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Je suis féministe, je suis Charlie
Un allié contre le sexisme des religions

5 janvier 2016

par Christine Le Doaré, Irréductiblement féministe

Engagée, laïque, anticléricale, antiraciste, antifasciste, la féroce satyre de Charlie Hebdo visait les pouvoirs économiques, politiques et religieux, la gauche, la droite, le FN souvent, toutes les religions, etc.

Les tueurs, fondamentalistes islamistes qui ne tolèrent ni scepticisme ni désacralisation, ont voulu réduire au silence des libres-penseurs anticléricaux.

Leurs cibles étaient menacées depuis longtemps, mais qui pouvait imaginer que la lutte serait à ce point inégale : des dessins et des mots, des Parisien-nes qui font leur course et des policiers en service contre des tueurs lourdement armés ?

La critique, la liberté d’expression, la liberté tout simplement, fusillées.

Cette liberté, c’est la nôtre, celle du peuple français, c’est notre ADN commun.
Curieusement pourtant, des voix se sont élevées pour dire « Je ne suis pas Charlie… », des voix féministes aussi, se dissociant de l’unanime élan de solidarité nationale, et allant jusqu’à prétendre que Charlie Hebdo était sexiste, raciste et « islamophobe ».

Diffamation caractérisée : Charlie Hebdo n’a jamais été ni raciste, ni « islamophobe » (1), au contraire, il luttait, à sa façon, contre les idéologies haineuses.

Mais je reconnais bien là la grossière manipulation rhétorique de certains « islamo-gauchistes » qui, d’ailleurs, fait autant de tort aux populations supposées être ou étant de religion musulmane que celle du Front National.

Le relativisme façon « Indigènes de la République » (2) est une insulte à la démocratie ; il a malheureusement imprégné jusqu’aux politiques de gauche, accordant notamment aux « grands-frères » un rôle plus que contestable.

« Je suis Charlie » n’a jamais voulu dire : je valide tout le contenu de Charlie Hebdo, mais je suis pour la liberté de la presse, la critique des religions et leur caricature.

Salir la liberté d’expression en justifiant son assassinat, quand on vit dans un pays démocratique, c’est le luxe des lâches.

Charlie, un allié des femmes face aux religions

Quant à être sexiste, Charlie Hebdo, parfois oui, parfois moins.

Mais surtout, les pouvoirs politiques et religieux infantilisent les femmes au premier chef, les réduisant aux rôles d’épouse et de mère, entravant leur autonomie, leur sexualité et leurs droits à disposer d’elles-mêmes comme elles l’entendent.

A fortiori, les femmes qui vivent sous l’emprise de la charia payent le prix fort : restrictions de liberté (soumission totale à une autorité masculine, père, frère ou mari), interdits, sanctions (répudiation, lapidation…), etc.

Alors, bien sûr, Charlie n’était pas assez féministe, la gauche ne l’est jamais assez, mais son engagement contre le sexisme des religions en faisait un allié incontestable.

N’oublions pas que des articles pro-féministes ont été publiés dans le magazine - ni le dessin de Charb en réponse aux 343 salauds !

Les unes sur l’avortement, la fête des mères « Vive la pilule », la GPA (un couple et une esclave), etc. ne nous ont pas échappé non plus, et nous savions notamment Charb et Gérard Biar, rédacteur en chef, pro-féministes et abolitionnistes de la prostitution.

Alors c’est vrai que des femmes sont chaque jour et en grand nombre assassinées, aussi bien par des proches que par des régimes totalitaires, mais il ne fait aucun doute pour moi que tuer aveuglement des cibles désignées, pour imposer son point de vue, est un aboutissement des plus pervers du machisme.

Les terroristes sont des ultra-machistes, sont ce que les sociétés patriarcales produisent de pire.

C’est donc bien aussi, en tant que féministe, que je pleure les courageux humoristes irrévérencieux qui, bien que lourdement menacés, ont jusqu’au bout tenu à remplir leur mission d’aiguillon des consciences.

Toutes les religions sont fortement préjudiciables aux femmes, à leur autonomie et liberté, aux gays et aux lesbiennes aussi, et la religion musulmane n’est pas en reste.

Les religions chrétiennes sont en perte de vitesse, mais les religions musulmane et juive vivent un regain d’intérêt, se radicalisent et sont de plus en plus visibles dans l’espace public, à un point tel, il faut bien le dire, que nombre d’athées étouffent sous tant de religiosité ostentatoire.

Le communautarisme religieux, qui se développe gaillardement sous nos yeux depuis des années, est propice à l’endoctrinement.

Il a mis sous emprise, dans toutes les religions, des familles, des quartiers, au point que leurs enfants se sentent, si jeunes, obligés d’être les porte-parole d’une religion qu’ils endossent tous, comme si cela allait de soi et que personne n’avait plus le droit d’être athée, et pratiquent d’une manière de plus en plus radicale.

Les enseignant-e-s qui témoignent de la journée de deuil national du 8 janvier font état de réactions d’enfants imperméables à l’humour, figés dans une foi aveugle, intransigeante : « Ils l’ont bien mérité, ils n’avaient pas à insulter notre Prophète ». Ces enfants ne sont pourtant pas des intégristes !

Des macho-barbus dans la religion musulmane (sous d’autres aspects dans les autres religions) imposent souvent l’arbitraire et la violence de lois qu’ils décrètent coraniques et dont les principales victimes sont les femmes et les enfants.

Il n’y a pas que l’islamisme versions Hamas, Hezbollah ou État islamique qui soient critiquables, trop rares sont les musulman-e-s et ceux qui les représentent qui effectuent un travail critique sur leur textes et pratiques religieuses, et dénoncent haut et fort l’imposture.
De son côté, souvent complaisant, le « politiquement correct français » n’a eu de cesse de culpabiliser ceux qui s’interrogeaient sur le développement du communautarisme et des comportements radicaux de plus en plus envahissants.

Pour continuer de vivre ensemble, de partager l’espace public, la République a pourtant été contrainte de constamment procéder à des rappels, bien trop timides d’ailleurs, à la laïcité.
Une immense cacophonie quand on y pense.

Pour bien vivre ensemble, il faudrait éviter de tout confondre : l’origine et la religion sont deux réalités bien différentes ; c’est le premier amalgame qu’il faut cesser de faire : le racisme existe, l’ « islamophobie » non.

Il faut aussi cesser de prétendre que les religions sont opprimées en France, c’est faux. En revanche, elles oppriment toujours les femmes et c’est un problème dans une République qui vise l’égalité entre les femmes et les hommes, inutile de se le cacher.

Ensuite, il faudrait avec constance valoriser les valeurs d’humanisme et de respect mutuel au cœur du projet républicain, favoriser le dialogue et les échanges, briser les barrières et les replis ; ne jamais encourager mais combattre fermement toute dérive, toute radicalisation religieuse et/ou politique ; condamner inlassablement les idéologies, postures et délits tels que :

  • stigmatisation et rejet des musulmans et supposés musulmans (personnes d’origine arable et autres, dont Français convertis)
  • antisémitisme
  • racisme
  • arbitraire et violence des diktats religieux imposés le plus souvent par une domination masculine décomplexée
  • sexisme
  • atteinte à l’égalité
  • atteinte à la laïcité
  • atteinte à toutes les valeurs républicaines et de progrès
    La liberté, la démocratie, l’autonomie et l’émancipation des personnes, et en particulier des femmes, sont à ce prix.

    Parce que je suis féministe, forcément, Je suis Charlie.

    Notes

    1. Le mot « islamophobe » a une histoire, il a été inventé par les islamistes dans le but d’interdire toute critique de l’islam radical. « Islamophobie »
    2. Quand un collectif de 20 intellectuels, aux côtés des Indigènes de la République, condamnait Charlie Hebdo : « Pour la défense de la liberté d’expression, contre le soutien à charlie hebdo ! », novembre 2011.

    Version raccourcie publiée avec l’approbation de l’auteure. Lire une version longue de ce texte sur le site de l’auteure, Irréductiblement féministe.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 17 janvier 2015

    Christine Le Doaré, Irréductiblement féministe


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