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Espagne
La directrice de l’Institut de la Femme édite un livre qui fait l’apologie du viol des femmes et des petites filles

novembre 2003

par Xavier Ayén, journaliste

"Si les Noirs sont des gens respectables et si tous les pédés sont des êtres très sympathiques, il faudrait qu’on se mette d’accord et qu’on décide une fois pour toutes que tous les violeurs ne sont pas de mauvaises gens (...). Ce sera toujours mieux de violer une femme et de la laisser vivante que de ne pas la violer et de la tuer. Je ne serais pas capable de tuer une femme, je n’aurais pas assez de courage pour cela. Mais violer des femmes, je vous assure que cela ne me cause aucun remords".

Ainsi débute le conte intitulé "Le violeur", premier du volume " Toutes des putes ", de Hernan Migoya (Ponferrada, 1971). Ce volume misogyne contient aussi un autre conte intitulé " De la bonne porno " dans lequel un adulte va chercher une petite fille à l’école pour la violer. Pendant qu’il la viole, il lui demande en larmes : "Ne le dis pas à maman, ma chérie". Ce livre, ré-imprimé en mars 2003, est publié par El Cobre Ediciones, une maison d’édition dont une des copropriétaires, Miriam Tey, a été nommée Directrice de l’Institut de la Femme (1) le 7 mars dernier par le Gouvernement espagnol.

Migoya reconnaît qu’il est misogyne, et " orgueilleux de l’être, car c’est quelque chose de sain ". Il admet que "Toutes des putes" est un volume politiquement incorrect. " Cette veine me sort dans toutes mes oeuvres, que ce soient des contes, des bandes dessinées ou des court métrages ", affirme-t-il. Il explique que ce dernier livre est une commande personnelle de Miriam Tey, qui avait lu sur Internet son récit intitulé "le violeur" qui l’enchanta, et qui lui aurait dit : "Je veux un livre entier sur ce sujet". Je lui ai déjà dit en plaisantant qu’on allait la dénoncer et porter plainte contre elle. "

Migoya admet que son conte est une "apologie du viol, à partir du point de vue du personnage, et, heureusement, ajoute-t-il ," que ce n’est pas moi ". " Il s’agit du récit satirique d’un violeur qui veut qu’on reconnaisse ses droits. L’ensemble du livre traite en fait des monstres que nous avons tous et chacun à l’intérieur de nous-mêmes et j’essaie de comprendre si j’ai quelque chose en commun avec ces monstres. " SIC (2)

Le narrateur mis en scène par Migoya critique le fait que les femmes "fassent croire à tout le monde qu’il n’y a rien de pire que le viol. (....) J’ai violé beaucoup de femmes, et laissez-moi vous dire quelque chose : ce n’est pas si terrible, il n’y a pas de quoi fouetter un chat". Le récit se termine d’ailleurs d’une manière qui renvoie au titre du livre : "En tout cas, les femmes sont toutes des putes. Vous l’avez sûrement pensé aussi quelquefois, n’est ce pas ? Vous voyez ? Donc nous sommes tous d’accord".

Dans un autre conte, que les âmes sensibles devraient s’abstenir de lire, le narrateur explique comment il pénètre une petite fille qu’il est allé chercher à l’école. Migoya admet que "même des amis se sont sentis offensés par ce livre", mais ajoute que "dans ce pays les auteurs sont généralement politiquement très corrects, qu’ils perdent tous leurs couilles et qu’ils feraient n’importe quoi pour se déclarer contre la guerre et le déversement de pétrole "(3). Je n’ai pas besoin de démontrer que je suis une bonne personne, j’ai seulement besoin d’être un bon écrivain. Et les meilleurs écrivains sont en général des fils de pute."

Migoya, défend dans son livre l’idée que les femmes sont par nature des prostituées, et ceci ne doit pas être vu comme quelque chose de péjoratif : "Il s’agit d’une apologie de la femme. Le type de femme que je défends est... agressive ou, en tout cas, individualiste. Les seules femmes dans lesquelles je me reconnais sont celles qui savent utiliser l’homme : pour moi, le concept de "pute" est positif, et j’admire les femmes qui utilisent leur sexualité et leur intelligence pour arriver là où elles le veulent. C’est ce type de femme que je défends. La femme peut manipuler l’homme comme elle le veut, et c’est bien comme ça. Je ne sais pas pourquoi elles demandent qu’on les respecte pour des choses que je trouve aussi peu intéressantes".

Mais ne croyez vous pas que ce ne soit pas si clair que tous vos contes possèdent cette distance satirique ? " Chaque lecteur lit à sa manière. La médiocrité est pire que la méchanceté. "
Ce quotidien a contacté hier Miriam Tey, qui a affirmé, peu avant 20 heures, que "le livre a une tournure ironique" à travers laquelle il doit se lire, et a refusé de faire plus de déclarations. Mais une heure plus tard, elle a précisé : "Ce livre est une dénonciation du comportement des hommes, par la voix d’un homme. C’est peu éthique d’utiliser mon travail d’éditrice pour critiquer ma fonction publique, une preuve de plus que le journalisme est toujours entre des mains masculines. Quand il y a des femmes qui meurent aux mains des hommes, c’est grave de jouer ainsi. Il faut donner des tremplins aux hommes pour qu’ils s’expriment, c’est alors plus facile de savoir ce qui est abusif et cela facilite donc le travail en commun. »

Notes

1. Note de la traductrice : L’institut de la Femme est un département du Ministère du Travail et des Affaires Sociales (MTAS) espagnol
2. "Es un relato satírico sobre un violador que quiere que se reconozcan sus derechos. Todo el libro, de hecho, trata sobre los monstruos que tenemos dentro. Intento entender si queda algo que yo pueda tener en común con ellos".
3. Référence à la catastrophe écologique du pétrolier "Prestige" le 13 novembre 2002 près des côtes de la Galice au nord ouest de l’Espagne.

Traduction : Anne le Maignan
Anne Alix le Maignan
Generourban
Calle San Bernardo, 117
E 28015 Madrid

« Directora del Instituto de la Mujer edita un libro que hace apología de la violación de mujeres y niñas. »
Titre original de l’article : « El libro de las violaciones », (Le livre des viols), par Xavier Ayén, dans La Vanguardia, Barcelone, 17 mai 2003.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 mars 2003

Xavier Ayén, journaliste

P.S.

On trouvera d’autres textes sur le sujet en anglais sur le site Red feminista
Réponse en espagnol du défenseur du peuple espagnol à la plainte des organisations féministes




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