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mardi 21 juin 2005

À l’unanimité, l’Assemblée nationale du Québec rejette les tribunaux islamiques au Canada
Allocutions des députées Fatima Houda-Pepin, PLQ, et Jocelyne Caron, PQ






Écrits d'Élaine Audet



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Le 26 mai 2005, l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité une motion rejetant sans équivoque l’instauration de tribunaux islamiques en droit de la famille au Québec et au Canada. De plus, cette motion a été acheminée à toutes les législatures provinciales du Canada. La députée libérale Fatima Houda-Pépin, elle-même de confession musulmane, est à l’origine de cette motion. Voici l’allocution qu’elle a livrée à l’Assemblée nationale, suivie de celle de sa collègue péquiste Jocelyne Caron.

***

Une stratégie pour isoler la communauté musulmane

par Fatima Houda-Pépin, députée du Parti libéral du Québec dans le comté de La Pinière

Aujourd’hui, l’Assemblée nationale du Québec parle d’une seule voix pour dire non à l’implantation des tribunaux dits islamiques au Québec et au Canada. C’est la réponse que les parlementaires souhaitent donner à la revendication de certains groupes qui tentent de soustraire les musulmans aux lois canadiennes et québécoises.

Cette revendication a donné lieu à un rapport de l’ancienne ministre déléguée à la Condition féminine, Marion Boyd, mandatée par le Procureur général de l’Ontario pour examiner cette question sous l’angle de la Loi sur l’arbitrage. Les conclusions de ce rapport, déposé le 20 décembre 2004, sont pour le moins troublantes. Le problème qui est posé ici nous renvoie, M. le Président, à l’application de la charia dans un contexte non musulman, une revendication poussée par des groupes minoritaires qui se servent de la Charte des droits pour s’attaquer aux fondements mêmes de nos institutions démocratiques.

Pourtant, la Charte canadienne stipule clairement que « la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi ».

Les victimes de la charia, M. le Président, ont un visage humain, et ce sont les femmes musulmanes. Pas étonnant qu’elles aient réagi vivement au rapport Boyd. Souhaitons que leur voix trouvera une meilleure écoute auprès du Procureur général de l’Ontario, qui doit disposer de ce rapport.

Pas une affaire religieuse

L’implantation des tribunaux dits islamiques au Canada n’est pas une affaire de liberté religieuse ni d’accommodement raisonnable. Les musulmans sont des citoyens à part entière, qui jouissent des mêmes droits et des mêmes obligations que l’ensemble des Canadiens. Ils ont le loisir de bâtir leurs mosquées et de gérer leurs écoles musulmanes, dont certaines sont financées à même les fonds publics. D’ailleurs, la première mosquée à avoir été construite en Amérique du Nord l’a été au Canada, la Mosquée Al Rashid, à Edmonton, en 1938. Au Québec, la mosquée de Markaz al Islam a été constituée par une loi de l’Assemblée nationale, adoptée en août 1965, il y a précisément 40 ans.

Les membres de la communauté musulmane, dont la présence au Canada remonte à 1871, font des efforts considérables pour s’intégrer malgré les stigmates et les amalgames dont ils font l’objet. La nouvelle génération de jeunes musulmans est particulièrement prometteuse, avec un niveau d’éducation parmi les plus élevés au Canada. Or, ces efforts d’intégration consentis par des dizaines de milliers de musulmans sont anéantis par une mouvance islamiste minoritaire mais agissante qui cherche à imposer son système de valeurs au nom d’une certaine idée de Dieu.

Pourtant, l’islam est une religion laïque, c’est-à-dire une religion sans clergé, sans intermédiaire entre Dieu et les croyants, une religion où les imams sont de simples guides de prière qui n’ont aucun statut sacerdotal et encore moins une compétence juridique reconnue. Or, depuis plusieurs années, le Canada est le théâtre de luttes intenses pour le contrôle de la communauté musulmane.

Une stratégie pour isoler la communauté musulmane

L’application de la charia au Canada participe de cette même stratégie qui vise à isoler la communauté musulmane afin de la soumettre à une vision archaïque de l’islam, une vision dont les islamistes sont à la fois les idéologues, les propagandistes, les financiers et les opérateurs.

Peut-on justifier l’application de la charia au Canada quand, dans les pays musulmans, les groupes de la société civile réclament son abrogation pour en finir avec la discrimination faite aux femmes ? Réclamer l’application de la charia au Canada est un véritable coup de force qui vise à saper l’une des assises fondamentales de notre démocratie : notre système de justice. Elle divise et fragilise une communauté musulmane déjà durement éprouvée par les aléas de l’actualité internationale.

Le contexte de cette revendication

Rappelons le contexte de cette revendication. L’idée d’implanter des tribunaux dits islamiques a vu le jour, au Canada, il y a une quinzaine d’années, sous l’impulsion de la Rabita al-Islamya, la Ligue islamique mondiale, une organisation qui a son siège social en Arabie Saoudite. La Ligue islamique mondiale avait financé, en août 1991, une rencontre à Washington, à laquelle ont participé des imams des États-Unis et du Canada, notamment de Montréal, de Toronto, de Mississauga, de London, Ontario, d’Edmonton et de Vancouver. Le thème de cette rencontre : élaborer des stratégies pour introduire la charia au Canada et aux États-Unis.

Deux axes d’intervention on été définis : d’abord, convaincre les musulmans du Canada de se soustraire aux lois séculières, considérant qu’il n’y a qu’une seule souveraineté, la souveraineté de Dieu. Arafat Al-Ashi, alors directeur de la Ligue islamique mondiale à Toronto, avait affirmé, et je cite : « Aucun musulman ne peut prétendre à ce titre s’il ne peut appliquer cette loi[...], sinon il est considéré comme non croyant. »

Le deuxième axe d’intervention visait le lobbying des élus et des partis politiques afin de susciter leur appui à l’implantation des tribunaux dits islamiques. Le Canada avait été ciblé comme étant le pays où les islamistes estimaient avoir les meilleures chances de mener à bien ce projet à cause des garanties constitutionnelles dont jouissaient les minorités en termes de chartes de droits et de lois sur le multiculturalisme. De plus, si la charia était appliquée au Canada, elle servirait comme un puissant symbole pour décourager les pays musulmans qui cherchent à moderniser leurs codes juridiques. L’un des arguments évoqués par Arafat Al-Ashi touchait les nations autochtones, alléguant qu’ils avaient leurs propres systèmes de justice, alors pourquoi pas les musulmans ?

Le comité de suivi issu de cette rencontre a été placé sous la direction d’un personnage aux convictions inébranlables, un avocat qui avait travaillé au bureau du Procureur général de l’Ontario, et considéré comme un expert en matière des lois et des chartes des droits prévalant au Canada. Il s’agit de Syed Mumtaz Ali, également président de la Canadian Society of Muslims, qui a déclaré à un journaliste de Toronto, en septembre 1991, et je cite : « Le divorce est un droit divin accordé au mari. En Islam, le mariage est un contrat civil[...]. Une fois le mariage brisé, le contrat est terminé, le mari n’est pas responsable [de] son épouse. »

En parlant des imams, à qui la législation canadienne reconnaissait le statut de célébrants des mariages et qui étendent ce pouvoir à la pratique du divorce, Syed Mumtaz Ali n’y voyait aucun problème, affirmant, et je cite : « Tout comme vous avez accepté les mariages religieux, acceptez les divorces religieux ».

Dès que ce débat a rejoint la communauté, la réaction ne s’est pas fait attendre. Face à l’opposition manifeste, les promoteurs du projet ont décidé d’effectuer un recul stratégique, un repli stratégique qui a duré à peine 15 ans avant que ce même Syed Mumtaz Ali ne revienne hanter la communauté musulmane à l’automne 2003.

Fort de son expérience, il est résolu cette fois à ne pas répéter les erreurs du passé. Il s’est appliqué à banaliser, soigneusement et au maximum, la portée du tribunal dit islamique. Tout est fait pour ne pas choquer l’opinion publique. On évite même de prononcer le terme « charia ». On met de l’avant des femmes musulmanes qui chantent les vertus de la médiation familiale version islamiste. On invoque également les tribunaux rabbiniques pour illustrer la soi-disant discrimination faite aux musulmans. On va même jusqu’à mettre en veilleuse la polygamie, alors qu’elle se pratique bel et bien au Canada.

Sayed Mumtaz Ali, aujourd’hui à la tête de l’Islamic Institute of Civil Justice, a décelé une faille, dans la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario, qui lui a permis de s’y glisser habilement, réclamant rien de moins que l’implantation des tribunaux dits islamiques au Canada. Or, qui dit tribunal islamique dit charia, la loi qui a été élaborée entre le VIIIe et le XIIe siècle et qui porte sur des matières civiles, pénales, criminelles et internationales.

Une multitude de codes juridiques

Dans un cadre de référence global comme celui-ci, plusieurs codes juridiques se sont greffés à cette toile de fond. Il y a donc autant de codes juridiques qui s’inspirent de la charia que de pays musulmans. Quel est le code juridique qui va prévaloir au Québec et au Canada ? Celui du Pakistan, où, au nom de la charia, une femme violée doit faire la preuve, par la corroboration de quatre témoins masculins, qu’elle a réellement été victime de viol, sinon elle s’expose à la flagellation ? Celui du Nigeria, où, au nom de la charia, des femmes musulmanes ont été condamnées à la lapidation pour avoir eu des relations sexuelles hors mariage ? Celui du Soudan, où, au nom de la charia, on a coupé les mains et les jambes de centaines de personnes soi-disant pour lutter contre le vol ? Celui de l’Iran, où, au nom de la charia, les hommes peuvent s’offrir autant de femmes qu’ils le désirent par le biais de Jawaz al-Mutaa, le mariage du plaisir ? Ou celui de l’Arabie saoudite, où, au nom de la charia, les femmes n’ont même pas le droit de conduire leur propre voiture ?

Autre question cruciale : Quelle est l’autorité juridique reconnue de l’ensemble des musulmans qui sera responsable de l’application de la charia au Canada ? Le marché est ouvert et il est très lucratif. Chose certaine, dans l’Islam, il y a cinq écoles juridiques autorisées, quatre sunnites et une chiite. Laquelle sera accréditée au Canada ?

Danger d’institutionnaliser des pratiques contraires aux règles musulmanes

Fins stratèges, Sayed Mumtaz Ali et les groupes islamistes qui le supportent aiment bien ramener leur revendication à une simple affaire de médiation familiale. Si tel était le cas, pourquoi implanter des tribunaux quand on sait que la médiation familiale dans les pays musulmans n’est ni juridique ni institutionnelle ? Elle se pratique depuis des siècles à l’intérieur même de la famille. Pourquoi alors judiciariser la médiation familiale dans une religion qui ne la prévoit même pas ? Quel intérêt cherche-t-on à défendre ?

La réalité, c’est qu’au Canada, le pays de la Charte des droits, la répudiation et la polygamie se pratiquent déjà à l’abri des autorités judiciaires. Ce que ces tribunaux dits islamiques vont faire, c’est institutionnaliser ces pratiques qui sont contraires à nos règles de droit. Un imam, par exemple, qui est autorisé par les lois canadiennes à célébrer les mariages, doit savoir que ce pouvoir délégué ne l’autorise pas à faire des actes de divorce. Il faut fermer la porte à ces pratiques au lieu de les encourager.

Ce n’est pas parce qu’une pratique soi-disant religieuse est mise en place au sein d’une communauté qu’il faut la reconnaître et l’homologuer par notre système de justice, un système qui est certes loin d’être parfait mais qui demeure perfectible. Au contraire, nous avons le devoir de protéger les personnes les plus vulnérables, celles qui sont victimes de l’arbitraire et des abus. C’est à ces dérives que nous devons nous attaquer, car ce qui est en cause ici, ce n’est pas seulement les affaires des femmes ou des communautés musulmanes, c’est le fondement même de nos assises démocratiques, qu’il faut protéger. Permettre l’application de la charia au Québec et au Canada reviendrait à remettre en question tous les acquis que nous avons réalisés collectivement, depuis les 50 dernières années, en termes d’égalité, de justice et de droits de la personne.

À cet effet, je tiens à saluer le leadership du vice-premier ministre et député de Saint-Laurent qui, lorsqu’il était ministre de la Justice, n’a pas hésité, au nom du gouvernement, à fermer la porte à toute tentative d’implantation des tribunaux dits islamiques au Québec, position qui a été réitérée, ce matin même, par le premier ministre du Québec. En affirmant haut et fort notre opposition à l’application de la charia au Québec et au Canada, l’Assemblée nationale écrit une page d’histoire et fait preuve d’un leadership qui mérite d’être suivi par les autres législations, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde occidental. Fatima Houda-Pépin, députée libérale de La Pinière

*****

Une seule justice et solidarité avec les femmes musulmanes

par Jocelyne Caron, députée du Parti québécois dans le comté de Terrebonne

M. le Président, c’est avec beaucoup de conviction que je présente, avec ma collègue de La Pinière et la collègue de Lotbinière, cette motion conjointe. Cette motion, M. le Président, elle est extrêmement importante pour le respect de notre démocratie, de notre système de justice et pour le respect des droits des femmes vivant au Québec et au Canada, peu importent leurs origines et leur religion.

Je tiens à remercier, dès le départ, très sincèrement la députée de La Pinière qui nous a fait partager son expertise, ses expériences, sa connaissance. Elle l’a déjà fait au cours d’un petit déjeuner où elle a invité tous les parlementaires et elle l’a fait à nouveau au cours de cette motion, M. le Président.

M. le Président, notre Assemblée nationale, par cette motion, exprime clairement son opposition à toute demande de reconnaissance de tribunaux dits islamiques non seulement sur le territoire du Québec, mais également sur tout le territoire du Canada, car toute ouverture constituerait une brèche inacceptable en Occident, une brèche inacceptable aussi à notre Charte des droits et libertés de la personne du Québec, mais aussi à la Charte canadienne et à tous les traités signés par le Québec et le Canada concernant notre obligation de lutter contre toute discrimination faite aux femmes.

Une seule justice

Au Québec comme au Canada, il doit y avoir une seule application de la justice, l’ex-ministre de la Justice, le député de Saint-Laurent, l’a exprimé au moment où il était ministre de la Justice, le premier ministre l’a exprimé ce matin. J’aimerais aussi citer le bâtonnier du Québec, M. Denis Mondor, le 4 mars dernier, et je cite : « Le principe de la diversité culturelle n’implique pas l’instauration de juridictions d’exception, telles que l’arbitrage religieux en matière familiale. Au contraire, [le Barreau du Québec] croit fondamental que le système de justice soit unique et applicable à tous les justiciables quelles que soient leur religion ou leur appartenance à une communauté culturelle. »

Les revendications pour des tribunaux islamiques ne sont pas récentes, ma collègue l’a bien exprimé tantôt. En effet, tous les pays ont ce genre de pressions à intervalles réguliers pour remettre en question leur système de justice et tenter d’établir un système parallèle. Le Québec et le Canada ont connu ces mêmes pressions au début des années quatre-vingt-dix. L’opposition fut très vive à Montréal, à ce moment. Une nouvelle demande fut exprimée au milieu des années quatre-vingt-dix. Et puis, depuis l’automne 2003, la demande a été réactivée en Ontario. Les pays musulmans ne sont pas exempts des pressions. En effet, dans ces pays, les groupes extrémistes demandent de durcir l’application de la charia.

Je voudrais profiter de la présence de la députée de la Chambre des représentants du royaume du Maroc, Mme Nouzha Skalli, et de la consule qui l’accompagne pour rappeler le courage des femmes musulmanes, qui se sont mobilisées et ont reçu l’appui du roi pour obtenir des modifications importantes de leur gouvernement au niveau de la justice et du code de la famille au Maroc. Il est un peu ironique, M. le Président, qu’au moment où un État islamique se donne des outils pour lutter contre la charia, un État de l’Occident donne un rapport positif à une demande de tribunaux dits islamiques.

Hommage aux femmes musulmanes qui luttent

Je veux souligner également le travail exceptionnel du Conseil canadien des femmes musulmanes pour lutter contre l’acceptation des tribunaux dits islamiques en Ontario. Elles n’ont pas ménagé leurs démarches pour éviter un précédent lourd de conséquences. Pourtant, le rapport de Mme Marion Boyd, ex-Procureure générale et ex-ministre de la Condition féminine, n’a aucunement pris en compte leur position.

Je souhaiterais ici donner la parole aux femmes et aux hommes qui ont dénoncé la demande ontarienne et le projet québécois pour un conseil de la charia. La coordonnatrice de la campagne contre les tribunaux islamiques au Canada, Mme Homa Arjomand, dit que les musulmanes du Québec ne tireraient effectivement aucun bénéfice d’un tel projet : « Même si la décision du médiateur n’a pas le poids d’un jugement légal, elle amènera ces femmes, déjà soumises aux pressions de leurs familles, à se soumettre à leurs conclusions ». La travailleuse sociale d’origine iranienne, qui conseille beaucoup de musulmanes abusées, croit que le problème est pire en Ontario où ces femmes sont poussées à accepter l’arbitrage. « Dans certains cas, si elles refusent, il est possible qu’elles mettent leur vie en danger ». Fin de la citation.

Mme Alia Hogben, présidente du Conseil canadien des femmes musulmanes - qui représente près de 1 000 membres - craint que cela n’ouvre la porte à l’implantation de la loi musulmane de la famille à travers les tribunaux québécois. Je cite : « On n’est plus devant des situations isolées où les familles peuvent accepter ou se passer des conseils de l’imam. Il s’agirait d’une instance légale avec des relations établies avec les cours du Québec. Il s’agit donc de l’application de la loi musulmane dans la province, et cela porterait atteinte aux droits des femmes ». Elle rappelle l’étude faite par le réseau Femmes sous lois musulmanes dans 12 pays où cette loi est en vigueur et où partout il y a atteinte aux droits des femmes.

Des voix masculines musulmanes s’élèvent aussi, M. le Président. Le président d’Espace Maroc-Canada, M. Mejlaoui, s’exprimait en ces termes, en décembre dernier : « Je ne peux tolérer, qu’au nom d’une interprétation archaïque et patriarcale de la charia, on fasse de la médiation pour dire aux femmes du Québec de se soumettre à des concepts du genre : Dieu t’ordonne d’obéir à ton mari et Dieu ne te donne pas le droit de divorcer. Nous sommes plusieurs à regretter que cela puisse arriver dans ce pays. Ces gens ne peuvent imposer à nos communautés leur interprétation personnelle ou partisane de l’islam ».

L’avocat torontois d’origine pakistanaise, M. Hamid Bashani, ajoutait, dans une enquête spéciale de La Gazette des femmes, en novembre, décembre dernier, Gazette qui est soutenue par le Conseil du statut de la femme : « Ne soyons pas dupes. Cette affaire dépasse la question légale ou religieuse. Elle s’inscrit dans un mouvement mondial d’affirmation politique. Pour les fondamentalistes, l’islam est un code auquel tous les aspects de la vie doivent être assujettis, même ici, au Canada. C’est une attaque frontale à la démocratie laïque. On peut violer des droits fondamentaux au nom de la liberté de religion ».

Le réseau international des Femmes sous lois musulmanes a effectué une tournée au Canada. Elles se sont mobilisées, en Europe et dans les pays musulmans, contre le projet en Ontario. La Ligue démocratique pour les droits des femmes, au Maroc, a fait circuler une pétition en Europe, au Maghreb, pour la faire parvenir au bureau du Procureur général en Ontario.

Le mouvement féministe dans les pays musulmans s’est mobilisé contre le rapport de Mme Boyd, et je cite : « Une certaine ex-Procureure générale présente un rapport réduisant les femmes musulmanes à des esclaves-objets entretenues par les hommes, justifiant la polygamie et la discrimination envers les femmes au nom de la relativité culturelle. Nous, femmes musulmanes, nous, femmes libres tout court, dénonçons les propos de ce rapport ». Fin de la citation.

M. le Président, des voix de femmes et d’hommes du monde entier se sont élevées pour s’opposer avec vigueur à tout geste légal qui autoriserait, en partie ou en totalité, une application de la charia au Québec et au Canada. Au Québec, nous avons lutté pour une séparation de l’Église et de l’État. Nous croyons profondément à notre système de justice, de droit. Nous travaillons ardemment pour une égalité de fait pour les femmes. Nous refusons une justice parallèle fondée sur une religion.

Cette motion conjointe se veut un geste de solidarité qui s’inscrit parfaitement en accord avec la Charte mondiale des femmes pour l’humanité, qui repose sur les cinq valeurs suivantes : égalité, liberté, solidarité, justice et paix.

La position de l’Assemblée nationale du Québec ne peut être plus claire. D’une seule voix nous disons non à toute forme de tribunaux dits islamiques au Québec et au Canada et aux conséquences qui en découleraient. Nous voulons maintenir l’application de la justice de droit et non une justice discriminatoire basée sur la religion.

M. le Président, nous souhaitons que vous fassiez parvenir cette motion, lorsqu’elle sera adoptée, à toutes les législatures du Canada. Merci, M. le Président.

Débats de l’Assemblée nationale du Québec, séance du 26 mai 2005.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 juin 2005.

Lire

« Non à la charia : des Iraniennes crient victoire », Radio-Canada, le 27 mai.



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    3 octobre 2006 , par   [retour au début des forums]
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    Radio-Canada :
    http://www.topchretien.com/topinfo/affiche_info_v2.php?Id=8873


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