Il y a quelques jours, le Conseil du statut de la femme présentait sa réponse à la proposition gouvernementale d’instaurer un mode de scrutin mixte.
La Commission spéciale sur la loi électorale (CSLE) entend actuellement un nombre impressionnant de groupes et de personnes qui, devant les nombreux défauts de l’avant-projet de loi, proposent des solutions pour le rendre acceptable. Le CSF a plutôt choisi de défendre le statu quo, en prétendant que « le scrutin majoritaire actuel, malgré ses défauts au regard de la représentation, n’a pas si mal servi la population féminine » (1).
La question de l’égalité femmes-hommes est intégrée aux objectifs portés par le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) au même titre que le respect de la volonté populaire, du pluralisme politique, de la diversité ethnoculturelle et de l’importance des régions. Nous croyons que ce n’est pas une coïncidence si dix-sept des dix-huit pays comptant le plus de femmes élues utilisent une formule proportionnelle accompagnée de mesures pour quinze d’entre eux.
Nous ne prétendons pas qu’un mode de scrutin proportionnel soit une panacée. Ses avantages, lorsqu’il est correctement constitué, proviennent de la combinaison entre la mécanique elle-même et les mesures l’accompagnant. Il s’agit d’une réforme structurante qui a un rôle important à jouer pour faire de l’Assemblée nationale ce lieu rassembleur du pluralisme social, politique et démographique, ce qui ne saurait qu’améliorer notre démocratie représentative.
Les risques du statu quo
Craignant la « multiplication » des tiers partis présentés comme des lieux où les femmes iraient « éparpiller leurs forces », les seuls partis intéressants aux yeux du Conseil du statut de la femme seraient ceux qui ont des chances de former le gouvernement ou encore l’opposition. Ces jugements dénigrent non seulement les partis politiques dont l’accès aux sièges est bloqué par le mode de scrutin, mais déprécient également les opinions des personnes les appuyant ou qui souhaiteraient le faire. Entre ces affirmations et une invitation à voter, et à se porter candidates, uniquement pour les grands partis, il n’y a qu’un pas !
Selon le CSF, le mode de scrutin actuel offrirait suffisamment de perspectives d’élection aux candidates et d’avancement des dossiers féministes - avec 27% de candidates tous partis confondus (élections de 2003). Mais les femmes ne sont pas que des élues potentielles, elles sont également des électrices qui devraient avoir droit au respect de leurs votes. Comme les hommes, leurs positions politiques ne sont pas monolithiques. Dans le mode de scrutin actuel, 50% des votes sont perdus, dont la moitié sont ceux des électrices.
En définitive, la position du Conseil du statut de la femme ne permettra pas la juste représentation du pluralisme politique.
Comme le système majoritaire, l’avant-projet bloque encore le pluralisme : votes perdus, distorsions, non-respect de la volonté populaire, obligation de concentrer géographiquement ses votes. Devant ces problèmes, plusieurs rappellent, comme nous, qu’une mixte demande un deuxième vote pour permettre l’expression précise et distincte de l’électorat et exigent un calcul de la proportionnalité selon les résultats globaux plutôt que selon son fractionnement.
Si le CSF soulève plusieurs problèmes du modèle gouvernemental, il ne propose aucun correctif pour améliorer la proportionnalité de sa mécanique. Rien non plus sur l’alternance femmes-hommes dans des listes. L’absence de proposition est révélatrice de ses réticences envers l’enrichissement de l’expression et de l’exercice du pluralisme politique.
Viser l’égalité et augmenter la présence d’élus issus de la diversité ethnoculturelle étant des décisions de société, un très grand nombre d’interventions devant la CSLE demandent que les bonifications financières s’adressant aux partis politiques se basent sur les résultats plutôt que sur les efforts. C’était également ce que le Conseil demandait en 2002 mais pas cette fois-ci.
En fait, le Conseil du statut de la femme exige moins que l’ensemble du mouvement féministe et moins que bien des groupes mixtes.
L’Assemblée nationale n’a pas atteint 32% de femmes grâce au mode de scrutin actuel mais plutôt malgré lui. En prônant le statu quo, le CSF ne nous projette pas dans l’avenir. Les suffragistes et les féministes ont réclamé les droits dont elles étaient privés justement parce qu’elles ne croyaient pas « qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Heureusement, elles voyaient loin.
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Note
1. Toutes les citations proviennent de la lettre ouverte du CSF, ainsi que du mémoire et de sa présentation devant la CSLE du 24-01-2006.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 16 février 2006.