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Dans le bleu de la nuit

17 décembre 2019

par Élaine Audet

Il y a en elle une rumeur de toi
qui ne dort jamais et rumine le bonheur
tel un envoûtement perpétuel
une poussière d’être et de papillons d’or

On peut parfois attraper un coup de lumière
être soudain ravie par un seul paysage
voir enfin la jointure secrète de l’infini
entre la terre à perte de vue et le ciel vertical

C’est par cette percée de lumière
que tu as pu prendre tout le bleu en toi
ivre d’une terre jaune qui a bu le soleil
tu apprends à vivre l’inconcevable

Parfois sa pensée plie sous le poids du jour
elle ne peut s’arracher des bras de la nuit
ni vivre l’attente ton parfum profond encore
sur sa peau si pleine d’échos de passage

Sur ses lèvres de jour les mots fondent
au soleil tracent des clairières bleues
dans ces forêts de toi encore en friche
chaque fruit d’or y fomente l’éternité

Qu’importe la neige à perte de vue
les regards suspendus au bord des cils
le blanc soudain aveuglant du silence
au feu de midi luit ton cœur rouge

Quand la passion t’emporte loin
que ta main déserte son âme
tu ne peux voir le haut de la cime
d’où chaque nuit elle tombe

Elle a tant regardé chaque saison de cet arbre
le touchant jusqu’à sentir la sève gémir
l’absolue tension de ses branches vers le ciel
couler l’univers dans ses propres veines

Tu le sais l’après-midi revit dans les bras de l’aurore
sur la vieille place l’eau dorée de la fontaine
traverse le temps abreuve la soif impatiente
de ses yeux nus dont le rêve flamboie en plein midi

Si elle revenait dans la ville d’hier
poursuivre le futur du fleuve
l’or le bleu le rêve jusqu’à toi
ce jour-là tu n’aurais plus d’ombre

Elle veut être l’écorce la pierre
la mousse sous ta main
la pulsation des mots
quand le vent écarte les feuilles

Cet amour est une fontaine
dont l’eau jamais ne se tarit
polit la pierre boit le soleil
et fait jaillir le ciel du rêve

Elle est l’eau entre tes lèvres
vague torrent rivière océan
la langue de l’insurrection
le corps soudain sans bords

En ce jour de brume opaque
qui plombe les rames du silence
elle reste étendue dans ton regard
à frôler la joie du bout des cils

Ton corps est une mémoire désirante
dont la pensée amplifie l’écho
la corde d’éternité de tes sens
la portée visionnaire de la perception

Elle aime se glisser sous tes paupières
dans l’âme extrême de la nuit
devenir une simple poussière de feu
sur la peau promise du poème

Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 décembre 2019

Élaine Audet


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