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Des musiciens super ne sont pas nécessairement des gens super

22 février 2016

par Meghan Murphy, journaliste et écrivaine, Feminist Current

Nous avons la chance, en tant qu’espèce, de pouvoir avoir en tête plus d’une idée en même temps. Nous pouvons aimer des films qui ne correspondent peut-être pas à nos valeurs politiques, danser sur de la musique faite par des couillons, et aimer de l’art créé par des demeurés. En réalité, c’est ce que nous faisons quasiment tout le temps, sans quoi il nous resterait bien peu d’options pour nous divertir. La réalité est que la plupart de nos vedettes préférées du monde du cinéma, de la musique ou de l’art sont… attendez… vous devriez peut-être vous asseoir … plutôt stupides.

Je suis désolée mais c’est la vérité.

Je déteste écouter à la radio les interviews des stars du cinéma ou de la musique que j’aime, parce qu’elles sont pour la plupart d’une nullité sans bornes. Je suis fatiguée par cette culture qui cherche absolument à ce que les célébrités soient tout à la fois : intellectuels, commentateurs politiques, guides spirituels… C’est ridicule. Les comédien-nes sont des comédien-nes, les stars du rock sont des stars du rock, les artistes sont des gens qui font de l’art.

Aucune de ces compétences ne qualifie nécessairement ces personnes pour d’autres activités. S’ils et elles se trouvent être intelligent-es avec des positions politiques avisées, tant mieux. Mais, comme pour n’importe quelle autre vedette très riche et égocentrique, il est rare que nos idoles partagent nos valeurs éthiques et politiques.

Cette réalité est pire quand nous parlons de vedettes masculines. Ceci parce que nous vivons dans une société misogyne qui, non seulement apprend aux hommes que les femmes ne sont pas tant des êtres humains ayant droit au respect, mais qu’elles sont des cibles semblables à une voiture ou à une montre de grand prix : des objets auxquels on a plus facilement accès par la gloire et le fric. L’argent, le pouvoir, les femmes, voilà le rêve américain des hommes, et c’est un rêve qui place au premier plan les marchandises et qui range les femmes parmi ces marchandises.

Cette dynamique est tout à fait liée à la culture du viol – le fait qu’une violence sexualisée et un droit masculin d’accès sexuel aux femmes sont si normalisés que même notre définition d’un rapport sexuel « consensuel » est imprégné de ces mêmes valeurs. Le sexe est quelque chose dont les hommes « s’emparent », par tous les moyens possibles, et lorsqu’ils l’« obtiennent », ils sont félicités, on les fait se sentir puissants et virils – comme de vrais hommes – au lieu de les sanctionner.

En sachant tout cela, est-ce véritablement un choc de découvrir que tant de nos artistes et nos vedettes masculines préférées s’avèrent avoir été des agresseurs tarés ? Je ne dis pas cela pour excuser leur comportement – je ne dis surtout pas « les hommes sont comme ça » – je dis : n’idéalisez pas vos idoles. Surtout lorsque celles-ci sont des hommes. Les stars du rock ne sont pas des dieux. Et lorsque que votre comédien, réalisateur, ou musicien préféré s’avère être un violeur ou un conjoint violent, essayez de ne pas laisser votre admiration brouiller cette réalité.

Cela ne veut pas dire que vous devez vous mettre à ne plus aimer la musique de cet homme et oublier l’impact que cette forme d’art a pu avoir dans certains moments de votre vie ; mais cela ne veut pas dire non plus que vous devez ignorer la vérité au sujet de ces hommes, simplement parce que cela contrarie votre souhait de baigner tranquillement dans une nostalgie confortable.

Ceci dit, voici une liste d’hommes qui ont produit ce que beaucoup considèrent comme des musiques super mais qui n’étaient pas nécessairement des gens super :

1. Jimmy Page a kidnappé Lori Maddox alors âgée de 14 ans et l’a violée. (Nous sommes toutes et tous conscient-es que kidnapper une adolescente de 14 ans et avoir des rapports sexuels avec elle ne peut jamais être considéré comme des actes « consensuels », n’est-ce pas ?)
2. John Lennon a ouvertement admis avoir battu des femmes au début de sa carrière.
3. James Brown était un mari extrêmement violent qui, de façon régulière, a passé à tabac sa seconde épouse, Deirdre Jenkins. Elle ne fut pas la seule. La troisième épouse de Brown, Adrienne Rodriguez, l’a fait arrêter quatre fois pour agression et, en 2005, une femme du nom de Jacque Hollander l’a accusé d’un viol, commis en 1988.
4. Michael Jackson, évidemment…
5. Miles Davis a reconnu avoir régulièrement agressé ses épouses.
6. Le guitariste des Rolling Stones, Bill Wyman, est "sorti" avec Mandy Smith, âgée de 13 ans, alors qu’il en avait 47. Il a fini par l’épouser.
7. Tupac a été arrêté en 1993 pour violences sexuelles envers une jeune femme de 19 ans. De ce qu’il en ressort, ça aurait été un viol collectif commis avec trois de ses amis. (Je dois dire que cette affaire est un coup dur pour moi…)
8. Sid Vicious violentait Nancy Spungen et a été condamné pour son meurtre.
9. Chuck Berry a été condamné pour avoir fait passer entre plusieurs États une adolescente autochtone pour des relations sexuelles avec elle.
10. Ozzy Osbourne a essayé de tuer sa femme (et fut arrêté pour violences conjugales) en 1989.
11. Iggy Pop a eu des rapports sexuels avec la « bébé groupie »Sable Star quand elle avait 13 ans.
12. Dr Dre a battu deux femmes dans les années 90.
13. Il est connu que Ike Turner a violenté sauvagement Tina Turner au cours de leur mariage.
14. Elvis Presley a commencé à s’intéresser a Priscilla Presley alors qu’elle n’avait que 14 ans et lui 24. En repensant à leur relation, celle-ci a dit « J’étais une personne que lui avait créée. J’étais juste une gamine et il me dévorait. Tout ce que je souhaitais était de ne pas le décevoir ».
15. En 1992, Jean Cusseaux, la petite amie de Wilson Pickett, a porté plainte contre lui pour violence conjugale.
16. R. Kelly, que certains ne trouvent peut-être pas « super » mais dont j’étais fan, comme beaucoup d’autres l’étaient ou le sont encore, a violé jeune fille après jeune fille. (Il a aussi épousé Aaliyah lorsqu’elle n’avait que 15 ans).
17. A 27 ans, Steven Tyler a réussi à convaincre la mère de Julia Holcombs, alors âgée de 14 ans, de lui confier la garde de sa fille afin qu’il puisse lui faire passer les frontières et l’amener avec lui en tournée. Holcomb a dit à propos de sa relation avec Tyler : « Je lui étais soumise comme dans une relation parentale et j’avais le sentiment de n’avoir que très peu de contrôle sur ma vie ». Elle mentionne aussi que Tyler fait référence à elle dans ses mémoires en l’appelant « ma Petite Annie Orale ».
18. Enfin, Lori Maddox a dit à la revue Thrillist, qu’au début des années 70, « [David Bowie] m’a conduite jusqu’à la chambre, a retiré doucement mes vêtements et m’a dépucelée. Elle a continué :
« Deux heures plus tard, je suis allée voir comment allait Sable. Elle était dans le salon complètement défoncée, elle tournait en rond, faisait de la buée sur les vitres et écrivait : « Je veux baiser David ». J’ai dit [à Bowie] ce qu’elle faisait et que je me sentais très mal. Bowie a répondu : « Et bien chérie, fais-la entrer ». Cette nuit-là j’ai perdu ma virginité et fait mon premier plan à trois. Le matin suivant, quelqu’un tambourinait à la porte et c’était cette conne d’Angie [l’épouse de Bowie]. »

C’est arrivé lorsque Mattix avait 13 ou 14 ans (certaines sources pensent qu’elle en avait 15, mais dans un documentaire elle indique que cela s’est passé avant qu’elle ne soit avec Jimmy Page, à 13 ou 14 ans). Celui-ci a aussi été accusé de viol en 1987.

Cette liste pourrait s’alonger… Et bien que nous soyons libres de continuer à valoriser et aimer la musique que ces hommes ont créée, l’envie de s’en délecter ne devrait pas prendre le dessus sur la réalité de la culture du viol et de la violence anti-femmes qui la sous-tend. En fait, nier cette vérité a pour effet de perpétuer toute la culture qui a rendu possible l’existence de ces violences.

 Original de cet article sur Feminist Current.
 Version en français publiée originalement par TRADFEM. Merci de l’autorisation de reproduire cet article sur Sisyphe. Accueil TRADFEM.
 Vous pouvez suivre l’auteure sur Twitter @MeghanEMurphy.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 16 février 2016

Meghan Murphy, journaliste et écrivaine, Feminist Current


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