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La couleur du silence
4 février 2017
par
Une main me tient suspendue
au-dessus d’une très haute falaise
je n’ai qu’à la lâcher et sauter
sans savoir vers le vide ou l’éveilTes mots ressemblent à des fruits
lourds de pensées et de saveurs
à l’ivresse des vagues et du désir
à l’impatience sous ta peau de nuitÀ l’aube je scrute le fond des mots
pour un signe de toi un éclair
toile ou cantate un feu sur la neige
un simple battement de plumeJe ne peux ni me taire ni rugir
de plus en plus pareille à cet arbre
dont mes yeux ont poli l’écorce
les branches tendues pleine écouteLe silence a bu la corne de brume
cette langue des noyées
berceuse infinie de l’eau
sans paroles pure épave de beautéLe silence a aussi ses hautes marées
jaillies soudain de la marge
trempées dans l’encre noire
seul s’entend le naufrage de nos voixPourtant la peur peut être bleue
comme l’eau le rêve et la pensée
comme la profondeur du silence
dans l’espace infini de l’absenceQuand je te croise en rêve
les mots coulent entre mes doigts
et le courant les emporte au large
avec leur mémoire du futurJ’ai si peur que le fil de mes mots
ne s’émousse sur l’attente
et ne puisse plus défricher l’océan
ouvrir le fond de ton regardEn moi le temps file trop vite
j’aurais voulu le suspendre
afin que jamais ne tarisse
l’entre-nous fugace de la joieJ’aimais habiter le silence de nos mots
sans jamais devenir désert
rester l’espace nu du désir
où s’enlacent fluides nos lignes de vieIl y a toujours un chaînon manquant
à l’amour un mot au poème
un pas un courage à l’espoir
il nous manque l’impossible ma vieSuspendue au-dessus du vide
l’eau m’attire par le fond
je ne peux ni lâcher prise
ni me hisser hors de ce rêveExtrait de : Élaine Audet, Tutoyer le silence, Montréal, éd. Sisyphe, 2017. Paraîtra le 8 mars en accès libre sur sisyphe.org
Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 février 2017