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Incertitude sur les droits des femmes dans le « nouvel Irak »

janvier 2004

par AFP

(Bagdad) - Avec des déclarations quelque peu convenues sur « l’importance de la femme dans la société », trois représentants du Conseil de gouvernement irakien ont tenté mercredi d’apaiser les craintes de leurs concitoyennes, inquiètes de leur futur statut dans le « nouvel Irak ».

Voilées pour les unes, habillées à l’occidentale pour les autres, quelque 150 congressistes ont studieusement écouté les professions de foi des membres de l’exécutif, conviés par le « Groupe indépendant des femmes irakiennes » dans le cadre d’une conférence sur le statut et le rôle de la femme en Irak.

« Le but de cette conférence est de se rappeler au bon souvenir des législateurs », a déclaré d’emblée une porte-parole du groupe, Meyssoun al-Demlouchi, en ouvrant les travaux. « J’espérais que tous les membres du Conseil de gouvernement participeraient, mais ils ne se sont pas déplacés alors qu’ici nous avons des femmes venues de tout l’Irak », a-t-elle déploré.

Le président en exercice de l’exécutif, Adnane Pachachi, et deux autres représentants masculins, Dara Nourreddine et Nassir Chaderji, tous deux indépendants, ont accepté l’invitation.

Les femmes attendaient particulièrement des réponses sur une récente décision du Conseil de gouvernement, qui a abrogé le code de la famille en vigueur depuis 1959, considéré comme l’un des plus avancés des pays musulmans. La décision a été prise le 29 décembre dernier alors que le Conseil était présidé par le leader du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), Abdel Aziz al-Hakim, et revient à laisser de facto aux instances religieuses le soin de régler des questions comme le divorce, le mariage, la garde des enfants...

« C’est une régression terrible, ils essaient de nous faire revenir à l’âge de pierre », s’insurge Nidal Abdelamir, une congressiste voilée, tandis que Zakia Khalifa al-Zadi, une quinquagénaire communiste, se désole : « Je me suis battue toute ma vie pour l’égalité des sexes, j’ai eu beaucoup d’espoir à la chute du régime [de Saddam Hussein] et je constate que toutes les promesses sont trahies. » Pour Mme Zadi, qui a été emprisonnée sous Saddam Hussein, « le régime était très mauvais, mais le code de la famille était une bonne loi, et nous en étions satisfaites ».

Ce code rendait notamment la polygamie extrêmement difficile, accordait des droits à la mère pour la garde des enfants en cas de divorce, interdisait la répudiation et le mariage avant 16 ans, explique-t-elle. « Il est vrai que Saddam avait commencé progressivement à revenir sur ces mesures, mais si le code est abrogé, ce sont les religieux qui vont gérer nos affaires. » « Nous voulons participer à l’écriture des lois qui vont diriger ce pays », ajoute Khawla Zaidan, une dentiste « issue de la bourgeoisie ».

Interrogé en marge des débats, M. Pachachi se démarque de la décision du Conseil de gouvernement : celle-ci « ne reflète pas les vues de tous » les membres de l’exécutif, souligne-t-il, rappelant que la loi n’a pas été promulguée et que de nouvelles discussions se tiendront à ce sujet.

« Nous devons nous opposer fermement à tous ceux qui veulent réduire les droits de la femme », a dit Nassir Chaderji à la tribune avant de proclamer, comme ses deux homologues du Conseil de gouvernement, « l’importance et le rôle de la femme » dans la société et de promettre que les femmes seront représentées aux instances du pouvoir.

Par ailleurs, trois femmes font pour la première fois partie du conseil municipal de Kirkouk et le nombre d’Arabes nommés en son sein a sensiblement augmenté, la coalition emmenée par les États-Unis tentant ainsi de réduire les tensions ethniques qui agitent cette ville du nord de l’Irak.

AFP, édition du vendredi 16 janvier 2004

Mis en ligne sur Sisyphe, le 16 janvier 2004

AFP


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