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Les cinq femmes célèbres et l’affaire "personne"

2 août 2017

Les cinq femmes célèbres et l’affaire « personne » : des activistes de la première heure défient les vues conventionnelles et changent le cours de l’histoire du Canada.



« Nous désirons, plus que jamais auparavant, que des femmes soient des leaders. Des leaders qui n’ont pas peur des injures, qui sont prêtes à se battre. Je crois que les femmes peuvent sauver la civilisation. Les femmes sont des personnes. » (Traduction) Emily Murphy (1931)

Le début du XXe siècle et les femmes courageuses qui ont contesté la situation des femmes à cette époque font maintenant partie du paysage historique du Canada. Cinq femmes ont écrit l’histoire juridique des droits des femmes en contestant la notion selon laquelle les femmes étaient exclues de la définition juridique de « personne ». Si les femmes n’étaient pas des personnes sur le plan juridique, elles n’avaient aucun droit.

Les femmes qui ont présenté cette pétition étaient des journalistes, des magistrates ou des politiciennes. Leur quête juridique a atteint le niveau d’appel le plus élevé, le Conseil privé britannique, qui, finalement, a déclaré que les femmes étaient des « personnes ». Il s’agit d’une victoire remarquable pour l’égalité des droits.

Le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne » souligne la détermination et le dévouement de ces femmes remarquables. En 1979, à l’occasion du 50e anniversaire du jugement déclarant que les femmes étaient des « personnes », le gouvernement du Canada frappait la première médaille. Il s’agit du seul hommage rendu aux personnes qui oeuvrent pour l’égalité des sexes et la pleine participation des femmes au tissu économique du pays.

Les mouvements de réforme attirent des appuis

Au début des années 1900, l’Ouest canadien a connu une époque de turbulence et de changements rapides. En Alberta, la population, qui était strictement rurale, s’urbanisait de plus en plus. Il y avait trois hommes pour deux femmes. Ces circonstances sont à l’origine de ce que certaines personnes percevaient comme d’importants problèmes sociaux d’alcoolisme et de prostitution.

Les femmes ont commencé à créer et à appuyer des groupes voués au « nettoyage de la société ». Parallèlement, les femmes souhaitaient jouer un rôle plus important en politique. En 1916, la législature de l’Alberta adoptait une loi qui accordait le droit de vote aux femmes.

L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) de 1867 établissait les pouvoirs et responsabilités des provinces et du gouvernement fédéral. Le terme « personnes » était utilisé dans cette loi fédérale pour désigner plus d’une personne et le pronom « il » lorsqu’il s’agissait d’une seule personne. Par conséquent, bien des gens soutenaient que la loi stipulait en fait que seul un homme pouvait être une personne, empêchant ainsi les femmes de participer pleinement à la vie politique ou aux affaires de l’État.

Cette situation préoccupait la Canadienne Emily Murphy, la première femme magistrat de l’Empire britannique. La juge Murphy a été la première magistrate du nouveau Tribunal des femmes, à Edmonton. Le jour de son entrée en fonction, l’avocat de la défense conteste une décision sous prétexte qu’elle n’est pas une « personne » et que, par conséquent, elle ne peut remplir les fonctions de magistrate.

La magistrate Alice Jamieson, de Calgary, voit son autorité contestée de la même façon en 1917. Un de ses jugements fait l’objet d’un appel auprès de la Cour suprême de l’Alberta qui estime qu’il n’existe aucune exclusion juridique fondée sur le sexe relativement à l’exercice d’une charge.

Au même moment, des groupes de femmes commencent à exercer des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu’il nomme une femme au Sénat. Malgré l’appui des premiers ministres Arthur Meighen et William Lyon MacKenzie King, aucune nomination n’est faite. Les gouvernements invoquaient l’argument de la « personne » pour justifier l’exclusion des femmes de postes importants, en l’occurrence, une nomination au Sénat. Si seul un homme pouvait être une personne, seuls des hommes étaient admissibles à des postes au Sénat, l’Acte stipulant que seules des « personnes ayant les qualifications voulues » pouvaient y être nommées.

Cinq femmes devenues célèbres

En 1927, Emily Murphy et quatre autres éminentes Canadiennes - Nellie McClung, Irene Parlby, Louise McKinney et Henrietta Muir Edwards - demandaient à la Cour suprême du Canada de déterminer si le mot « personne » de l’article 24 de l’AANB comprenait les femmes. Après cinq semaines de débats et de discussions, la Cour suprême du Canada répond que le mot « personne » exclut les femmes.

Ces cinq femmes, les « cinq femmes célèbres » comme on les appelle, sont indignées par la décision de la Cour suprême, mais n’abandonnent pas le combat pour autant. Elles refusent d’accepter la décision et soumettent l’affaire « personne » au Conseil privé en Angleterre, la plus haute cour du Canada à l’époque.

Le Conseil privé tranche

Le 18 octobre 1929, Lord Sankey, Grand chancelier du Conseil privé, annonçait la décision des cinq Lords selon qui l’exclusion des femmes de toute charge publique est un vestige d’une époque plus barbare. Aux personnes qui se demandent si le mot « personne » doit comprendre les femmes, la réponse est évidente, pourquoi pas ?

Les cinq femmes célèbres ont obtenu non seulement le droit pour les femmes d’être nommées au Sénat, mais leurs nombreuses contributions ont ouvert la voie et permis aux femmes de participer à d’autres aspects de la vie publique. L’affirmation des droits des femmes est maintenant honorée par le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne ».

Les « cinq femmes célèbres » :

Emily Murphy
Louise McKinney
Irene Parlby
Nellie McClung
Henrietta Muir Edwards

Emily Murphy
(1868-1933)

« Lorsque je ne sais si je dois me battre ou pas, je me bats. » (Traduction)

Née à Cookstown, en Ontario, Emily (Ferguson) Murphy était déjà une auteure accomplie à son arrivée à Edmonton en 1907. Mère de deux enfants, elle a dirigé des campagnes en faveur du droit des femmes à la propriété et, en 1916, a été la première femme de l’Empire britannique nommée magistrate de police. C’est à cette époque qu’un avocat a contesté à maintes reprises ses jugements en soutenant qu’elle n’était pas une « personne » en droit. En 1927, elle a dirigé une contestation judiciaire maintenant appelée l’affaire « personne ».

Louise McKinney
(1868-1931)

« Le but de la vie d’une femme est le même que celui d’un homme : apporter la meilleure contribution qui soit à sa génération. »
(Traduction)

Louise (Crummy) McKinney s’insurgeait contre les méfaits de l’alcool et les incapacités attribuées aux femmes. Elle a joué un rôle de premier plan dans l’obtention du droit de vote des femmes de l’Alberta en 1916. Elle a été la première femme assermentée à la législature de l’Alberta et la première femme élue à ce titre dans tout l’Empire britannique. En tant que députée provinciale, élue en 1917 pour représenter Claresholm, elle a oeuvré pour la promotion de mesures d’aide sociale pour les veuves et les immigrantes et immigrants, et, avec Emily Murphy, a contribué à l’adoption de la Dower Act, qui accordait des droits à la propriété aux femmes mariées.

Irene Parlby
(1868-1965)

« La dynamite ne favorise pas l’évolution. » (Traduction)

Née à Londres, en Angleterre, Irene (Marryat) Parlby est arrivée en Alberta en 1896, a épousé un éleveur et s’est établie dans la région de Lacombe. Elle a été élue à la législature de l’Alberta en 1921 sous la bannière des United Farmers of Alberta et a contribué à faire adopter 18 projets de loi visant à améliorer le sort des femmes et des enfants. Elle a été nommée ministre sans portefeuille en 1921, devenant ainsi la deuxième femme à occuper un tel poste dans l’Empire britannique. Elle a présidé le United Farm Women of Alberta et était une ardente défenseure des Albertaines des régions rurales.

Nellie McClung
(1873-1951)

« Ne jamais se rétracter, ne jamais s’expliquer, ne jamais s’excuser - il n’y a qu’à réaliser des choses et laisser hurler les autres. » (Traduction)

Romancière, législatrice, prohibitionniste et suffragette, l’influence de Nellie (Mooney) McClung s’est fait sentir dans l’ensemble des Prairies. L’enseignante, née à Chatsworth, en Ontario, a aidé les femmes du Manitoba à obtenir le droit de vote et a poursuivi la lutte en Alberta après son arrivée à Edmonton en 1914. Elle a été élue à la législature de l’Alberta en tant que libérale dans l’opposition en 1921. Elle a été la première femme membre du Conseil des gouverneurs de Radio-Canada, a représenté le Canada à la Société des Nations, a enseigné la classe de religion du dimanche, en plus d’élever cinq enfants.

Henrietta Muir Edwards
(1849-1931)

« Nous avons tenté d’établir l’individualité des femmes... ce fut une lutte ardue. » (Traduction)

Henrietta (Muir) Edwards a activement prôné la réforme des prisons. À Montréal, en 1875, elle a fondé l’ancêtre de la YWCA, afin d’offrir une formation professionnelle aux femmes pauvres et a publié et financé le premier magazine canadien à l’intention des femmes sur le marché du travail. Alors que’elle étudiait le droit, elle a contribué à créer le Conseil national des femmes en 1890 et a été, pendant des décennies, responsable de ses règlements. Elle a écrit plusieurs livres sur le status juridique des femmes et a compilé, à la demande du gouvernement fédéral, une liste de lois provinciales qui avaient une incidence sur le femmes et les enfants partout au Canada.

Source

Condition féminine Canada

Mis en ligne sur Sisyphe le 2 octobre 2003

P.S.

Le Prix du Gouverneur général du Canada est remis chaque année à une Canadienne en commémoration de l’affaire « personne ».




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