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Abolition de la GPA et de la prostitution, même combat contre le patriarcat

3 avril 2016

par Geneviève Duché, féministe, universitaire, présidente de l’Amicale du Nid

Prostitution et gestation pour autrui (ou maternité de substitution) ont bien des choses en commun, et d’abord elles sont le produit de cette ancienne, très ancienne appropriation du corps des femmes par les hommes sur laquelle s’appuie le patriarcat et la domination masculine. Elles sont le contraire de la liberté et de l’autonomie des femmes. Elles s’inscrivent dans leur assujettissement et leur assignation au plaisir des hommes, qu’il soit plaisir sexuel ou celui d’être père sans femme (un fantasme très ancien).

Les deux sont des achats de l’usage de corps, une marchandisation qui détruit la dignité et qui chosifie les personnes, le plus souvent les plus vulnérables.

Marchandisation et mondialisation

Depuis quelques années, la banalisation de la prostitution se déroule dans le contexte de la globalisation, de la traite des êtres humains qui ne cesse d’augmenter partout ainsi que sa visibilité avec les migrations forcées ou non, et ce que l’on appelle le “tourisme sexuel”. Ces phénomènes ne sont que l’horreur d’une exploitation méthodique de la pauvreté et de la misère par le viol tarifé de millions de femmes et d’enfants.

Partout dans le monde, la prostitution croît, dans des formes néo-colonialistes (migrations vers les pays riches et “tourisme sexuel”), mais aussi comme pratique don’t les clients sont en augmentation parmi les hommes des pays dominés ou en développement.

La complaisance envers la prostitution et donc la complicité avec cette violence s’arriment sur la représentation d’une sexualité masculine agressive et réduite à la pulsion qu’il convient, non pas de remettre en question, mais de satisfaire, quitte à y destiner une catégorie de femmes et d’hommes, les prostitué-es.

La crise économique, le creusement des inégalités, l’augmentation de la précarité et de la pauvreté dans certains territoires et qui touchent particulièrement les femmes, font le lit de cette complaisance et sont un facteur très important de l’augmentation de la prostitution. Ceci amène les pro-prostitution à jouer les vertueux en criant au scandale et à fustiger les affameurs du peuple qui souhaitent abolir la prostitution, pénaliser les clients et ainsi tarir les ressources des personnes prostituées !

Pour la maternité de substitution c’est la même chose : les plus pauvres sont organisées en bataillon de ventres-réceptacles au profit de couples qui possèdent de l’argent.

On ne peut accepter, comme justification de la prostitution et de la GPA, que les femmes deviennent plus autonomes et plus libres partout et qu’elles ont le droit de vendre ce qu’elles veulent. C’est exactement le contraire qui se passe. C’est leur dépendance et leur pauvreté qui permet l’emprise sur elles et la rentabilisation par d’autres de leur corps.

Nous devons refuser la déshumanisation du tout-marché, la domination de l’échange économique et du contrat qui font loi et norme des relations interindividuelles et qui renforcent le patriarcat.

Gestation pour autrui et prostitution, le patriarcat réaffirmé

On ne peut pas ignorer le changement de terme et le passage de “maternité de substitution” à “gestation pour autrui” qui transforme l’usage patriarcal d’un utérus en sorte de don, ce pourquoi les femmes seraient naturellement disposées ! « Utiliser les termes de gestation pour autrui c’est déguiser une pratique sociale violente sous des discours sentimentaux et lénifiants », écrit le collectif pour le respect de la personne (CORP).

Pour Carole Pateman : « Lorsque le corps des femmes est une marchandise mise en vente sur le marché capitaliste, les termes du contrat originel ne peuvent être oubliés ; la loi du droit sexuel masculin est publiquement affirmée et les hommes sont publiquement reconnus comme les maîtres sexuels des femmes ; voilà ce qui ne va pas dans la prostitution »*. Sa réflexion débouche naturellement sur cette autre forme d’utilisation du corps des femmes, “la maternité de substitution”.

Il suffit de la citer pour comprendre sa lucidité et la force de son analyse :

« Le qualificatif ‘de substitution’ indique que l’objet du contrat est d’ôter toute signification à la maternité et de contester que le ‘substitut’ soit une mère. Une femme qui conclut un contrat de maternité de substitution n’est pas payée pour (porter) un enfant […] ce qui équivaudrait à la vente d’un enfant, […] elle est rémunérée pour avoir conclu un contrat qui permet à un homme de faire usage de ses services. Le contrat porte sur l’usage de la propriété qu’a une femme de son propre utérus.

Si l’utérus d’une femme n’est rien de plus qu’une propriété à laquelle la femme est liée de façon extérieure, il est analogue à un réceptacle vide […] et à présent ce réceptacle vide peut être cédé par contrat à un homme pour qu’il le remplisse de sa semence et, en un autre exemple de créativité masculine, qu’il crée ainsi une nouvelle propriété.

En une intensification spectaculaire du dispositif patriarcal, le contrat de maternité de substitution permet à l’homme de donner à sa compagne ou à son compagnon le don ultime : un enfant » … par l’intermédiaire de l’argent.

Enfin : « Dans ce contrat, la femme a vis-à-vis de sa propriété exactement la même relation d’extériorité que le propriétaire homme par rapport à sa force de travail ou à son sperme.

Le récit du contrat social est la plus importante histoire d’hommes donnant la vie politiquement, mais avec le contrat de maternité de substitution et grâce à la puissance créatrice du médium politique du contrat, les hommes peuvent s’approprier également la genèse physique. La force créatrice de la semence masculine transforme la propriété vide cédée par un “individu” (une individue) en une nouvelle vie humaine. Le patriarcat au sens littéral revient sous une forme nouvelle ».

Une forme nouvelle du patriarcat tente de se construire sur une société de propriétaires qui échangent des parties de leur corps, qui transforment les femmes en réceptacles et orifices pour la production de jouissances ou d’enfants, simples produits à valeur d’échange.

On ne peut donc qu’abolir et la prostitution et la gestation pour autrui, en une volonté et une action humanistes et féministes qui refusent à la fois le patriarcat et l’ordre libéral marchand.

* Le contrat sexuel, par Carole Pateman, Editions La Découverte,Textes à l’Appui, Paris, 2010.

* Voir le site L’Amicale du Nid.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 mars 2016

Geneviève Duché, féministe, universitaire, présidente de l’Amicale du Nid


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