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De la pertinence d’images suggestives et sexistes pour dénoncer la marginalité des prostituées au temps du Covid
24 avril 2020
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À la Une, en gros plan, on voit des souliers rouges à talons hauts de trente centimètres, derrière, une boîte rouge sur laquelle sont écrits les mots : fille de joie, maîtresse, femme de mauvaise vie, cagneuse, débauchée, escorte, belle de nuit…
Plus loin, une servante en petite tenue, un plat prêt à servir entre les mains et un regard de côté coquin, aussi une femme de ménage à quatre pattes, bas résille, lavant le plancher le visage crispé qui suggère qu’elle est déjà en extase sexuelle : voilà les images que Radio-Canada publiait pour accompagner son article sur la marginalisation des « travailleuses du sexe ». (1)
Que de sensationnalisme !
Recul féministe
Dans les années ’80, les féministes ont dénoncé les stéréotypes sexuels, notamment ceux qui suggéraient que les femmes étaient responsables des tâches domestiques.
Associées à des propositions et soumissions sexuelles, on vient de toucher le bout du bout du sexisme pas ordinaire ! Le service domestique et le service sexuel : tout ça dans la joie bien sûr ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que les fantasmes des consommateurs de prostitution sont bien étayés .
Le recul féministe est choquant ! Venant de la part de Radio-Canada, la société d’État, c’est grotesque et révoltant.
La Presse a aussi publié des captures d’écran de sites d’offres de services sexuels. Une poitrine d’au moins 5D, sûrement siliconée, avec un bikini bretelles spaghettini peinant à cacher les mamelons de la femme exploitée ou la traditionnelle photo de côté, les bras au-dessus de la tête de la femme prostituée exposant une taille de bébé guêpe, les jambes à peine croisées, sur un lit « invitant ». Les talons hauts de 30 centimètres toujours bien en vue. Et bien sûr, une photo d’un popotin et string, sans corps, sans tête. (2)
Dans tous ces cas, les liens Internet ou le nom des plateformes sont mentionnés presque soulignés, au cas où des consommateurs de prostitution n’auraient pas trouvé ! (3)
Une amie, survivante de la prostitution, m’indique que l’image la plus représentative de la prostitution devrait afficher un homme gros, malpropre, en sueurs, pressé et insensible donnant de l’argent avec des mains sales ! Des médias ne semblent connaître que le côté glamour, charmeur et accrocheur de la prostitution.
La représentation que semble leur soumettre leur principale source d’information.
Des sources principalement proprostitution
Début avril, j’avais dénoncé un article du Devoir dans lequel étaient décrits avec moults détails les efforts rapportés par Sandra Wesley du groupe proprostitution Stella pour continuer à donner des services sexuels malgré le COVID-19. (4)
Éclipsant totalement le non respect des règles de distanciation et de confinement, Jessica Nadeau énumérait les mesures prises par le groupe pour continuer à accommoder les consommateurs de prostitution.
Sandra Wesley suggérait même qu’à travers le monde, des pseudos mesures scientifiques étaient à l’étude par les groupes proprostitution pour protéger les clients-exploiteurs. La journaliste n’a pas relevé, se contentant de rapporter les misères de Mme Wesley pour convaincre de la bonne foi de l’« industrie du sexe ».
Les articles d’une majorité de médias suivent le même modus operandi : on interroge Mme Wesley, qui est aussi membre du CA de la fédération des femmes du Québec (FFQ), avec une photo d’elle bien en vue.
Quelques-uns donnent place à la Concertations des luttes contre la prostitution (CLES), sans image de sa directrice, comme un semblant de pendant critique.
Les consommateurs de prostitution dans l’ombre
Téléphone et webcam « roses » faisaient oublier que des hommes ne peuvent se passer de continuer à prostituer des femmes. Ils ont beau jeu puisque ni leurs motivations, ni leur mépris des règles de sécurité auxquelles tout le monde est astreint ne sont jamais affichés.
On met de l’avant les femmes marginalisées, c’est plus vendeur. Le pourquoi du comment de leur marginalisation ne fait pas partie du discours de Mme Wesley et les journalistes ou reporters s’en tiennent à ses propos.
De jeunes sans-abri ont reçu des amendes de 1 546$ pour bris des règles de confinement et de distanciation, mais les « pauvres hommes » en détresse sexuelle comme aiment bien le souligner certain.e.s auteures comme Emma Becker, ou même Nancy Huston, en sont exemptés.
L’omerta est de mise pour les détenteurs des paradis fiscaux, il l’est davantage pour les consommateurs de prostitution. Autant faire valoir le « génie d’adaptation » des exploitées et la perte de revenus malgré les fausses mesures de sécurité : la victimisation des protégées de Stella ne souligne que l’aspect financier.
Et plusieurs médias accréditent ces artifices, comme s’ils portaient, au lieu d’un masque de protection, des œillères « stellaniennes ». C’est à croire que c’est Stella qui sollicite les médias.
Dans le reportage de Simon Coutu de Radio-Canada, Sandra Wesley parle des économies parallèles pour cacher le fait que ce sont des revenus illégaux et criminels. Le reporter n’a pas relevé.
À ce titre, pourquoi ne pas subventionner d’autres groupes qui font leur pain et leur brioche d’activités criminelles ?
Les préservateurs du patriarcat
Y a-t-il un lien entre ces consommateurs de prostitution si justifiés de prostituer et des groupes religieux intégristes et non intégrés qui n’ont pas non plus reçu d’amendes en début de crise, notamment à Boisbriand : des groupes fortement générateurs et préservateurs du patriarcat ?
L’attitude de ces médias est souvent la même vis-à-vis de l’activisme transgenre et vis-à-vis de la laïcité. L’incapacité de dénoncer des choix non féministes est désespérante. Les nombreuses chroniques sur l’idéologie du genre imaginée par Judith Butler, philosophe américaine et professeure à l’Université Berkeley, ainsi que les chroniques religieuses à Plus on est de fous, plus on lit à Radio-Canada, pour ne nommer que ces exemples, sont représentatives de ce nouvel ordre qui se prétend progressiste, mais qui est en fait « fondé » sur l’irréalisme. Mais c’est « in » !
Il faut aider toutes les personnes qui vivent de la précarité, faut-il le faire sans condition, sans autres choix que d’être exploitées pour ainsi maintenir cette exploitation ? La pauvreté étant un facteur d’entrée dans la prostitution, peut-on enfin s’attaquer aux facteurs qui contribuent à l’exploitation sexuelle ?
La violence subie dans l’enfance étant un autre facteur pourquoi dénonce-t-on l’augmentation de la violence conjugale et contre les enfants en temps de confinement, mais nullement la violence inhérente à la prostitution.
Ah ! Mme Wesley a bel et bien dénoncé la violence, mais souligné que le responsable était la pandémie, de la même façon qu’elle affirme, sans rire, que la loi C36 Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation est responsable de l’augmentation de la violence depuis sa promulgation en 2014 !
Où sont les vrais responsables, les acheteurs-exploiteurs qui manifestent la violence ? Sous le tapis des « red light », des nombreux salons de « massage », près des souliers à hauts talons ? Le reporter n’a pas relevé.
Au cas où des médias, notamment ceux qui se targuent de combattre les fausses nouvelles, auraient le goût de s’abreuver à d’autres sources, mentionnons le CAFES, le Collectif d’aide aux femmes exploitées sexuellement, un regroupement de femmes ayant un lien avec la prostitution et désirant s’en éloigner, la Maison de Marthe à Québec qui aident des femmes à sortir de la prostitution et le projet Émeraude des CALACS de l’Estrie.
Ainsi, contribueront-ils aussi à l’égalité entre les femmes et les hommes. Parce que, malheureusement, même des femmes font des choix non féministes
.Notes
1. Coutu, Simon, Les travailleuses du sexe encore plus marginalisées, Radio-Canada, 24 avril 2020
2. Renaud, Daniel, L’industrie du sexe s’adapte, la police veille, La Presse, 23 avril 2020
3. idem
4. Nadeau, Jessica, « L’industrie du sexe ne s’arrête pas », Le Devoir, 1 er avril 2020,Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 avril 2020