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"Modjézéyeh echgh" : un recueil d’Élaine Audet écrit en persan
4 avril 2019
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La langue est le plus merveilleux miracle de l’homme.
Qui a écrit le premier poème et en quelle langue ? On ne le sait. Le savoir n’a pas beaucoup d’importance. Mais les premiers mots dits par le premier être humain étaient sûrement sous forme de poème. Pour communiquer avec l’autre, avec les autres, pour être, pour voir et pour être vu. Il fallait que la langue soit découverte. Qu’elle soit adoptée pour concevoir que la poésie est la vie, la plus grande vie (1).
Élaine Audet est poète, essayiste et Québécoise. Sa langue maternelle est le français. Elle a certaines notions du persan, mais pas assez pour parler, lire et écrire en cette langue. Elle a lu la traduction française et anglaise des poèmes de Roumi, Attâr, Ferdowssi, Nezâmi, Hâfez, Forough Farrokhzad et bien d’autres. Parfois elle les a entendu réciter par ses amis.
La rencontre du poète Férydoun Rahnéma à la fin des années 50 à Paris et son amitié pour Farideh Rahnéma, et au fil des jours, le partage des mots avec son compagnon de vie iranien ont contribué à garder vivant l’écho de cette langue dans sa mémoire.
Ce recueil, écrit en persan avec des caractères français (latins), qu’elle a nommé Modjézéyé eshgh (Miracle de l’amour) et signé Élaine Madjnouni, émane peut- être d’une source qui a pénétré dans son for intérieur. Comme elle le dit : « Sans prévenir, le premier poème m’est venu directement en persan. Ce n’était jamais arrivé auparavant. Pendant plusieurs jours, l’inspiration continuait (toujours en persan), et soudain, plus rien. Ça s’est terminé aussi abruptement que cela avait commencé. Pour moi, c’était un vrai miracle, que je n’ai jamais pu expliquer. J’ai été traversée. C’est tout. »
Malgré la résonance toute persane de ses poèmes, peut-être le lecteur iranien mettra-t-il le doigt sur certaines tournures de la langue qui lui sembleront incorrectes. Mais n’oublions pas ce qu’a écrit Aragon dans Le Fou d’Elsa : « Tout a commencé par une faute de français … »
Combien de fois, en s’écartant des habitudes et des règles de la langue, comme de toutes habitudes, de nouvelles voies s’ouvrent devant nous, et c’est bien cela qui libère la langue des cadres rigides et glacés. Ainsi, pour moi qui suis de langue persane, l’expression bad az to rafti (après ton départ ) me fait découvrir un temps nouveau. Un temps qui évoque le toi, ta présence et ton départ, à la fois. Exactement comme une après-midi ou n’importe quel moment. Or, les tournures soi-disant exactes « ba’d az raftané to » ou « az vaghti to rafti/rafteh-i » ne peuvent atteindre et exprimer ce temps nouveau :
Bad az to raft
Khorshid sard shodeh ast
Bad az to raft
Zamân bi nour shodeh ast
C’est bien « cette faute », ne pas avoir l’habitude de la langue persane qui rend « ton départ » si terrible.
Élaine Audet est une poète connue dans le monde francophone. Elle a publié 8 recueils de poèmes en France et au Québec, et 4 essais concernant la situation des femmes dans le monde.
Dans un de ses poèmes (2), elle s’adresse à l’Iran :
Jamais je ne t’oublierai Iran aux rêves enfouis dans l’azur de tes coupoles.
Jamais je n’oublierai tes légendes tes poèmes et les yeux de tes enfants
qui s’ouvrent comme un éventail dans mon cœurEt en l’an 1986, dans un état de passion et d’extase, la langue persane tombe en elle comme une pluie, et Élaine nous rapporte ce recueil, comme un miracle.
Depuis que j’ai vu ce manuscrit chez Farideh Rahnéma, j’ai espéré qu’un jour il soit publié et que les autres persanophones puissent, comme moi, s’émerveiller. Du moins, je l’espère.
Ces poèmes sont écrits avec des caractères français. Donc, nous les publions de gauche à droite, pour plusieurs raisons : les lecteurs et les lectrices peuvent facilement se référer au poème, et aussi, voir l’importance de sa forme extérieure. Enfin, en poursuivant la pensée de Guy Lévis Mano, poète et éditeur français, nous voulions que le poème, même sur papier, puisse vivre.
À la fin du recueil, nous avons ajouté deux poèmes extraits de Pierre-feu et deux extraits de La passion des mots (3) d’Élaine Audet, traduits par Farideh Rahnéma.
1. Férydoun Rahnéma, Introduction de Ghat’nameh, 1951.
2. Pierre-feu, Genève, Poésie Vivante, 1966.
3. La passion des mots, Montréal. l’Hexagone, 1989.*** Que puis-je dire de toi ?
Toi qui m’es plus proche quecet orient de l’homme
dont tu parles.Un jour j’étais très triste, ll y avait la guerre en Iran.
J’ai rencontré pour la première fois une vieille
nonne bouddhiste qui venait de très loin.
Peut-être du Népal.Elle me dit : « Quelle belle journée ! Nous nous revoyons après tant d’années ! »
Aujourd’hui je peux te redire la même chose, Élaine.
Farideh
Élaine Audet, Modjézéyé echgh, Téhéran, éditions Daneh, 2018.
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