concerne le maintien du programme " À égalité pour décider ", qui soutient financièrement des organismes locaux et régionaux à but non lucratif pour des projets axés sur l’augmentation du nombre de femmes dans des postes de responsabilité d’instances locales et régionales. Ce programme est doté d’un budget de 1 million de dollars pendant 5 ans !

Quant à l’analyse différenciée selon les sexes, la ministre
Courchesne a reconnu le travail effectué par le Secrétariat à la
condition féminine et affirmé sa ferme intention d’inscrire ses
analyses au sein du processus décisionnel.

Protéger les acquis

Elle a parlé également du dossier sur la réussite scolaire des
garçons dont il a été fait mention plusieurs fois lors des débats.
Pour la ministre, ce dossier doit être abordé avec prudence, doigté
et une bonne dose de bon sens. Elle a dit comprendre que des
personnes qui ont travaillé avec ardeur durant des décennies à
l’égalité entre les hommes et les femmes puissent craindre que le
débat actuel sur le décrochage scolaire marque un recul pour les
femmes et elle a promis de s’assurer que les deux débats ne seront
pas en contradiction et que les acquis des femmes ne seront pas
menacés.

Mme Courchesne a dit partager les inquiétudes des féministes sur la
privatisation du travail et la montée de l’individualisme, et elle
projette de rencontrer des femmes qui pourront la guider dans la
recherche de solutions afin que toutes deviennent des citoyennes à
part entière et que leurs acquis soient entièrement protégés.

À la question de la place qu’occupera le dossier des femmes dans ses
priorités, la ministre Courchesne a répondu que si elle a décidé de
faire le saut en politique, c’est pour défendre des convictions et
contribuer au changement. Elle s’est dit convaincue que les changements faits par les femmes font et devront faire la différence. Elle s’est engagée également à être à l’écoute des femmes et à aller les rencontrer dans toutes les régions du Québec afin de discuter avec les membres des tables de concertation. Il est très important, a-t-elle précisé, que les femmes des régions puissent poursuivre leur action.

Mais pour pouvoir remplir correctement ce mandat, la ministre
Courchesne demande un peu de temps et la confiance du mouvement des femmes. Elle a commencé à prendre connaissance du volumineux rapport préparé par le secrétariat, qui donne un éclairage sur ce que vivent les femmes d’aujourd’hui, en tiendra compte et s’en inspirera pour identifier et proposer, avec la participation et la collaboration des militantes, des actions à poursuivre et à entreprendre.

Un rôle ministériel renforcé ?

Pour Mme Courchesne, le transfert de ces responsabilités au sein d’un ministère plus vaste confirme le renforcement de son rôle. Cette
dernière affirmation lui a valu un sifflet dubitatif de la salle.
Elle a réaffirmé que le Secrétariat à la condition féminine
pourra poursuivre sa mission et que les femmes peuvent compter sur elle pour prendre la parole et assumer le leadership dans le suivi
des interventions gouvernementales qui ont un impact sur la situation des femmes.

La ministre a de bien bonnes intentions qu’on pourra juger lors de leur réalisation et ne manque certainement pas de courage. Tout au long de la journée, les participantes au colloque du Conseil du statut de la femme ont exprimé leur scepticisme et leurs inquiétudes sur les intentions du gouvernement Charest dans les dossiers qui concernent spécifiquement les femmes. Certaines ont émis des doutes sur la nomination d’une ministre en titre, sur le maintien du Secrétariat à la condition féminine et du Conseil du statut de la femme, sur la continuation d’une analyse différenciée selon les sexes dans l’application des diverses politiques gouvernementales et sur le financement des groupes de femmes.

Des participantes ont donné en exemple l’Alberta, la Colombie britannique et l’Ontario où on a effacé en un rien de temps
les acquis de 25 ans de lutte. Les journaux des derniers jours ont
fait écho à leurs préoccupations annonçant que les travailleuses de
garde en milieu familial et les serveuses au comptoir des restaurants
genre Tim Horton, non syndiquées, n’auraient pas droit au salaire
minimum. Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec a dit, pour sa part, s’inquiéter du report de l’application du salaire minimum pour les cueilleurs de fruits et de légumes de
transformation, se demandant si c’est parce qu’il s’agit de jeunes,
rendant une telle mesure encore plus inacceptable. Vivian Labrie,
responsable de la Coalition pour l’application de la loi contre la
pauvreté, dit s’inquiéter de son report à l’automne et du retard à
instaurer un barème plancher à la sécurité du revenu et la gratuité
des médicaments pour les personnes âgées et les personnes recevant
l’aide sociale.

Les femmes s’inquiètent

Mais c’est à propos du maintien des garderies à $ 5 que les
inquiétudes sont les plus vives. On apprenait dans Le Devoir du 26 mai que le Conseil du trésor exigeait des compressions de 300 à 500
millions du ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de
la Famille (MESSF). En fait, la hausse des budgets de tous les
ministères autres que la Santé, l’Éducation et la Famille n’a été que
de 1,9 % en 2003-04. À la Famille, l’annulation de la hausse de 11 %
se traduirait par une économie de 203 millions, ce qui signifierait
renoncer à la poursuite du plan de développement des garderies et à
l’objectif de 200 000 places en 2005-06.

Le ministre Béchard s’est empressé d’affirmer qu’il allait " tout
faire pour sauver la mise des démunis" et "chercher par tous les
moyens à garder le système des garderies à 5 $ par jour". Il se
pourrait bien que le gouvernement mise davantage sur les garderies
privées et privilégie celles qui sont en milieu familial, ces dernières coûtant en moyenne 7000 $ comparativement à 38 000 $ dans les Centres de la petite enfance (CPE). On parle même de " faire payer les riches " .

On a appris également que même si la responsabilité politique du
dossier de la condition féminine échoit à Mme Courchesne, le budget
destiné à contrer la violence faite aux femmes relève de son collègue
à la Santé, Philippe Couillard. La rumeur veut que le gouvernement
libéral accorde des fonds supplémentaires aux maisons d’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale sans toutefois injecter pour l’instant les 30 millions promis en campagne électorale. Quant à la ministre Courchesne, elle ne s’est engagée fermement sur aucun de ces dossiers lors de son allocution.

Mis en ligne sur Sisyphe le 30 mai 2003

Élaine Audet


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