| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






vendredi 6 juillet 2007

La stratégie du désespoir : quand les femmes repassent les seins de leurs filles






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Ouganda - Esther Madadu, sage-femme et candidate au Prix Nobel de la Paix 2015
Les lycéennes de Chibok sont nos sœurs
L’enlèvement de jeunes filles à Chibok, Nigeria - Déclaration de FEMNET
Islamistes au Mali - Les Talibans de Tombouctou
Au Mali, des femmes résistent aux islamistes en leur lançant des pierres
Du viol en RDC à nos téléphones portables - La violence faite aux femmes, instrument de l’économie mondialisée
L’excision, une « affaire de femmes » ?
Côte d’Ivoire - Attaquées par l’armée de Gbagbo, des femmes résistent et appellent à l’aide
Viols en série dans la République démocratique du Congo
Le Nigéria, royaume de la traite des enfants
La guerre faite aux femmes au Congo
Mères immigrantes africaines - S’opposer aux coutumes discriminatoires
"V-Day" lance une campagne de sensibilisation pour mettre fin aux violences sexuelles contre les femmes au Congo
Fémicide au Congo
Hommage à Aimé Césaire, le maître des trois chemins
Le chanteur mandingue Victor Démé sort son premier album et rend hommage aux femmes burkinabées
Campagne des femmes congolaises contre les violences sexuelles en République démocratique du Congo
Journal de voyage au Sénégal
La scolarisation des enfants massais : bilan de 2006
Sans les femmes, un autre monde n’est pas possible
L’éducation des filles en Afrique
Les Africaines dans le piège de la pauvreté et des maladies
Comment un village africain dirigé par les femmes exclut la violence
Hommage à une figure emblématique de la lutte contre le sida au Burundi
L’acquittement de Zuma en Afrique du Sud
La guerre contre les femmes rallumée au Maroc
Femmes d’Afrique, un jour viendra
Ellen Johnson Sirleaf, première présidente du Liberia et première femme chef d’État en Afrique
Témoignage d’une adolescente qu’on veut forcer à se marier
Tresses africaines, sciences et traditions : mon arrière-grand-mère était mathématicienne
En huit ans, des dizaines de milliers de Congolaises violées et torturées par des militaires et des proches
Code de la famille en Algérie : des femmes en colère
Les fillettes massai ont besoin d’aide contre l’excision et le mariage forcé
Rétrospective 2004 : le Code de la famille, entre charia et droits de l’homme
Tanmia, portail de la communauté du développement au Maroc
Le gavage, une pratique traditionnelle néfaste à la santé des fillettes et des femmes
La réforme du Code civil au Maroc : progrès pour les femmes
Ingénieuses femmes d’Afrique
Des femmes au coeur de la création littéraire africaine
L’essor des femmes d’Afrique subsaharienne
Femmes africaines Horizon 2015
Comment aider les Africaines ?







Yaoundé, le jeudi 8 juin 2006 - « Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre /Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour /Est fait pour inspirer au poète un amour /Eternel et muet ainsi que la matière ». Ainsi parle « La Beauté », dans le célèbre poème de Charles Baudelaire. A l’instar de l’auteur français, les femmes camerounaises ont acquis au fil des siècles l’intuition parfaite que le sein est bien l’inspirateur éternel des amours, des amours qui privent les petites filles camerounaises de leur adolescence et de leur chance d’étudier.

Violence de mères en filles

A l’instar de l’excision, le « repassage » des seins est une pratique qui se réalise au coeur des alcôves féminines, en ville comme à la campagne, chez les classes les plus défavorisées comme chez les plus aisées. Mères, tantes, cousines se penchent sur le destin d’une petite fille et s’appliquent à lui faire endurer une insupportable douleur ; le repassage des seins. Le Réseau national des associations de tantines (Renata), au Cameroun, a pour premier objectif de lutter contre les abus et violences sexuelles subis par les adolescents et de dénoncer les différentes pratiques nocives qui existent à l’encontre des jeunes filles. Ce réseau réunit aujourd’hui quelque 61 associations, qui oeuvrent sur le terrain grâce à l’action de 5 000 femmes, le plus souvent des « filles mères ». Les différents témoignages des membres de ce réseau lui ont permis de mettre à jour l’ampleur d’une pratique silencieuse : le repassage des seins. Aussi, le réseau a-t-il demandé à l’Agence allemande de coopération (GTZ) présente à Yaoundé de mener une enquête plus exhaustive. Les résultats ont été présentés la semaine dernière.

24% des femmes camerounaises ont subi le repassage des seins

Dans les dix provinces camerounaises, quelque 5 661 femmes et jeunes filles ont été interrogées. Elles étaient âgées de 10 à 82 ans (moyenne d’âge 12 ans et trois mois). Les témoignages recueillis laissent apparaître que quelque 24% des femmes ont été victimes de repassage des seins. Le repassage des seins étant réalisé par les mères pour soustraire la poitrine naissante de leurs filles au regard des hommes et à celui du père qui y verrait le signe qu,un mariage est possible, la précocité de la puberté accroît considérablement le risque d’en être victime. Ainsi, pour la moitié des victimes, cette terrible violence a eu lieu avant l’âge de 9 ans, dans 38% des cas avant l’âge de 11 ans, pour 24% des femmes à 12 ans et dans 14% des cas à 14 ans.

Au-delà de la volonté des mères de retarder l’heure du premier rapport sexuel de leurs filles ou de leur mariage, afin parfois de leur permettre de continuer à étudier, de très nombreux mythes entourent cette pratique, parfois accompagnée de rituels. L’idée reste ainsi répandue dans certaines provinces que le repassage permettra de voir couler le lait en abondance ; la technique est en réalité à l’origine de nombreuses difficultés au moment de l’allaitement. Outre ces problèmes lors de l’allaitement, de très nombreuses victimes du repassage des seins évoquent les insupportables douleurs de ces séances, qui perdurent longtemps après le repassage.

Pendant plusieurs semaines, chaque matin et chaque soir, les mères appliquent en effet sur le sein de leur fille des pilons ou des pierres à écraser, préalablement chauffées. Dans de très nombreux cas, le repassage s’accompagne en outre du port d’un serre-seins, souvent une simple chambre à air, destinée à effacer les marques de la poitrine naissante. Si 42% des personnes interrogées affirment ne connaître aucune séquelle et aucune incidence sur la taille de leur poitrine, les kystes et abcès sont très fréquents, sans parler des déformations monstrueuses de ces poitrines. Quelque 18% des femmes révèlent ainsi que leurs seins sont « tombés » de manière précoce. Cette terrible pratique, dont on ne parvient pas à définir l’origine et qui s’exerce dans l’ignorance des hommes, est le plus souvent vaine. Le repassage des seins se révèle en effet inutile pour freiner la sexualité des filles et nombreuses sont les victimes de cette pratique qui deviennent à leur tour mères avant l’âge de quinze ans.

Une campagne d’information nationale

La publication des résultats de cette enquête réalisée par Flavien Ndonko a créé un vif émoi au Cameroun où vient d’être lancée une campagne d’information nationale, qui devrait s’étendre pendant un an, afin que nul ne puisse désormais ignorer les ravages de cette pratique. L’agence de coopération allemande et RENATA collaborent pour la mise en oeuvre de cette opération. Dans le quotidien camerounais Mutations, le mardi 30 mai dernier, les responsables de plusieurs organisations appelaient à la pénalisation de cette pratique. « Au même titre que les exciseuses, celles qui pratiquent le "repassage des seins" doivent être réprimées par la loi », demandaient-ils. Une telle mesure permettrait peut-être de rompre l’enchaînement des générations de repasseuses. En effet, si de très nombreuses victimes affirment qu’elles ne pourraient faire subir un tel sévisse à leur enfant, les enquêteurs allemands révèlent que 7% des petites filles avouent s’être infligées elles-mêmes le repassage des seins, honteuses de l’apparition de leur poitrine. Fréquente au Cameroun, cette pratique existe également au Togo et en Guinée.

Source : http://www.jim.fr

© Copyright 2006 http://www.jim.fr. Nous remercions la rédaction du site JIM qui a autorisé Sisyphe à publier ce texte.

 Lire également

« Non au repassage des seins des adolescentes au Cameroun » : cet article donne des exemples et explicite le sens de cette pratique.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 25 juillet 2006



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2007
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin