|
mercredi 11 mars 2020 "La porno est entrée dans les moeurs"
|
DANS LA MEME RUBRIQUE Les femmes et… trois petits points Quand le sexe prit le pouvoir Abolir la prostitution ? Non : Abolir le proxénétisme Prostitution, système proxénète et liberté : des concepts à définir Prostituées et hétaïres L’abolitionnisme, aujourd’hui et demain Les relations entre "la traite des êtres humains" et le proxénétisme Elle est libre Pour construire l’abolitionnisme du XXIe siècle Abolir la prostitution |
« La porno est entrée dans les mœurs »>
"Le Monde" (1) Ce texte ne peut être que difficile, voire impossible à lire. Je le comprends. J’aimerais simplement suggérer aux personnes qui ne pourront/voudront pas en supporter la lecture, qu’elles pensent peut-être un instant que des millions d’autres femmes - moins sensibles qu’elles ? - vivent dans leur chair tous les jours ce qui est écrit ici. Ce texte a été rédigé à partir de notes prises pendant deux jours et demi - sans accès à aucun site payant, en tapant sur les rubriques : « sexe » et « pornographie » - sur les premiers sites pornographiques qui me sont tombés sous les yeux. Il s’agit donc d’une goutte d’eau - aléatoire - sur les milliers de sites pornos, accessibles, pour pas un sou, à n’importe qui est connecté. Chaque ligne de ce texte est - de manière édulcorée - soit la retranscription, soit la description de ce que j’ai vu et lu sur ces sites : lorsqu’il s’agissait d’écrits, ils étaient toujours accompagnés de photos, extraites ou non de films ou de vidéos, représentant des femmes concrètes et des hommes concrets. Il importe aussi de savoir que sur ces sites, les vidéos peuvent être proposées « par tonnes », les photos, « par milliers » ; les « filles », « par centaines » ou : « tous les jours renouvelées » (2). Au terme de ce travail, j’éprouve le besoin de clarifier pourquoi je l’ai écrit et ce que son écriture m’a apporté. Ce texte trouve son origine et s’explique par plusieurs colères : * La première fut provoquée par la lecture de l’article du Monde sus-cité, le 4 novembre 2004. * La seconde le fut par la découverte de la loi du 18 mars 2003 « pour la Sécurité intérieure », qui modifie le droit pénal français et pose qu’il est désormais plus grave de violenter, violer, agresser une personne du fait de son ’orientation sexuelle’ que du fait de son ’sexe’ (3). * La troisième, dans la suite de la précédente, trouve son expression dans le vote de la loi du 30 décembre 2004 « portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité », qui, dans son titre III, intitulé : « Renforcement de la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe » :
* Ces colères ont encore été renforcées par la lecture de deux articles du « dossier Prostitution » constitué par Afrik.com : « Les nouvelles formes de pornographie africaine » (4) et « Lolita : Son calvaire commence à Benin City » (5). Que m’a apporté l’écriture de ce texte ? Grâce à elle, j’ai mieux compris deux choses :
Que les Etats, les proxénètes, les institutions internationales, la presse se taisent sur la gravité de la pornographie, ne la critiquent que concernant ses supposés « excès », ne la dénoncent que si elle concerne les enfants, ne l’analysent qu’en termes de « vice », de « perversion », d’« obscénité », de « déviation », d’« indécence », de « moeurs » et, dorénavant, la légitiment, sans état d’âme, est compréhensible : ils défendent leurs intérêts. Mais je ne comprends toujours pas comment et pourquoi tant d’hommes et des femmes se targuent de défendre, de vanter le bien- fondé de cette abjection. Quoi qu’il en soit, le monde aujourd’hui, le monde de demain est aussi celui qui est, ici, vanté, vécu, mis en oeuvre : le monde de « la porno ». Tant qu’il sera légitime, tant qu’il sera légal, aucune lutte contre les propos et les actes violents n’aura de sens. M.-V. L. Dans la porno Les femmes avalent, les hommes décident Les femmes sont des trous, les hommes sont sans pitié Dans la porno Les femmes sont soumises, les hommes sont les chefs Les femmes sont des putains, les hommes, des saligauds Dans la porno Les femmes acceptent tout, les hommes ont toujours plus Les femmes sont des bonasses, les hommes, des brutes épaisses Dans la porno Les femmes sont des expertes, les hommes les auditionnent Les femmes sont très dociles, les hommes, des pervers graves Dans la pornographie Les femmes sont en manque, les hommes remplissent les trous Les femmes sont des fourre-tout, les hommes, des machines à baiser Dans la pornographie Les femmes se taisent, les hommes admirent leur harem Les femmes sont des pouffiasses, les hommes, de vrais malades Dans la pornographie Les femmes font tout pour du fric, les hommes n’ont peur de rien Les femmes sont des sales garces, les hommes, des gros cochons Dans la porno Les femmes aiment la défonce, les hommes aiment leur faire mal Les femmes sont des chiennes en chaleur, les hommes, des singes en rut Dans la porno Les femmes sont ravagées, les hommes rentrent partout Les femmes sont des lécheuses d’anus, les hommes, des bouffeurs de cons Dans la pornographie Les femmes sont brûlées à la cire, les hommes les marquent au fer Les femmes sont des déchets, les hommes, des psychopathes Dans la pornographie Les hommes ne perdent pas de temps en préliminaires, bousculent les femmes, histoire de les décider, les prennent, les agrippent, leur tirent les cheveux, les giflent, les frappent, les violent. Les hommes baratinent, bâillonnent, n’entendent pas, ne répondent pas aux femmes, n’en ont rien à foutre de ce qu’elles pensent, disent, manifestent ou expriment. Les hommes passent leur temps à leur mettre, leur enfoncer des sexes, des gods, toujours géants, monstrueux, dans tous les trous, toujours plus loin, toujours plus fort ; ils passent en force, martèlent, culbutent les femmes, rentrent partout où ils le peuvent, leur doigt, leur main dans le vagin, dans l’anus, à un, à deux et plus. Plus c’est violent, meilleur c’est. Les hommes prennent, testent, inspectent, matent, vérifient, enfoncent, plantent, perforent, dilatent les femmes, seuls ou à plusieurs, ensemble, ou à tour de rôle. Plus ils sont nombreux à pénétrer une femme, plus celle-ci est satisfaite. Les femmes sont clouées au sol, retenues par des chaînes, ont des harnais dans la bouche, sont coiffées de masques à gaz, ont des poids au bout des seins, des lèvres de leur sexe, sont flagellées, subissent toutes les ignominies. Les femmes poussent des cris déchirants, crient, hurlent, gémissent de terreur, de douleur ou de plaisir, « Peu importe », là n’est pas le problème :« Elles adorent ça, les salopes », « C’est bon pour elles ». Dans la pornographie Les hommes attaquent, attachent, bombardent, défoncent, démolissent, détruisent, dressent, éclatent, endommagent, étouffent, explosent, humilient, noient, transpercent, ravagent, souillent les femmes. Jusqu’à ce qu’elles n’en puissent plus. Jusqu’à ce qu’elles soient finies. Dans la pornographie Les femmes sont achevées, détruites, massacrées, torturées, assassinées. Les hommes font faire par d’autres femmes ce qu’ils ne peuvent, ne veulent, n’osent pas faire eux-mêmes. Dans la pornographie, l’amour, la bonté, la compassion, la culture, l’empathie, la grandeur, la pitié, la pudeur, le respect, la sensibilité, le sentiment, la tendresse, le scrupule n’existent pas. Il n’y a ni conscience, ni esprit, ni libération, ni loi, ni morale, ni pensée, ni raison. La pornographie, c’est la barbarie, la bestialité, la brutalité, la cruauté, la force, la grossièreté, la lâcheté, le mépris, la peur, le sadisme, la torture, la violence, la veulerie. C’est l’expression, le sentiment, la jouissance, la réalité, la mise en œuvre du pouvoir. À la portée de tous. Ouvert aux femmes. Démocratisé. Dans la pornographie, tout est permis. La pornographie, c’est le droit du plus fort, c’est la domination du pénis fait arme, c’est la haine, c’est la guerre, c’est la mort (6). Notes 1. Cette phrase est le titre d’un article du "Monde" du 4 novembre 2004. Il est inséré dans la page Médias consacrée aux vingt ans de Canal Plus. Présenté sans guillemets ni sous titre, il confère à cette affirmation - reprise d’une citation de Brigitte Lahaie, « ex-star du porno, animatrice sur RMC-Info » reproduite dans le texte lui même - un statut de tranquille évidence. – Le site de Marie-Victoire Louis Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 janvier 2005. |