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La Cour supérieure du Québec rend un important jugement sur l’équité salariale

13 janvier 2004

par Nicolas Phébus

La Cour Supérieure du Québec a rendu un jugement historique, vendredi le 9 janvier, en invalidant le chapitre 9 de la Loi sur l’équité salariale qui avait permis à plusieurs employeurs d’être exemptés des obligations prévues par cette Loi. Les organisations syndicales sont unanimes : une grande victoire pour les femmes (SCFP), une victoire très importante pour les travailleuses du Québec (SFPQ), une belle victoire pour le mouvement syndical (FTQ), un jugement historique au plan social (CSN), etc.

De quoi s’agit-il ?

Le chapitre 9 de la Loi sur l’équité salariale permettait aux employeurs d’être dispensés d’une démarche d’équité salariale si leur entreprise pouvait prétendre avoir complété un programme d’équité ou de relativité salariale avant l’adoption de la loi, en novembre 1996. Lorsque la Loi a été adoptée, plusieurs employeurs ont affirmé qu’ils avaient déjà réalisé un programme d’équité ou de relativité salariale. La Commission d’équité salariale avait rapidement accepté des programmes inadaptés ou fictifs. Les organisations syndicales avaient été exclues de l’élaboration de ces programmes, et plus important encore, il leur était impossible de contester les décisions de la Commission. Plusieurs syndicats, dont la CSN et le SFPQ, avaient contesté ces dispositions légalement.

« Il suffisait pour un employeur de prétendre avoir fait une quelconque comparaison entre les emplois féminins et les emplois masculins pour recevoir l’aval de la Commission et être dispensé de réaliser un véritable exercice d’équité salariale. Aujourd’hui, la juge vient invalider ce recours des employeurs et annule les décisions rendues par la Commission de l’équité salariale », explique Claudette Carbonneau, la présidente de la CSN. En effet, dans sa décision, la juge Carole Julien a déclaré inconstitutionnelle et discriminatoire cette section de la Loi. « C’est une décision qui aura des conséquences positives pour des milliers de femmes au Québec. Nous avons maintenant la possibilité de bâtir de véritables programmes d’équité salariale », affirme Annick Desjardins, responsable du dossier de l’égalité au SCFP.

Une victoire légale

« Il s’agit d’une victoire totale pour le mouvement syndical, a déclaré René Roy, secrétaire général de la FTQ, avec ce jugement, il n’y a plus d’exception pour les employeurs ni de discrimination à l’endroit des travailleuses ». « Toutes les démarches entreprises par les employeurs visés par ce chapitre sont déclarées nulles. Cela veut dire que tous les employeurs qui avaient déposé des rapports de relativité ou d’équité à la Commission de l’équité salariale pour le 21 novembre 1998 devront refaire leurs devoirs. Ils devront réaliser l’équité salariale avec les travailleuses et les syndicats, tel que le prévoit le régime général de la loi », a expliqué le directeur québécois du Syndicat des employés et employées professionnels-les et de bureau (SEPB-Québec), Serge Cadieux. « C’est une très grande journée pour le droit des femmes. Il s’agit d’une victoire importante qui rétablit leur droit à la dignité et à l’égalité », a commenté la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau. Pour le SFPQ, il s’agit d’un grand jour qui s’inscrit dans le cadre d’une longue bataille menée par les femmes du Québec pour la reconnaissance de la valeur de leur travail.

Pour la FTQ et ses syndicats affiliés, il n’y a qu’une seule alternative responsable pour les employeurs : « Au lieu de pousser plus loin les recours juridiques, ils doivent s’asseoir avec nous pour régler une fois pour toute le dossier de l’équité salariale », a dit René Roy. La présidente de la CSN a pour sa part invité le gouvernement du Québec et l’ensemble des employeurs à compléter de véritables exercices d’équité salariale qui, en vertu de la loi, devaient être terminés au plus tard au 21 novembre 2001. « Deux ans plus tard, il serait particulièrement odieux de voir le gouvernement ou les employeurs contester ce jugement ».

Et l’équité dans le secteur public ?

Selon Michel Sawyer, président général du SFPQ, il s’agit d’une importante victoire pour les femmes du secteur public québécois qui pourront désormais compter sur les dispositions de la Loi sur l’équité salariale pour faire avancer ce dossier qui traîne en longueur depuis plus d’une quinzaine d’années. Pour Michel Sawyer, il ne fait nul doute que cette décision très attendue permettra de relancer les travaux d’équité salariale pour les travailleuses du secteur public québécois. « Depuis l’élection du 14 avril dernier, le rythme des travaux entrepris entre l’Intersyndicale et le gouvernement du Québec avait passablement diminué, et ce, malgré les belles promesses de Jean Charest et du Parti libéral. À partir d’aujourd’hui, le gouvernement ne pourra plus se cacher derrière le chapitre 9 de la Loi sur l’équité salariale pour prétendre qu’il s’est conformé aux prescriptions de la loi », a précisé M. Sawyer.

Anticipant peut-être l’éternel argument budgétaire, la juge déclare : « Un effort d’honnêteté serait nécessaire. Le Québec a ou n’a pas les moyens et la volonté de réaliser l’équité salariale. Par le régime général, le législateur a conclu que les employeurs, incluant le secteur public, ont les moyens d’assumer les coûts de l’équité salariale suivant les mesures imposées à tous les employeurs. Il ne peut prévoir une dérobade au moment de reconnaître des exercices antérieurs qui ne rencontreraient pas les mêmes exigences ».

Le gouvernement a six mois pour réécrire ce chapitre d’exception et le rendre conforme aux chartes. Il peut également décider de soumettre l’ensemble des femmes au régime général prévu à la loi. Grâce à ce jugement, c’est au-delà d’un demi-million de femmes qui pourront dorénavant obtenir un véritable droit à l’égalité. Le jugement de la Cour supérieure aura donc un impact sur des milliers de femmes, notamment les syndiquées du secteur public, des universités et du mouvement Desjardins qui, au Québec, est le principal employeur dans le secteur privé et le premier employeur de main-d’oeuvre féminine.

D’abord publié sur le CMAQ, le 9 janvier 2004. L’auteur a autorisé la reproduction de son article.

Mis en ligne sur Sisyphe le 10 janvier 2004.

Nicolas Phébus


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