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dimanche 23 juin 2002

Encore un bel automne tout doux

par Micheline Carrier






Écrits d'Élaine Audet



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Encore un bel été derrière nous. Le frais et le chaud se renvoient la responsabilité du fond de l’air automnal.

Il fait un temps splendide. J’ai cru que les plantes du balcon n’avaient plus besoin de mes soins et j’ai cessé de les arroser. Les pétunias ont été les premiers à s’incliner devant leur sort, les impatientes les suivront bientôt, j’imagine que les gloires du matin et les haricots d’Espagne feront de même.

Photo : Céline Blondeau

Ah ! je me trompe. Les gloires du matin, fières et déterminées, n’entendent pas s’éteindre doucement sans protester. En dépit de leurs feuilles fanées, elles continuent de présenter leurs belles et grandes fleurs bleues à la lumière d’octobre et à mon émerveillement matinal. Je me sens un peu coupable et je recommence à les arroser. Les haricots d’Espagne résistent également. Une exceptionnelle récolte alourdit leurs tiges et peut-être aimeraient-ils ne pas l’avoir produite pour rien.

Une infime partie de ces belles grosses fèves me sera nécessaire pour les semis du printemps prochain. Tout de même, je cueillerai tout et donnerai le reste à qui le veut. Après tout, ils ont donné généreusement, je me sentirais mal à l’aise de gaspiller le fruit de leurs efforts.

Un vrai bel automne qui succède à un été exceptionnellement chaud. Mais un automne assombri par la guerre. On a beau se faire croire que cette guerre ne nous concerne pas, la réalité reprend vite le dessus. Cette guerre nous concerne toutes et tous, même si elle a été décidée en-dehors de nous et pour des intérêts autres que ce qu’il paraît. Même si elle se joue à des milliers de kilomètres de moi, elle me dérange. Je ne peux pas faire semblant qu,elle n’existe pas et l’éliminer de mes conversations. Mes chroniques s’en ressentent, également, je pourrais presque les intituler « chroniques de guerre ».

Il s’agit d’une guerre stupide, je pense que toutes les guerres le sont. Je ne vois pas de logique à bombarder un pays ravagé déjà par vingt-deux ans de guerre. Même si on frappait l’Afghanistan jusqu’à ce qu’il n’y reste plus un seul édifice ni un seul être humain, le terrorisme international ne serait pas mort pour autant. Où qu’ils soient dans le monde, les nombreux réseaux terroristes ne seront pas désarmés par cette guerre et les bombardements feront d’inutiles et innocentes victimes. Je ne crois même pas que la capture de Ben Laden et la lutte au terrorisme soient les motifs principaux des bombardements américains en Afghanistan.

En lisant les analyses des journaux européens, moins lèche-bottes que les nôtres vis-à-vis des États-Unis, j’ai fini par penser que le premier objectif des États-Unis est le pétrole de la région. La lutte au terrorisme est une cause-prétexte. Le livre « Ben Laden. La vérité interdite », publié en France à la mi-novembre 2001, révèle des faits qui ne me surprennent pas du tout. Les États-Unis avaient déjà envisagé une action militaire en Afghanistan, avant les attentats du 11 septembre 2001, à la suite des échecs de négociations qu’ils ont menées avec les talibans à la demande des multinationales pétrolières qui ont investi des milliards dans la région tant pour l,exploitation que pour l’acheminement du pétrole. Elles voudraient ne pas perdre leurs mises à cause de l’instabilité politique, des rivalités ethniques et du régime terroriste taliban en Afghanistan. Obéissant, le président américain a donc demandé au FBI de freiner ses enquêtes sur le réseau Al-Qaida et le terrorisme international afin de ménager la susceptibilité d’interlocuteurs, comme l’Iran et l’Arabie saoudite. Les auteurs du livre, Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, des experts dans le renseignement, estiment que les attentats sont la conséquence de l’échec des négociations avec les talibans.

Comment peut-on négocier avec des sanguinaires qui exécutent des gens en public, séquestrent les femmes dans leurs maisons et leur interdisent tout ? En dépit de leurs discours vertueux, les dirigeants occidentaux ont toujours privilégié les intérêts économiques de leurs pays au détriment des droits humains. Je crains que le sort des femmes ne soit même pas pris en considération dans le processus de négociation pour instaurer un nouveau gouvernement en Afghanistan. Les États dont les intérêts économiques sont en cause se laveront les mains de ce qui pourrait arriver aux femmes afghanes, à moins que la communauté internationale exerce une énorme pression sur leurs dirigeants.

C’est pourquoi j’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie à rassembler de l’information et à créer des pages web sur les femmes en Afghanistan afin de sensibiliser et de susciter des pressions auprès du gouvernement canadien et de l’ONU. Je constate que la passivité, sinon l’indifférence, est difficile à ébranler. Pourtant, on sait que les gouvernements ne bougent que sous les pressions. C’est le groupe qui fait le plus de pressions qui l’emporte. Aux États-Unis, ce sont les multinationales du pétrole. Au Canada, dans le dossier OGM par exemple, c’est l’industrie qui a gagné contre l’étiquetage à cause de la passivité des consommateurs et des consommatrices. En Europe, c’est le contraire parce que la population s’en est mêlée. Les médias de masse ont ignoré le texte d’information que j’avais proposé sur le statut des femmes afghanes dans l’après-talibans. En fait, depuis les attentats du 11 septembre, les médias ont discuté abondamment de tout, sauf du sort des femmes afghanes. Une ou deux phrases au détour d’un paragraphe dans quelques articles, un article du Nouvel Observateur, c’est à peu près tout. Enfin, j’ai essayé. Ce n’est pas complètement inutile puisque d’autres sites web et une revue ont fait écho à mon texte. Les idées vont faire leur chemin.

ET LA VIE EST BELLE À MALGRÉ TOUT !

Mes façons d’appréhender le monde et l’actualité ne trouvent plus guère de place dans les médias traditionnels, mais j’éprouve liberté et satisfaction à m’exprimer dans cet espace électronique que je meuble au gré de mes humeurs et de mes préoccupations. J’y revendique tous les tons et tous les styles. Je n’aime pas beaucoup être circonscrite, encore moins conscrite, à un seul style. Tantôt je m’adresse davantage au cœur, tantôt à l’esprit, tantôt à l’intellectuel, tantôt à la conscience sociale. Je veux m’indigner, me fâcher, m’amuser, me réjouir, critiquer, rire et pleurer quand cela me chante. Je suis évidemment intéressée à ce qu’on me lise, mais les sentiments de satisfaction et de liberté naissent d’abord du plaisir d’écrire. Être lue ajoute à ce plaisir.

Dans mon lieu virtuel, des textes plus intimistes côtoient des articles critiques, l’humour voisine parfois l’engagement social, l’indignation fait parfois place au sourire. J’y exprime des émotions, bien sûr, mais je ne me livre pas à une introspection de type psychanalytique qui décortique les émotions jusqu’à leurs présumées causes lointaines. Je peux le faire pour moi-même, dans la vie privée, mais ce n’est pas dans mon tempérament de jeter mes tripes sur la place publique. Les émotions sont souvent à l’origine de ce que j’écris et il est fréquent qu’elles aboutissent à l’action. C’est parfois un moyen plus ou moins conscient de m’en libérer. Par exemple, c’est parce que j’ai été bouversée par le sort des femmes afghanes que j’ai écrit sur le sujet et essayé de faire réagir.

On dit parfois que travailler sur soi contribue davantage à amélioration du monde. Je veux bien, et la maladie me procure chaque jour l’occasion de travailler sur moi-même. Mais je ne vois pas ce que travailler sur moi peut donner aux femmes afghanes, pour ne nommer qu’elles parmi les malheureux de ce monde ? Pourquoi aussi travailler sur soi empêcherait-il de s’intéresser au sort d’autrui ? Cette croyance ne fournirait-elle pas parfois le prétexte du non-engagement social et politique ? Si travailler sur soi n’aboutit jamais qu’à soi, à quoi bon ? Est-ce là le but de la vie ? Je pense que je travaille sur moi quand je me distancie de ma personne et de mes petits problèmes pour m’intéresser au monde dans lequel je vis et essayer de le comprendre. Je me sens solidaire de l’humanité, j’ai été tricotée ainsi, le grand défi a toujours été de ne pas me laisser trop ébranlée par les malheurs du monde, mais je ne cherche pas à y devenir indifférente.

Le monde entier m’attriste, certains jours, non seulement l’indifférence ou la passivité face à un esclavage qui se produit depuis cinq ans au vu et au su de l’humanité. Parfois, je me sens comme le misanthrope de Molière. C’est le carcan économique,m qu’on impose à la réflexion, qui me pèse le plus. C’est cette tendance de tout évaluer à l’aulne de l’économisme, quel que soit l’événement. On croirait que les êtres humains modernes se perçoivent comme des machines à produire et à acquérir des biens. La guerre - on y revient - éclate souvent quand les biens des uns entrent en conflit avec les biens des autres, ou encore, quand plusieurs individus ou groupes convoitent les mêmes biens. La compassion, l’entraide, le respect des droits, la justice, l’équité, l’engagementla connaissance, l’esprit, le coeur, on passe pour naïf ou angélique quand on veut leur donner l’importance qu’ils méritent.

À d’autres moments, toutefois, ce monde m’enthousiasme. Je l’apprécie, je trouve qu’il donne beaucoup. Encore ce matin, tenez, c’est la musique, cet antidote universel, qui attise l’appétit de vivre. Et c’est encore « L’Échappée belle » qui chasse ma morosité. Musique et propos réjouissants de Carole Trahan. Elle vient de raconter une histoire qui m’a fait sourire. (Les chats ont tout de suite senti le changement de mes états d’âme et, curieux, se sont rapprochés. Braves félins !) Je ne résiste pas à répéter cette histoire en essayant d’être le plus fidèle possible à l’esprit sinon à tous les mots.

Un jour, Ève va voir Dieu et lui dit : « Écoute Dieu, j’ai un problème ». « Ah oui ? Lequel ? » « J’aime bien le grand jardin que tu m’as donné, c’est joli, mais j’en ai assez des pommes et tout. Je me sens seule. » « Ah bon... Alors, je crois pouvoir résoudre ton problème, dit Dieu. Je vais créer un homme pour te tenir compagnie. » « Un homme ? Mais qu’est-ce que c’est ? », reprend Ève. « C’est un être qui sera plus fort et plus grand que toi, mais qui aura besoin de ton aide et de tes conseils pour traverser la vie. Il sera imparfait, vaniteux, se mettra sans cesse en valeur, voudra toujours avoir raison, s’intéressera à des futilités comme se battre, frapper sur un ballon, etc. Imparfait, certes, mais enfin, tu ne seras plus seule. C’est ce que tu veux, non ? Je te pose une seule condition. » « Oui, laquelle ? ». « Ne dis pas que tu as été créée avant lui. » « D’accord. » « Ce sera notre secret, dit Dieu, tu sais, entre femmes... ».

Et la vie est belle malgré tout !

Lien suggéré : Mon coin de jardin

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Micheline Carrier
Sisyphe

Micheline Carrier est éditrice du site Sisyphe.org et des éditions Sisyphe avec Élaine Audet.



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