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En Iran, un texte de loi sur les droits des femmes soulève un tollé
Reuters , AFP

2003

Téhéran - Le président du Majlis (Parlement iranien) a cherché à désamorcer hier le tollé qu’a déclenché dans les milieux conservateurs religieux l’adoption par les députés réformateurs d’un texte de loi visant à promouvoir les droits des femmes.

L’assemblée, dominée par les réformateurs, s’est prononcée, la semaine dernière, en faveur de la signature de la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

L’Union européenne, qui entretient un dialogue avec l’Iran sur la question des droits de l’homme, avait insisté pour que Téhéran signe la Convention.

Mais la décision du Majlis a provoqué la colère des conservateurs religieux, qui ont organisé vendredi et samedi des manifestations dans la ville sainte chiite de Qom. D’influents chefs religieux ont qualifié ce texte de "colonialiste" et soutenu qu’il contrevenait à de nombreux jugements de la loi islamique.

"Ce n’est qu’un stéréotype de plus de l’Occident, comme les slogans "défense des droits de l’homme", "démocratie", "prisonniers politiques" et plus récemment "guerre au terrorisme"", a déclaré l’ayatollah Hossein Nouri-Hamedani, cité par l’agence de presse étudiante Isna. Tous ces complots visent à nuire à l’islam."

Mehdi Karroubi, président du Majlis, a pour sa part invité les critiques à la sérénité en rappelant que le Conseil des gardiens, qui est dominé par les conservateurs, aurait, de toute façon, la possibilité de casser la décision du Parlement s’il concluait que ce texte est contraire à la charia (loi coranique), a précisé l’agence de presse officielle Irna. Le Conseil des gardiens, dont la mission est de s’assurer de la constitutionnalité des lois votées par les députés, a ces dernières années opposé son veto à de nombreux votes du Parlement, dont plusieurs portaient sur les droits de l’homme.

Des femmes députées ont plaidé que 168 pays avaient déjà signé la Convention de l’ONU, dont plusieurs pays musulmans. Les Iraniennes jouissent, par ailleurs, de plus de libertés que les femmes de nombreux pays des États du Golfe, et le président réformateur Mohammed Khatami a désigné une femme parmi ses six vice-présidents. En revanche, en vertu de la charia en vigueur depuis la Révolution islamique de 1979, les femmes sont obligées de porter des vêtements amples leur recouvrant tout le corps à l’exception du visage et des mains.

En outre, elles doivent obtenir la permission de leur mari pour voyager, et leur témoignage devant un tribunal est encore considéré comme d’une valeur deux fois moins importante que celui d’un homme.

Mohsen Qaravian, un religieux de rang subalterne qui travaille au Centre éducatif Imam-Khomeiny, estime que, en approuvant la Convention de l’ONU, "les parlementaires ont montré qu’ils n’avaient aucune idée de ce qu’est l’islam". "Il n’y a pas de discrimination entre les femmes et les hommes dans l’islam, mais il y a des différences, écrit-il dans le journal Siyasat-e Ruz. L’esprit de la Convention est l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines et cela diffère avec l’islam."

Par ailleurs, le Guide suprême iranien Ali Khamenei a fait un geste d’apaisement hier en ordonnant la "clémence" pour les étudiants en prison, mais la justice locale annonçait simultanément de très lourdes peines contre deux "fauteurs de trouble" ayant pris part à une manifestation à Chiraz. Deux personnes arrêtées à Chiraz lors de la vague de rassemblements tenus en juin et en juillet contre le pouvoir ont en effet été reconnues coupables d’avoir "déclaré la guerre à Dieu", a rapporté la presse, qui n’a pas précisé les peines prononcées.

P.S.

Mis en ligne le 6 août 2003




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