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dimanche 17 septembre 2017

L’éthique de la parole donnée : condition de l’engendrement de l’être et du savoir

par Louise Vandelac, sociologue, UQAM






Écrits d'Élaine Audet



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La mise au monde d’un enfant, acte de "mise en sens " autant que de " mise en chair " et de mise en scène, est l’incarnation même de l’éthique de la parole donnée. (1) Parole de peau, de regards et de sourires. Parole d’accueil et surtout parole d’honneur. Assurance fondatrice donnée à l’enfant. Bonheur manifeste et partagé de sa bienvenue qui lui assure la possibilité même de lire le monde et d’être lu par lui pour l’articuler et le parler à son tour.

Le corps de la parole donnée

Cette parole donnée passe d’abord par l’intime corps-à-corps, dont la mise en mots irradie de tous les gestes, de tous les soupirs et de toutes les pores, pour constituer la condition même de l’émergence de la parole de l’enfant et de son introduction au monde. Autrement dit, la parole donnée de la mère signe déjà la possible parole de l’enfant.

La naissance, cet enchevêtrement de mise au monde et de naissance à soi-même, se joue en effet d’abord dans la confiance mutuelle, dans cet espoir fragile et constamment renouvelé de l’indéfectibilité de l’Autre, mais néanmoins toujours habité par le doute et par la crainte de la perte. La naissance constitue en effet l’enceinte même de cette puissante mise en forme du lien et de la limite, qui constitue le point nodal de notre humanité. En ce sens, l’éthique de la parole donnée nous est vitale.

Ses modalités d’expression contribueront d’ailleurs largement, dès les premiers moments de l’enfant, à la constitution de son identité. En effet, la naissance est tout autant charnière de mise en chair, de mise au monde et de mise en sens, que charnière métaphorique de co-naissance et prémisse de conscience, de l’Autre, de soi et du monde. Car c’est dans l’espace de la parole donnée que se noue, ce qui, dans l’expérience humaine première est indissociable : l’engendrement de l’être et du savoir et plus profondément encore l’engendrement du savoir.

De la parole de lait... au monde de la parole...

Les femmes savent d’ailleurs profondément que ces premiers regards, ces premières caresses, ces premiers pleurs de l’enfant, - connaissance et reconnaissance sensible du corps et de l’être -, lui permettent à la fois d’entrer dans le monde et d’être habité-e par lui.

Elles savent que le corps et les mots sont de la même eau, du même lait. Qu’ils appartiennent à la même langue maternelle. Et qu’ils ont autant la puissance d’évoquer, comme pour les conjurer, les menaces sourdes et mortifères, qu’ils ont la force d’enlacer l’âme au corps pour les ouvrir à l’inspiration de la vie et à la poésie. Or, elles savent aussi que "sans lien poétique, nous sommes spirituellement coupés de l’univers et des autres hommes ", et que nous manque alors "le sens de l’infini, l’intuition de l’unité vivante, la perception du sacré, l’initiation aux mystères de l’être." (Thuillier,1995:50-51).

Et c’est bien à travers les balbutiements emmêlés du regard et de la lecture, de l’être et de l’Autre, du corps et des mots, en équilibre fragile sur le fil tendu de cette impérieuse confiance dans la parole donnée de la mère, que l’enfant peut naître à lui-même et peut s’ouvrir aux autres. "Au début, écrit la poète Suzanne Jacob "lorsque nous arrivons, nous sommes accueillis par des visages qui nous entourent de leur désir de nous lire. C’est comme ça que ça commence notre arrivée au monde : par une histoire de lecture. Notre visage est d’abord un texte et nous traversons cette expérience d’être un texte vivant que des regards déchiffrent, que des regards, infatigablement, attirent à eux pour le lire.

Au début, la mère a le lait. L’enfant a le cri. L’enfant crie et la mère se précipite pour traduire le cri. Elle traduit un seul cri par mille réponses, mille gestes, mille mouvements d’où jaillissent mille mots formant tous ensemble le son du lait." (Jacob 1997:19).

Et c’est ainsi qu’on entre dans le récit du lait. Le récit du lait : soif, désir, montée, jaillissement, allaitement et apaisement partagé. Connaissance et reconnaissance. Appel et emmêlement de deux êtres radicalement Autres. Conscience profonde et puissante, mais à la fois diffuse et presqu’indicible d’être des "liseuses d’âmes". Fascinante et angoissante responsabilité. Car nous savons que cette lecture faite de regards et de chuchotements, de mots tendres et de débordements de lait, contribue à cette mise en sens essentielle pour qu’un nouveau récit émerge au monde.

Or, " c’est par le récit que tout nous paraît tenir ensemble, que les visages s’ouvrent ou se ferment les uns aux autres". (...) Et c’est ainsi "qu’inclus dans le monde par la lecture, nous devenons peu à peu ce récit, cette récitation incessante. C’est en nous récitant sans cesse et en récitant le monde que nous nous déployons en lui, que nous nous déplions tout en nous modulant". (Ibid:17-20).

À l’ombre de la parole donnée

Or, comment peut-on comprendre qu’abreuvés-es dès les premiers jours par ce corps-à-corps, source même de l’être, de sa capacité de penser et de se lier aux autres, certains poussent l’amnésie au point de réduire tout cela à un "instinct" ? Comme si, indécente méprise et ultime mépris, la maternité était avalée par sa biologie, voire par la seule "animalité" de l’instinct ? Comme si, la parole donnée de la mère qui a présidé à notre commune naissance et qui a inauguré notre capacité même de se penser et de penser à travers le regard ouvert de l’Autre, était occultée. Comme si cette responsabilité ultime de risquer sa vie pour donner vie à un enfant, comme si cet engagement vital était réductible à un simple "fait de Nature" ! Déni sans nom...

Certes, s’il est vrai que c’est "par la lecture que s’effectue notre entrée dans le monde (...) et que c’est "ce qui nous rend le monde habitable (...), il est vrai également que ce récit général de notre passé commun de texte-visage à déchiffrer, possède autant de versions qu’il y a d’êtres humains " (Jacob 1997 : 21). Et certaines versions sont parfois malheureuses, et même affligeantes, au point où plusieurs en ont une certaine aversion et en gardent rancune...

Et il est vrai aussi que toute parole donnée comporte ses parts d’ombres, de méprises, voire parfois d’abandons, vécues comme autant de trahisons. Cet appel indicible à être lu-e, est alors souvent d’autant plus gourmand et insatiable que le regard de la mère à l’enfant se dérobe. Il se dérobe parfois sous la fatigue et les contraintes du quotidien. Mais il s’enfonce surtout sous le poids des prescriptions en tous genres, aliénant les mères à elles-mêmes et à leur enfant, dont la banalité du "laissez-le pleurer, ça lui fera les poumons..." effleure à peine la profondeur abyssale...(2)

Une éthique commune de la parole donnée

Certes, la parole donnée à l’enfant n’est pas réductible à la seule parole donnée de la mère. Pas plus que la mise au monde d’un être humain ne se résume à son enfantement, ou que le monde ne se réduit à la seule dyade mère-enfant. En ce sens, lire le visage de l’enfant tout en lui donnant le nôtre à déchiffrer, et le prendre dans nos bras sans le laisser tomber, participent, pour chacun de nous, de l’éthique de la parole donnée. Car nous sommes tous, individuellement et collectivement, à la fois responsables du monde laissé aux êtres naissants et de l’ouverture au monde qui leur est faite. D’ailleurs, la mère peut d’autant plus facilement tenir parole face à l’enfant que la promesse de l’accueil est généreuse et partagée, et que la mère n’est pas déchirée intérieurement, ou tenaillée par des attentes inconciliables et des attitudes contradictoires face à elle-même, à son enfant et face à leur relation.

Parole de mère...parole d’amant...

Or, cette promesse partagée de l’accueil se joue aussi dans la parole donnée, elle se joue dans la parole intergénérationnelle et dans la parole amoureuse. Et cela se met souvent en scène à des années de distance de l’éventuel enfant, à travers des phrases "banales" de la mère à sa fille, ou à travers le silence lourd de l’amant...

Le projet d’enfant a en effet besoin de confiance, de désir, de partage. Il a besoin de la parole donnée de l’Autre pour prendre sens. N’est-ce pas d’ailleurs la douleur la plus indicible pour une femme qui désire un enfant que celle de ne pas être désirée comme mère ? Et pour un homme en mal d’enfant, figurer comme père impensable , n’est-il pas plus dramatique et secret encore que de se vivre impuissant ? Or, comment donner sa parole à l’enfant, quand on nous la refuse ainsi, en marquant du sceau de l’impossible, l’énonciation même du désir de sa venue ?

Autrement dit, concevoir est un acte indissociable de langage et de chair. Et faire barrage à la gestation même du désir a parfois des effets dévastateurs. Ce qui explique, d’ailleurs, certaines infertilités dites idiopathiques ou psychogènes (Bidlowski, 1983, De Parseval 1983, Vandelac 1989). Ainsi, en est-il de ces phrases aussi anodines qu’assassines de certains parents disant à leur fille ou à leurs fils : "Je ne te vois donc pas avec des enfants !"

Ainsi en est-il, aussi, des silences épais de ces hommes, incapables de désirer la femme qu’ils aiment en tant que mère. Incapables de l’imaginer et de la dire mère, ni de leur donner leur parole, ni de savoir prendre parole comme père. Douloureux clivage, vécu parfois comme éventrement. Et si cette femme enfante néanmoins, dans le maintien d’un tel déni de sa maternité, comment pourra-t-elle assumer sa parole de mère et tenir vraiment parole face à l’enfant ? Chose certaine, le bonheur indicible de l’engendrement avec l’être aimé risque alors de se dissoudre, laissant la lourdeur du non-dit empoisonner l’horizon de la relation amoureuse et de la relation à l’enfant.

Parole donnée à l’enfant et parole donnée au père...

La naissance, rappelons-le, est le point d’aboutissement d’un long enfantement. Et cet enfantement, d’abord rêvé, demeure initié par un acte sexué et sexuel. Une relation généralement traversée par toutes les incertitudes, toutes les ambivalences et toutes les ambiguïtés d’un homme et d’une femme, de leur relation, de leurs modes de séduction et de jouissances, et de leur désir conscient ou non, révélé ou caché, d’engendrer. Cette relation s’inscrit aussi dans des univers de travail, de vie quotidienne et sociale fortement sexués, dans des histoires familiales plus ou plus moins heureuses et dans des économies sexuelles radicalement autres.

Or, ce dernier point est nodal. Rarement en effet, prend-on la pleine mesure de la différence de ces économies sexuelles et notamment de ce point aveugle que constitue "l’aliénation du sperme dans l’acte sexuel", (O’Brien 1981), fondement même de l’incertitude des hommes face à leur paternité et noeud gordien des relations entre les sexes et les générations.

Aliénation du sperme et parole donnée de la mère

En effet, les hommes ne connaissent jamais avec certitude les fruits de leur contribution séminale. (3) C’est donc la parole donnée par la mère qui les fait père, et leur permet à leur tour de tenir parole et de lover l’enfant dans cette parole tenue. Ainsi, c’est cette parole donnée de la mère qui permet de tisser cette fibre morale de l’engagement de deux êtres envers celui ou celle qui vient au monde, véritable creuset des autres liens sociaux, des ententes et contrats et de leurs manquements et contraires...

Mais c’est aussi par le refus de la parole donnée que certaines femmes taisent sciemment la paternité du géniteur à qui "elles font un enfant dans le dos". Terrible violence, et pour cet homme et pour l’enfant qui en naîtra, que d’assimiler ainsi le père à un étalon-sans-nom pour mieux l’écarter de l’une des responsabilités les plus fondamentales de la vie, tout en réduisant, du même coup, l’éventuelle relation d’un enfant à son père, à un simple incident séminal. Certes, l’amnésie reproductive des hommes, leur abandon des femmes qu’ils engrossent et de l’enfant qui est aussi le leur, est de loin, beaucoup plus fréquente. Cependant, en matière d’engendrement, une telle violence ne saurait pour autant en justifier une autre, à moins de vouloir s’engouffrer dans une spirale mortifère.

Bref, la parole donnée de la mère est donc porteuse non seulement de la paternité des hommes ou de son déni, mais elle est également porteuse des alliances entre les sexes et de leur civilité. Or, les femmes sont, tout comme les hommes, des êtres de liberté. La parole donnée, implique donc la liberté ou non de tenir parole. Et bien qu’elle soit généralement vérité, elle peut également servir de subterfuge pour masquer l’inconnaissable, l’ambivalence ou la présence d’un amant. (4) La parole donnée est en effet toujours porteuse de son double et donc d’un redoutable doute.

L’insupportable doute lié à la parole donnée

Or, quels sont les enjeux psychiques d’un tel doute, quand il est associé à son identité d’homme, à son inscription dans la généalogie et dans l’histoire ? Quels en sont les enjeux sociaux quand la paternité constitue, comme ce fût longtemps le cas dans certaines sociétés, la clé de l’appropriation de la force de travail des enfants et du partage des terres et des biens (Meillassoux, 1975, Duby 1981) ? Et quelles sont alors les stratégies adoptées pour vivre avec ce doute inhérent à l’aliénation du sperme, que la parole donnée de la mère peut difficilement totalement colmater ?

Il est impossible, ici, ne serait-ce que d’effleurer ces pans entiers d’histoire qu’a pu distiller cet indicible poison du doute de la paternité dans la pensée occidentale (5) et dans l’organisation des rapports sociaux de sexes. Soulignons simplement qu’il s’agit de l’une des trames essentielles permettant de comprendre la diversité des modalités de contrôle et de contrainte des femmes et de leur sexualité dans le temps et dans l’espace, dans la culture et dans la loi, dans le savoir et dans l’économie, allant de l’exclusion des lieux publics à l’enfermement, et des interdits en tous genres jusqu’aux mutilations sexuelles.

Tenter de contrer le doute du père en mettant la mère en déroute...

C’est comme si, devant l’évidence de la maternité, la société androcentriste avait tout fait pour contrer ce doute de la paternité, en contrôlant les femmes, voire en niant leur rôle tant biologique que symbolique dans l’engendrement, allant jusqu’à prétendre, comme en témoignent les mythes fondateurs de nombre de grandes religions monothéistes, que seul le masculin pouvait engendrer. À ce propos, la religion catholique n’est pas en reste. Ainsi, non seulement est-ce un Dieu le Père qui créa l’homme -à son image-, mais il en tira une côte, jolie métaphore, pour en faire une femme ! Suite à cette étonnante inversion de la gestation, ce même Dieu engendra un fils et un drôle d’oiseau, qui opération miraculeuse, permettra à Marie de donner forme humaine à ce même Dieu le fils. Et celui-ci engendrera à son tour, avec douze apôtres, tout aussi masculins, une Église mâle, qu’on appellera, suprême ironie, La Sainte Mère !

Sur cette lancée, et jusqu’à fort récemment dans l’histoire, les hommes prétendront être sinon les seuls, du moins le seul principe actif dans l’acte de génération, dont les homoncules, ces prétendus êtres humains miniatures tout entiers contenus dans les spermatozoïdes, incubés dans l’utérus des femmes, (Darmont 1977) constituent le symbole même de l’usurpation symbolique. Comme le souligne le linguiste Pierre Guiraud, qui, dans Sémiologie de la sexualité, analyse la construction, à travers les âges, des structures fondamentales de la pensée et du langage : "Toute genèse est conçue sur le modèle de la procréation biologique telle qu’on se la représente" . La "nôtre" reproduit une conception patriarcale de la génération procédant d’une connaissance erronée du phénomène qui attribue au seul "semen" masculin la fonction de transmettre l’espèce ". Et par extension de générer la culture et la société, puisque "créer, engendrer et produire sont synonymes dans toutes les cultures dont nous avons hérité". (De Vilaine, 1986:212:213). Il en résulte donc que "notre pensée religieuse, philosophique, grammaticale, psychologique, esthétique, etc. s’est construite à partir de cette image archaïque de la relation sexuelle." (Ibid).

Bref, si les travaux féministes des dernières décennies nous ont appris à quel point le langage, le droit, la techno-science ont largement contribué à dominer, marginaliser ou exclure les femmes, l’histoire plus fine des tentatives répétées des sociétés androcentristes pour mettre les femmes en déroute d’elles-mêmes, dans l’intimité charnelle du féminin maternel, reste encore largement à faire.

L’éviscération techno-scientifique du féminin-maternel

Or, cette urgence désormais s’impose. Sous les coups de butoir répétés de la technicisation du vivant, dont les technologies de reproduction constituent le cheval de Troie, nous assistons à une étonnante inversion des sexes dans l’engendrement, marquée par un inconcevable morcellement de la maternité (mère ovocytaire, utérine, contractuelle, etc.) et marquée par une "biologisation" sans précédent de la paternité, (ICSI (6) , tests génétiques de paternité, etc.).

Dans cet univers, déjà habité par l’imaginaire clonique de production sérielle de vivant, où se multiplient les jeux de filiation en tous sens, une mère enfantant l’enfant de sa fille et l’inverse, et où les actes d’autoreproduction narcissique se multiplient, les alliances entre les sexes et les générations sont également radicalement perturbées. Mais ce n’est là que l’amorce de l’effritement des frontières constitutives de l’identité humaine qu’annoncent déjà le projet beaucoup plus grandiose de certains chantres de la génétique, cherchant rien de moins, arguent-ils naïvement ou cyniquement, que d’améliorer l’espèce humaine. Or, ce vaste projet de réécriture de la Genèse grâce à l’alphabet génétique, combiné à la puissance de l’informatique, invite plus que jamais à tenter de dénouer les fils inconscients de ces délirants projets de maîtrise et d’emprise.

Diviser le féminin maternel contre lui-même

Certes, plusieurs considèrent mal venu de questionner les enjeux inconscients de la société androcentriste ainsi à l’oeuvre. Mais comment ne pas sourire devant ces grossières représentations du progrès qui sous-tendent certaines de ces technologies, présentées comme autant de projets de "libération", comme si "se libérer de sa fertilité et de l’enfantement", étaient des gages de modernité ? Ainsi, Jean Bernard, médecin et professeur français réputé, nommé en 1984, Premier Président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé en France, écrivait, dans Le Monde, en 1982, dans un étonnant exercice de science-fiction sur la condition féminine :
"(...) Depuis 2050, l’oeuf humain peut mûrir, se développer entièrement dans des centres spécialisés, hors de l’utérus maternel...La femme du XXI° siècle, même la femme illettrée, même celle qui ne sait pas compter, a définitivement acquis la maîtrise de la reproduction... Très vite, avec cette sorte d’ingratitude que donne l’habitude, le passé a été oublié. Le terme grossesse a presque cessé d’avoir un sens.." (de Vilaine et al. 1996:189)"

De son coté le philosophe Michel Serres, ouvrait le premier grand colloque français sur les technologies de reproduction "Génétique, Procréation et Droit", en 1985, par cette perle d’inconscient : "Appelons homme cette bête dont le corps se perd. On dirait que nos organes se vident quelques fois de leurs fonctions pour les verser à l’extérieur. (...) Nommons homme, l’animal dont le corps lâche ses fonctions. La bête reste forteresse." (Serres, 1985)

Dans un colloque sur les technologies de reproduction, cet appel à peine voilé aux femmes d’abandonner l’enfantement, d’aller jouir ailleurs, de "lâcher cette fonction" afin de sortir de cette "forteresse intérieure" qui les réduirait à l’état de bête n’est-il pas révélateur ? (Vandelac 1986:231)

Comme l’a éloquemment montré la psychanalyste Monique Schneider, "les différentes formes d’exclusion, de dépréciation et de mutilation du féminin/maternel à l’oeuvre dans l’histoire, la psychanalyse et le langage" constituent (...) un véritable règlement de compte qui n’en finit plus d’être réglé avec la mère ". (De Vilaine 1986:210).

Or, échapper au corps, non pas au corps défait-refait-surfait des modèles imposés et trop souvent intériorisés d’une féminité prescrite, mais échapper au corps féminin-maternel, n’est-ce pas la seule voie balisée de l’émancipation qui nous est proposée, dans un univers où la simple évocation du corps maternel est souvent suspectée de "naturalisme" ?

Autrement dit, ce règlement de compte ne tente-t-il pas de s’accomplir en soumettant le féminin "à une opération de négation ou de destruction pour promouvoir un féminin reconstruit à partir de certains matériaux (...)" La volonté de construire le féminin - Ëve extraite à partir d’Adam, la fabrication de Pandore - dit assez ce qui de la femme, doit être nié : le lien de génération faisant de la femme-mère la chair originaire dont s’est séparé tout être singulier ; la femme comme lieu à partir duquel naît la forme humaine. Ce n’est donc pas l’ensemble du territoire féminin qu’il s’agira de neutraliser, mais ce qui de lui a trait à une origine immaîtrisable, non constructible, écrit Monique Schneider, dans Visages du matricide." (Ibid).

Or, n’est-ce pas là l’essence même du projet de maîtrise, voire d’emprise exercé sur le féminin-maternel qui tend actuellement à s’accomplir à travers la technicisation de la reproduction humaine ? Prendre en charge la femme et le corps de l’enfant qu’elle geste par un dispositif qui les réifie et les numérise, réduisant gamètes et embryons à une marchandise, monnaie d’échange permettant ainsi les flux, le financement et les transactions, mais également la reproductibilité et la transmutabilité, scénarios déjà évoqués dans "Du numéraire à l’embryon surnuméraire..." (Vandelac 1990) ? Et cette véritable "mise en chair" de certaines représentations réductrices et mécanistes constituantes des sciences modernes, n’annonce-t-il pas non seulement l’éventrement de la maternité, mais une mutation sans précédent de l’espèce humaine, bouleversant à la fois les repères psychiques des êtres et les structures symboliques de la société ? (Vandelac 1995)

Nous ne questionnions pas ici l’importance, pour les êtres humains, de sonder les questions des origines qui nous hantent. Mais cela peut-il pour autant justifier les plus folles entreprises de remodelage de l’être et du monde, sous prétexte d’accomplir d’irrésistibles pulsions épistémophiliques, qualifiées avant la lettre de progrès scientifiques et présentées comme fins en soi ? D’ailleurs, quelle étonnante illusion que de prétendre maîtriser cette question des origines en la tenaillant, comme si on pouvait ainsi disséquer scientifiquement ce qui relève des enjeux inconscients. D’autant plus, qu’ultime perversion de cette quête des origines immaîtrisables, ce qui est proposé en partage aux femmes, c’est de se "déprendre d’elles-mêmes", en les invitant à neutraliser dans le ventre, la langue et l’imaginaire, ce qui du féminin a trait à une origine immaîtrisable, non constructible(7) .

"Rappelant le mythe fondateur des Athéniens qui ont construit leur autochtonie à partir de l’oubli de l’origine maternelle, puisque le premier Athénien aurait surgi du sol civique, de la patrie, et non du ventre d’une femme, Monique Schneider écrit : cette " négation de la mère se double et se travestit en une opération complémentaire : culte d’une certaine image de la femme, Athéna, éducatrice et verticale, se présentant comme ayant "échappé aux ténèbres du ventre maternel". Ainsi," L’opération de clivage se met en scène avec éclat, le matricide se soutenant d’une opération visant à proclamer l’éclat d’un certain féminin, un féminin éviscéré." (De Vilaine, 1986:212-213)

Nous voilà donc confrontés-es aux efforts conjugués de quelques milliers d’années d’un même acharnement contre le féminin-maternel, discours escamotant, réduisant le rôle des mères pour les écarter de la Cité et du Savoir. Acharnement marqué par les mêmes abus de langage, par le même déni du rôle culturel des femmes. Discours issu de la même lignée symbolique, assené sur tous les tons, du Mythe à la Tragédie Grecque, de la fiction du droit romain à celle du roman contemporain, voire de la bande dessinée aux dessins animés (8).

C’est en explorant ces racines profondes, voire ces enjeux inconscients de l’actuelle appropriation et mutation du vivant, qu’on peut saisir la densité et l’ampleur de cette emprise inégalée du bio et de son empire, pressenties de façon prémonitoire par Foucault à travers son analyse du biopouvoir.

Et bien que l’espace nous manque ici pour élaborer sur le sujet, nous ne pouvons néanmoins passer sous silence comment, par exemple, la transformation radicale à la fin du Moyen-Âge, de la représentation de la Nature, qui a présidé au développement de la techno-science, participait du même phantasme de matricide. Rappelons que la représentation de la nature est alors passée de celle d’une Mère-Nature, commune origine des êtres et du monde considérée avec respect, à une Nature en furie, devant être à maîtrisée, contrainte, violée pour en arracher les secrets et en exploiter les ressources. Or, ces représentations quasi textuelles, notamment chez Bacon, dépassent de loin, comme l’ont montré Eslea et Merchant, la simple analogie. Inscrites dans l’imaginaire profond des sciences modernes, elles en ont marqué l’orientation et la sexuation (Thuillier 1982, 1984).

Présentement, l’artificialisation et la manipulation croissantes de la conception des humains, dans le double sens d’advenir au monde et à la pensée, semble poursuivre inconsciemment cet éventrement symbolique de la maternité. Mais c’est comme si, il voulait cette fois l’accomplir dans l’enfer du réel, risquant alors de nous projeter dans un univers mortifère de négation de l’Altérité, et de reproduction industrielle du vivant (Vandelac 1994, 1996). Or, cela risque du même coup de compromettre l’engendrement et la généalogie, celle des êtres et du savoir, conduisant à nous étouffer d’un prétendu pouvoir, susceptible d’avaler notre humanité même...

Dans le paysage du biopouvoir et l’horizon de la mutation du vivant, le temps nous est désormais compté. En effet, une telle négation de l’Altérité sexuelle, une telle éviscération du féminin-maternel, tendant désormais à s’accomplir dans la chair des femmes et la chair du social par une technicisation radicale de la conception des êtres, nous menace tous. Elles menacent non seulement l’intégrité de l’être humain et l’éthique du lien et de la limite fondatrice des rapports sociaux, mais elles menacent également la conception de l’être humain, ses façons de concevoir et de se concevoir, et menacent aussi les frontières de l’espèce (Vandelac 1994).

Serait-ce qu’inconsciemment la culture androcentriste attribue encore à la maternité un pouvoir si exorbitant qu’il lui faille non seulement l’éventrer, mais s’attribuer en outre, le pouvoir non plus symbolique mais techno-économique de la génération, voire de l’appropriation et du remodelage de la vie elle-même (9) ? À la domination des sphères du savoir et de la création, à l’usurpation des marques sociales de l’engendrement, s’ajouterait ainsi la prédominance sociale de l’imaginaire clonique sur la maternité.

Bref, s’imposerait un règne de reproduction industrielle, de montage animalier, de corps sans parole réduits à de la chair vive et au silence qu’impose la technique. Assisterait-on alors à la défaite de la parole et du symbolique, soumise à l’empire du biotechnique ? Comment alors ne pas craindre alors que s’effilochent, aux plans culturel et anthropologique les plus profonds, le sens du lien et de la limite, problématique au coeur des mutations du vivant et au coeur de la crise écologique, double atteinte mortifère à la Nature, à l’Humain et aux enchevêtrements qui nouent ces ordres de réalité et nous y relient.

Une éthique du lien et de la limite

N’est-il pas paradoxal d’assister à un tel assujettissement technique de l’engendrement au moment même où connaissant la contribution respective des sexes dans l’engendrement, nous réalisons à quel point l’éthique de la parole donnée et la reconnaissance de l’Altérité, constituent les conditions mêmes de l’engendrement des êtres,de leur naissance à eux-mêmes et de l’établissement des liens sociaux ? N’est-il pas affligeant d’assister à un tel glissement de sens, au moment où nous constatons à quel point l’engendrement, cet acte de chair et de sens, sexué et sexuel, traversé par l’histoire et la culture, véritable creuset de l’Altérité, constitue la métaphore exemplaire de l’ouverture au tiers, à l’inconnu et à l’immaîtrisable du futur, signes mêmes de notre humanité ? N’est-il pas déroutant que cela s’accomplisse au moment où nous comprenons comment donner sa parole à l’Autre, lui donner parole de père ou de mère, et s’engager du même coup au-delà de sa propre vie, bref, comment la force des mots contribue à nouer les fils de la vie et des alliances ? N’est-il pas d’une bêtise sans nom que cela advienne au moment où nous commençons à réaliser à quel point cet instant charnière de vie individuelle et collective, où chairs et cultures s’enlacent, représente une figure exemplaire, où l’alliance des êtres est au coeur de la co-naissance et d’un savoir vital, générateur des êtres et du monde ?

Comme nous l’avons vu plus haut, c’est la parole donnée qui nourrit l’engendrement et permet à l’enfant d’émerger au monde. Et l’enfant le sait. Et il le sent très bien quand l’Autre, mère, père, frère, soeurs, grands-parents, gardiennes, etc., n’est pas doué-e pour les langues, au point de lui donner parfois l’impression qu’il n’est pas du même alphabet... L’enfant sait quand le regard est teinté de mépris ou de condescendance... L’enfant sait quand ce regard est à ce point tourné sur lui-même qu’il le lit à contresens... Où quand ce regard a un oeil de poisson... Peu importe d’ailleurs l’âge de l’enfant en chacun de nous, n’est-ce pas toujours cet espoir de croiser ce fond d’âme allumant parfois la pupille qui éclaire vies et visages ? N’est-ce pas cette soif d’être lue qui explique notre légendaire patience et notre inqualifiable ténacité à tenter de nouer des liens avec l’Autre, de nous assurer de l’Autre et de nous-même à travers l’Autre ? N’est-ce pas cette recherche éperdue de confiance partagée qui parfois nous fait aussi tolérer l’intolérable et même baisser les yeux devant ces regards biaisés, absents ou dévastateurs, comme si rien n’était plus paralysant parfois que l’absurdité d’un regard aveugle à lui-même et à l’Autre...

Autrement dit, la parole donnée, cet engagement premier, cet accueil inconditionnel et partagé, incluant ses possibles défections, constitue le socle même de la constitution psychique de l’individu et des liens sociaux qui tissent notre humanité. Cette parole donnée est également l’illustration vivante de cet enlacement du lien et de la limite qui est au coeur de nos rapports au monde, comme le rappelle François Ost : "Soit le lien : ce qui relie et oblige (lier, du latin ligare). Ce sont les lignes (lignées), les cordes, les noeuds, les attaches, les liaisons, les affinités. L’alliance. Le couple (accouplement) et la filiation. Les racines. Le lien, ou ce qui permet d’avoir temps et lieu : un enracinement, une place dans une transmission. Le lien, ou " la partie liée ", c’est-à-dire le contraire de la "part entière " : autrement dit, la possibilité même de l’altérité et du partage. (...) On ne relie que ce qui, de soi, est distinct et virtuellement détachable. L’identité que procure le lien est donc condition de l’affranchissement, qui lui-même est condition de l’obligation librement assumée. (Ost, 1995:9)

Contre Prométhée et Chronos : Rhéa, la mère...

Comment en sommes-nous venus à mettre ainsi à mal, dans notre conception des Êtres et du Monde, ce sens du lien et de la limite sans lesquels l’éthique est impensable ? Arrogance, aveuglement, volontarisme, illusion de toute-puissance ? Pourquoi nous éloigner ainsi de nos origines, dans toute la polysémie de ce terme ? Pourquoi nous couper de notre commune naissance et de ce qui peut la symboliser ? Comme si, dominait toujours "un imaginaire où l’archaïsme de la relation à la mère est connoté de danger d’engouffrement et de dévoration" (Lasvergnas 1991 : 194), Comme si c’était "surtout sur du négatif que se construit la référence au maternel et à l’antre féminin" (Irigaray 1987:27-28). Or, sans réduire ces questions à ces seuls aspects, de telles représentations ne camouflent-elles pas l’incroyable difficulté de la culture androcentriste d’assumer l’aliénation du sperme et son corollaire de paternité incertaine ? Cela ne traduit-il pas aussi une difficulté quasi viscérale, pour certains d’entre eux, à composer avec la parole donnée de la mère et donc avec la liberté des femmes ? Serait-ce, inconsciente régression enfantine, que tout vaudrait mieux, y compris tuer la mère et voire même changer d’espèce, que d’assumer le risque, aussi ténu soit-il, d’être abandonné ou trahi par elle ?

Chose certaine, cet horizon de la pensée androcentriste qui nous invite à déserter les tréfonds culturels du féminin-maternel et à nous mettre en absence de nous-même, a déjà bien assez empoisonné les rapports hommes-femmes. Et il a trop longtemps paralysé notre faculté de penser pour qu’on le laisse présider, sous le masque du progrès, à de nouveaux ravages, risquant alors cette fois d’empêcher nos enfants de répondre à la parole donnée pour la reprendre à leur tour...

Aux représentations Prométhéennes qui ont marqué depuis quelques décennies déjà les bricolages techno-scientifiques du vivant, mais qui, tel le mythe de Chronos nous conduisent à la dévoration de nos enfants, voire à notre propre dévoration, il importe donc d’imposer l’éthique d’un savoir sachant renouer avec la prudence, la sagesse et la responsabilité. Il importe surtout de se rappeler que dans la Mythologie Grecque, c’est Rhéa, la Grande Mère, qui a su empêcher Chronos, son mari, de dévorer leur dernier enfant : Zeus...

Sources


1. Professeure titulaire, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM). Je tiens à remercier Marie Mazalto ainsi que Marie-Hélène Bacon de leur lecture et de leurs commentaires.
2. Sur ces mille et une prescriptions voir Ehrenreich et English, 1982
3. Certes, cela est désormais techniquement possible avec les tests génétiques, mais nous n’entrerons pas ici dans ce genre de considérations qui, fort signifiantes en tant que tendances, demeurent néanmoins pour l’instant socialement marginales. (Vandelac 1988)
4. En France, une enquête réalisée dans les années 80 révélait qu’environ 10% des enfants n’étaient pas ceux du père présumé.
5. Voir entre autres Kniebiehler 1977, Darmont 1977.
6. L’ICSI (Intra-Cytoplasmic Sperm Injection) consiste, dans des cas de stérilité masculine, à sélectionner un seul spermatozoïde et à l’insérer au coeur du cytoplasme de l’ovule, ce qui implique un fécondation in vitro lourde de risques et d’effets secondaires pour la femme et les éventuels enfants, dans l’espoir d’assurer la paternité biologique du conjoint.
7. Ce que d’ailleurs un grand nombre, dans un féminisme de premier degré et une incroyable duplicité, réussissent à faire au-delà de toute espérance. Se mettre au pas soi-même, au pas à pas de l’Autre, se prêter corps et âme à ses jeux de compas, à ses enjeux de maîtrise, de constriction et de construction. Et le faire dans le creuset même des origines, en désenchantant les sexualités, en évidant l’engendrement de son sens et en dénouant les liens tressés de chair et de paroles qui inscrivent les êtres dans la généalogie et l’ouverture au monde. Bref, en reprenant à son compte ce qui, dans la fiction dominante, exclut d’office les femmes ou du moins les place dans une inconfortable position de porte-à-faux.
8. Cela mériterait bien un article en soi... Soulignons simplement le nombre de romans récents, de films également mais aussi d’histoires pour les tout petits commençant soit par le meurtre de la mère, (Babar, Bambi, etc.) soit par sa disparition ou encore marqué par une totale absence d’évocation comme si elle n’avait jamais existée (Tintin, Star War, etc.).
9. Appropriation, notamment, via les brevets sur les gènes et sur les plantes, animaux et embryons transgéniques.


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 Nous remercions les Éditions du remue-ménage qui ont autorisé la reproduction de ce texte publié dans l’ouvrage :
"Espaces et temps de la maternité", sous la direction de Francine Descarries et Christine Corbeil, 2002.

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Louise Vandelac, sociologue, UQAM

Professeure et chercheuse au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal, Louise Vandelac a mené une douzaine de projets de recherche, publié plusieurs ouvrages collectifs, ainsi qu’une soixantaine d’articles scientifiques ; elle a également prononcé plus de 250 conférences au Québec, au Canada et en Europe. Parmi les livres collectifs publiés, mentionnons Du Travail et de l’amour, Les Dessous de la production domestique, avec Diane BELISLE, Anne GAUTHIER et Yolande PINARD. , Ed.St-Martin, Montréal, mars 1985. Réédition, Ed. St-Martin, Montréal et Syros/Alternative, Paris, janv. 1987 et Concilier l’inconciliable, avec Andrée-Lise MÉTHOT, Karen MESSING et Nicole VÉZINA, Montréal, UQAM-CSN-FTQ-CINBIOSE, 1993. Elle est co-auteure, avec Karl PARENT, de deux films, Main basse sur les gènes, ou, Les aliments mutants, Montréal, ONF, 1999b et Clonage, ou, l’art de se faire doubler, Montréal, ONF, 2000a.



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