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Des militantes et militants pro-prostitution menacent des survivantes pour les faire taire

4 mars 2017

par Rose Sullivan, survivante de la prostitution et fondatrice du Collectif d’aide aux femmes exploitées sexuellement et survivante

Depuis que le mouvement abolitionniste prend de l’ampleur, ses détracteurs n’hésitent pas à utiliser des moyens parfois virulents et oppressifs pour faire taire les personnes qui défendent l’abolition de la prostitution, particulièrement les survivantes, ces femmes qui ont été témoins de la réalité inhérente à "l’industrie du sexe".

Des survivantes ont été harcelées, on les a menacées de façon à peine voilée et on les a averties d’arrêter leur militantisme.

D’autres voient leur propos discrédités, et être publiés sur les réseaux sociaux des pans de leur vie dont elles sont peu fières et qu’elles voudraient oublier.

Dans tous ces cas, les personnes qui intimident les survivantes se disent "travailleurs-euses du sexe" pour justifier le fait qu’elles connaissent aussi parfaitement cette "industrie". Elles ne mentent pas, pas sur ce point à tout le moins, elles évoluent effectivement dans "l’industrie", mais en tant que proxénètes, recruteurs-euses, chauffeurs-euses, portiers, réceptionnistes, agent-e-s, dominatrices… Tous des rôles au sein desquels les infractions à caractères sexuelles sont rares, voire inexistantes, tous des rôles où ces personnes en exploitent d’autres plus qu’elles ne sont elles-mêmes exploitées…

Chaque fois, sans exception et sans exagération, qu’une survivante prend la parole publiquement, une personne qui tire profit de "l’industrie" reprend alors ses propos pour la discréditer, l’accuser de mentir, faire des amalgames douteux, mettre en doute sa crédibilité et pour la ridiculiser publiquement. Minimalement, car certaines survivantes ont carrément été menacées de façon claire et personnelle.

Un consensus a été établi parmi la plupart des survivantes agissant collectivement pour dénoncer "l’industrie du sexe". Nous avons décidé d’ignorer ces propos quand ils n’étaient pas menaçants, et d’avoir recours à la justice quand ils l’étaient, même si en général, la justice ne peut faire grand-chose pour nous, ce que savent et exploitent habilement nos agresseurs-euses.

Nous avons aussi observé que leur façon d’agir leur nuisait plus qu’autre chose, et que leur auditoire diminuait et osait même parfois questionner leurs réelles intentions. Nous avons cru que le pire était passé et que ces personnes avaient compris que nous n’allions pas nous taire et que leurs menaces n’étaient rien comparé à ce que nous avions subi dans "l’industrie".

Si certain-e-s d’entre eux et d’entre elles ont cessé leur harcèlement en constatant que nous n’accordions plus d’attention à leurs attaques, une minorité particulièrement agressive en a rajouté et est encore plus violente. Il y a moins d’un an, une survivante militante a dû déménager à la suite d’un avertissement très clair de "cesser de dire des menteries sur le travail du sexe sans quoi il lui arriverait ce qui lui était arrivé quand elle faisait la pute et qu’elle avait ignoré les avertissements du genre".

C’est carrément une menace de viol puisque c’est ce qu’elle a vécu lorsqu’elle a ignoré les proxénètes qui lui demandaient de cesser d’agir à titre d’indépendante. Cet avertissement a été proféré à quelques pas de chez elle, alors qu’elle vivait recluse dans un petit village éloigné et que son adresse était confidentielle.

Une autre a vu une conférence à laquelle elle prenait la parole être interrompue par des propos déplacés et haineux, proférés par des militant-e-s pro-travail du sexe connu-e-s. Une autre voit sans cesse sa vie privée étalée dans les réseaux sociaux, et déformée de façon à la discréditer ; on la nomme, on l’attaque, on invite les allié-e-s à faire de même, et on la ridiculise sans arrêt.

Ce ne sont que quelques exemples des violences subies par des survivantes de la prostitution militantes abolitionnistes, et ces actes surviennent au Québec. En France, les violences ont été si loin qu’une survivante a été mise sous la protection de témoins.

Les personnes et organismes n’ayant pas évolué dans "l’industrie" mais soutenant les survivantes sont aussi régulièrement pointés du doigt et leur crédibilité remise en question par des mensonges éhontés, de quoi faire douter les femmes dans le besoin qui voudraient leur demander de l’aide.

Cette violence envers les personnes qui dénoncent "l’industrie" démontre bien à quel point ceux qui la contrôlent se sentent menacés. Il faut avoir tout un pactole à protéger pour aller aussi loin et commettre autant d’agressions et de harcèlement. Et c’est pour éviter cette violence envers d’autres survivantes, d’autres femmes exploitées que, malgré l’écœurement, la colère et la peur, nous continuerons de la dénoncer.

Une réelle protection du système de justice serait évidemment bienvenue, mais en attendant de l’obtenir, nous sommes prêtes à endurer les désavantages liés à notre combat car nous le savons juste et légitime.

Nous avons survécu à bien pire quand nous étions exploitées dans "l’industrie du sexe".

Malgré le découragement que nous ressentons souvent face au système de justice, nous gardons espoir qu’il saura un jour mieux nous protéger.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 février 2017

Rose Sullivan, survivante de la prostitution et fondatrice du Collectif d’aide aux femmes exploitées sexuellement et survivante


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