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Un voile peut en cacher un autre

octobre 2001

par Micheline Carrier

Je me suis sentie mal à l’aise en écoutant le reportage de Céline Galipeau voilée. Je comprends que la journaliste de Radio-Canada ait eu de bonnes raisons d’agir de la sorte. Ce geste témoigne néanmoins que la communauté concernée n’a pas beaucoup d’ouverture d’esprit, ni de respect d’autrui, ni de tolérance. Un homme étranger n’a pas à y modifier sa tenue vestimentaire pour accomplir son travail. C’est donc la condition des femmes qui fait problème.



Il y a deux mois, les talibans ont interdit aux femmes étrangères, qui travaillaient pour des organisations humanitaires en Afghanistan, de conduire une voiture. Motifs ? On pouvait voir leurs bras et leur visage par la fenêtre de la portière, c’était un mauvais exemple pour les femmes afghanes. Dans ce pays désorganisé, les employées des groupes humanitaires ne peuvent faire leur travail sans voiture, ce qui devrait satisfaire les talibans puisque ce sera un mauvais exemple de moins. En effet, ces dictateurs interdisent aux femmes de travailler au risque, pour plusieurs, de crever de faim avec leurs enfants.

Entre le foulard que s’impose Céline Galipeau et celui que les talibans imposent aux Afghanes, la différence tient à la taille du tissu. La signification est la même : le déni aux femmes de la liberté la plus élémentaire. Je n’ai rien contre le fait qu’une femme se coiffe d’un voile, d’un béret, d’une casquette, d’un turban ou de n’importe quoi d’autre, SI C’EST SON CHOIX, et si elle ne risque pas la mort lorsqu’elle décide d’aller tête nue.

Jusqu’où peut-on se soumettre à des lois discriminatoires sans cautionner l’odieuse persécution des femmes dans le monde ? Et si la prochaine étape était d’interdire aux étrangères de sortir sans leur mari ou de parler à des hommes ou simplement de les regarder ? Et l’étape suivante, de les empêcher de travailler ? Pour les islamistes, ce doit être une victoire de constater que des étrangères se soumettent à leur loi. Mais pour les femmes qui cherchent à se libérer du joug quotidien de cette loi, c’est une défaite.

La condition des femmes quelque part au monde semble bien liée à la condition des femmes à l’échelle de la planète. J’ai des frissons à la pensée que le fondamentalisme islamique puisse être contagieux au point d’influencer tous les fondamentalismes du monde, y compris celui qui s’exprime de temps à autre au Canada. Ce sont les femmes les premières qui en feraient les frais.

Montréal, 6/10/01

Micheline Carrier


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