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"Nous sommes tous des féministes" ou le terme féministe réhabilité, par Chimamanda Ngozi Adichie

31 mai 2016

par Marie Savoie, collaboratrice de Sisyphe

La Suède a fait de Nous sommes tous des féministes, de l’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, une lecture obligatoire pour les élèves du secondaire.

Cela a piqué ma curiosité, d’autant plus que ma fille vingtenaire, qui l’avait acheté l’an dernier, avait été étonnée que je ne le connaisse pas.

Chimamanda Ngozi Adichie, qui partage sa vie entre Chicago et Lagos, a repris dans cet opuscule le texte d’une conférence TED* qu’elle avait prononcée lors d’un colloque sur l’Afrique.

Voyant que le terme « féministe » suscite des réactions négatives (ce qui est encore le cas aujourd’hui, hélas, comme en témoignent les déclarations récentes d’une ministre du Québec - celle de la Condition féminine par surcroît), elle décide de faire du féminisme le thème de sa conférence.

Lasse de se faire dire que « les féministes sont malheureuses » ou que « le féminisme n’est pas africain, c’est une invention occidentale », elle décide de prendre le contrepied de tous ces stéréotypes et se présente comme une Féministe Africaine Heureuse.

En tant que femme noire, elle perçoit sans doute plus facilement les mécanismes à l’œuvre dans la discrimination, de même que les arguments avancés pour la justifier, et réplique adroitement à certaines questions souvent adressées aux féministes pour les désarçonner.

Par exemple : « Pourquoi faut-il qu’il s’agisse de vous en tant que femme ? Pourquoi pas de vous en tant qu’être humain ? Ce type de question est une façon de réduire au silence une personne et son expérience propre. Je suis un être humain, bien sûr, mais il m’arrive un certain nombre de choses en ce monde parce que je suis une femme. »

À l’aide d’une foule d’exemples tirés de la vie quotidienne, Chimamanda Ngozi Adichie fait ressortir les attentes différenciées de la société à l’endroit des filles et des garçons.

La discrimination tire son origine d’une éducation modulée en fonction du sexe de l’enfant : « Nous apprenons aux filles à se diminuer, à se sous-estimer ».

Nos modes de socialisation causent aussi du tort aux garçons : « Nous réprimons leur humanité. La virilité est une cage exiguë, restreinte et nous y enfermons les garçons ».

Cet opuscule a le mérite de réhabiliter le mot féminisme en l’expliquant en termes simples aux générations montantes, ce qui contribuera - du moins peut-on l’espérer - à enterrer une fois pour toutes les connotations négatives qu’on y a associées.

Les adolescent-es s’interrogent sur la société qui les entoure et sur les rapports entre les sexes. Ce livre ne manquera pas de retenir leur intérêt.

On ne peut que se réjouir que la Suède l’ait mis au programme au secondaire et espérer que le Québec en fasse autant.

* Les conférences TED (Technology, Entertainment and Design) sont une série internationale de conférences organisées par la fondation à but non lucratif The Sapling foundation. Cette fondation a été créée pour diffuser des « idées qui valent la peine d’être diffusées » (en anglais : « ideas worth spreading »).

* Chimamanda Ngozi Adichie, Nous sommes tous des féministes, Éditions Gallimard, 2015, Collection Folio, no 5935, 96 pages.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 mai 2016

Marie Savoie, collaboratrice de Sisyphe


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