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La pornographie n’est pas sans conséquences

6 décembre 2003

par Centre-Femmes de Beauce

Introduction et sommaire d’un rapport de consultation sur l’influence de la pornographie auprès de femmes de la Beauce, au Québec. On peut télécharger le document intégral en format Word plus bas dans cette page.



Le Centre-Femmes de Beauce au Québec a mené au cours de l’année 2002 une consultation auprès 233 femmes âgées de 15 ans et 69 ans afin de mesurer l’impact et les conséquences de la pornographie sur la vie personnelle et familiale des femmes des territoires ciblés. Cette consultation se veut surtout un outil de réflexion sur la pornographie, ses impacts, sa perception par la population féminine des territoires visés et sur les moyens à mettre en place pour diminuer ses conséquences.

Pourquoi un projet sur la pornographie ?

Depuis quelques années, de plus en plus de femmes nous témoignent de leur désarroi face à la consommation de pornographie par leur conjoint et souvent même, par leurs enfants. Nous avons évalué à environ une sur cinq (20 %) la proportion de femmes rencontrées au cours de ces années qui éprouvent des problèmes de violence ou autres difficultés causées par la consommation de matériel pornographique. Elles se disent démunies face à cette problématique et ne savent comment réagir pour l’affronter. Devant la récurrence de ces cas, le Centre a voulu mesurer l’ampleur du phénomène, dans un premier temps, pour avoir la possibilité de poser des actions concrètes par la suite.

Un autre facteur important, dans la décision de mettre en place ce projet, est l’omniprésence marquée de la pornographie dans le quotidien. Nous sommes tous et toutes à même de constater l’augmentation de la pornographie dans notre quotidien, principalement depuis que les médias électroniques sont entrés dans nos foyers. Que ce soit dans les revues, les films ou Internet, l’image sexuelle véhiculée de la femme en est une, plus souvent qu’autrement, de femme objet qu’on peut utiliser à son gré, qui doit jouir et faire jouir sur demande. Cette image est, en général, dégradante et donne, à notre avis, une idée fausse de la sexualité aux jeunes. Dans la majorité des cas, on nous présente également la domination de l’homme sur la femme soumise. Tout ceci dans la banalisation la plus complète des impacts que peut avoir la pornographie sur la vie des gens.

Nous constatons, par expérience, que la pornographie ouvre souvent la porte à la violence, à la perte d’estime de soi des femmes qui en subissent les contrecoups, aux ruptures de couple et peut même, dans certains cas, mener à la pauvreté.

Suite à cette prise de conscience, il a été décidé d’aller vraiment vérifier l’ampleur des impacts de la pornographie sur la vie personnelle et familiale des femmes de notre région. Par la suite, une vaste campagne de sensibilisation dans la population sera réalisée à partir des résultats de la consultation.

Objectifs de la consultation

Démontrer les impacts de la pornographie sur la vie personnelle et familiale des femmes de Beauce-Etchemins :

 Évaluer la proportion de femmes de la région vivant des situations problématiques à cause de la pornographie ;
 Comparer la perception des impacts de la pornographie et l’acceptation selon les générations ;
 Vérifier le degré de connaissances des lois et des règlements régissant la pornographie ainsi que l’intérêt des femmes à les connaître ;
 Démontrer que la pornographie renforce les stéréotypes sexistes et les rapports dominants/dominés ;
 Recueillir auprès des participantes des pistes de solution pour diminuer le phénomène de la pornographie.

Sommaire de la consultation

Cette consultation a été conduite par le Centre-Femmes de Beauce inc. auprès de 233 femmes âgées entre 15 ans et 69 ans. Cet échantillonnage a été réparti équitablement dans les MRC Beauce-Sartigan, Les Etchemins et Robert-Cliche, territoires desservis par le Centre-Femmes de Beauce Inc.

Si cette consultation visait plusieurs objectifs, le principal était de mesurer l’impact et les conséquences de la pornographie sur la vie personnelle et familiale des femmes des territoires ciblés. Elle se veut surtout un outil de réflexion sur la pornographie, ses impacts, sa perception par la population féminine des territoires visés et sur les moyens à mettre en place pour diminuer ses conséquences.

Dès le départ, on constate que les répondantes (78 %) affirment que la pornographie n’est " pas du tout " présente, ou " très peu ", dans leur quotidien. Ce qui ne signifie pas que le conjoint ne s’adonne pas à la pornographie à l’insu de leur conjointe. Par contre, près de la moitié d’entre elles (45 %) disent consommer ou avoir déjà consommé du matériel pornographique. Les plus jeunes (15 à 29 ans) sont proportionnellement (80 % contre 25 % pour les 50 ans ou plus), les plus nombreuses à l’avoir fait.

La majorité des répondantes (66 %) affirment avoir consommé que quelques fois durant la dernière année et ce, principalement pour le plaisir sensuel que ça leur apporte. Les films XXX sur vidéocassette (64 %) et à la télévision (56 %) sont les principales sources de consommation.

Par ailleurs, plus du tiers (37 %) des participantes disent se sentir mal à l’aise en présence de matériel pornographique alors que 22 % disent se sentir à l’aise. Également, près du tiers des femmes interrogées (31 %) se disent totalement intolérantes envers la pornographie, ce n’est pas le cas chez les plus jeunes. En effet, deux jeunes femmes sur cinq âgées entre 15 ans et 29 ans (37 %) tolèrent le phénomène.

Plus de la moitié des participantes ont aussi mentionné avoir eu connaissance qu’un ou plusieurs membres de leur famille consomment du matériel pornographique.

Pornographie et pressions du conjoint

La pression en lien direct avec la consommation de matériel pornographique (pression psychologique et/ou physique, rejet du conjoint ou autre) existe véritablement. De plus, 19 % des répondantes ciblées affirment avoir subi de la part d’un conjoint des pressions et 8 % disent avoir eu à poser des gestes contre leur gré ou qui les ont rendu mal à l’aise.

De plus, il ressort du sondage que la presque totalité des répondantes voient des impacts négatifs à la pornographie. En effet, on retrouve la violence (toutes formes confondues) au premier rang de ces impacts négatifs. Suivent dans l’ordre, l’exploitation, le dénigrement et l’humiliation et la vision de la femme objet comme produit de consommation. En outre, les trois quarts (74 %) des participantes croient qu’il existe un lien entre la pornographie et la violence.

Enfin, on constate une carence manifeste au niveau de la notoriété des lois et règlements qui régissent la pornographie. En effet, la très forte majorité des répondantes (plus de 90 %) n’ont que " peu ", voire " très peu ou pas du tout " de connaissance sur le sujet. Malgré ce manque de connaissance, près de 70 % des répondantes concernées estiment que les lois et règlements en cette matière ne sont pas suffisamment sévères. Aussi, 52 % d’entre elles se disent intéressées à en apprendre davantage.

Bref, si la pornographie fait partie des mœurs d’aujourd’hui, il est clair également qu’elle fait peur à un grand nombre de femmes. Cette industrie capitaliste est aussi une industrie patriarcale.

Selon les répondantes, il faut travailler à éliminer la pornographie de la même façon que l’on procède pour la drogue et l’alcool, c’est-à-dire par des lois et un encadrement plus sévères. De plus, il faut sensibiliser la population aux impacts néfastes de la consommation de pornographie, aux implications que sa consommation peut avoir pour les enfants, la famille et surtout les femmes.

Finalement, nous devons nous interroger sur la banalisation généralisée qui est faite de la pornographie.

La pornographie, une incitation à la violence sexuelle

Au cours des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, des psychologues, lors d’expériences en laboratoire, ont montré que la consommation de pornographie banalisait, chez les sujets exposés, le viol et stimulait l’agression (1). Une enquête réalisée à San Francisco, en 1978, selon un échantillon représentatif de la population féminine, estimait que 10 % des femmes avaient été "indisposées par des hommes qui, ayant lu quelque chose dans un médium pornographique, ont essayé de les amener à faire ce qu’ils avaient vu" (2). Ce pourcentage est une estimation minimale puisque de très nombreuses femmes peuvent ignorer que leur partenaire consomme de la pornographie. Selon la moitié des délinquants sexuels interviewés, la pornographie a joué un rôle précis dans leurs crimes. Une étude californienne du même type révélait que 57 % des délinquants sexuels interrogés ont pratiqué sur leurs victimes des actes vus dans des films pornographiques. Enfin, en France, l’anthropologue Daniel Welzer-Lang (3) a tiré des conclusions similaires à la suite de son enquête auprès d’hommes accusés de viol.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la pornographie n’est pas qu’une question de consommation. Les images pornographiques mises en vente sont réalisées à partir d’êtres humains qui en vivent, qui en souffrent et qui, pour certains, en meurent. La pornographie, c’est donc aussi une question de production. Là, nos connaissances sont également déficientes. Que sait-on des femmes, des hommes et des enfants qui sont utilisés comme main-d’oeuvre ? Que connaît-on des gens qui produisent la pornographie ? (4)

Notes


1. Richard Poulin, Le sexe spectacle, consommation, main-d’oeuvre et pornographie, Hull/Ottawa, Vents d’Ouest et Vermillon, 1994.
2. Richard Poulin, La violence pornographique, industrie du fantasme et réalités, Yens-sur-Morges, Cabédita, 1993
3. Micheline Carrier, La pornographie, base idéologique de l’oppression des femmes, Québec 1983
4. Richard Poulin, Le sexe spectacle, consommation, main-d’oeuvre et pornographie, Hull/Ottawa, Vents d’Ouest et Vermillon, 1994.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 6 décembre 2003.

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Centre-Femmes de Beauce


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