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lundi 18 septembre 2006

Duras et le dahlia noir

par Lucie Poirier






Écrits d'Élaine Audet



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Dans les derniers relents de mon enfance, j’ai vu le téléfilm The black dahlia à partir du roman de James Ellroy. Très vite, j’ai appris qu’être femme c’est être tuée.

A l’adolescence, ils riaient, les garçons de la classe en disant : « Il l’a tuée et tuer c’est mettre à mort ».

Car, comment, sans malaise, nommer ce que l’on fait avec malaise ? Ils disaient : « Je vais la mettre »,
« Je vais la mettre à mort, je vais la tuer ».

Très vite, donc, j’ai su qu’être femme c’est être tuée sexuellement. J’ai su que la mort pour nous avait à voir avec notre sexe. Notre sexe vu, notre sexe caché, notre sexe exhibé, notre sexe tué.

Très vite, j’ai su que j’avais le sexe dangereux.

Puis, à l’Université, avec ceux qu’on appelait les grands auteurs, les grands peintres, les grands réalisateurs, j’ai su que ce sexe était associé au gouffre, au mystère, à la terreur, à l’enfer, à la fin du monde pour l’homme, mais que c’était toujours la femme, la perdante, la souffrante, la maltraitée, la fouettée, la torturée, la tuée.

Très vite, j’ai su qu’en définitive, ce sexe menaçant et vide pour l’homme était sa calamité à elle, que ce sexe qui devait faire son pouvoir, faisait sa mort, que ce sexe qui menait de l’utérus à la vie lors de la naissance, les auteurs, les cinéastes, les artistes, lui connotaient la mort.

Ils prétendaient que ce sexe donnait la mort et, justifiés par cette prétention, ils ont attisé le fantasme de la mort des femmes.

« Le corps est sans défense aucune, il est lisse depuis le visage jusqu’aux pieds. Il appelle l’étranglement, le viol, les mauvais traitements, les insultes, les cris de haine, le déchaînement des passions entières, mortelles. » (Duras)

Fanny Ardant, de noir vêtue, sur une scène vide, livre le texte de Marguerite Duras, La maladie de la mort, à la 5e salle de la Place des Arts à Montréal.

Elisabeth Short, trouvée morte en 1947 et devenue objet de fascination sordide depuis lors, avait été surnommée « Black dahlia » à cause de sa chevelure, de ses vêtements et de son élégance.

Faussement, on a déclaré que c’est à un tatouage qu’elle devait son surnom.

Faussement, on a raconté qu’elle faisait de la prostitution. Lors de son assassinat, son hymen était intact, son meurtrier l’a déflorée avec violence.

Mais, associer Elisabeth Short à la prostitution, c’est suggérer qu’elle était en partie responsable de sa mort.

Car on entretient le préjugé que les femmes méritent la mort.

« Vous vous dites qu’elle devrait mourir. Vous vous dites que si maintenant à cette heure-là de la nuit elle mourait, ce serait plus facile, vous voulez dire sans doute : pour vous, mais vous ne terminez pas votre phrase. » (Duras)

Elle-même belle et fascinante, Fanny Ardant s’approche du public avec les phrases de Marguerite Duras qui exprime l’envie d’un homme pour une femme près de lui.

Cette envie, trouble et complexe, traversée par l’observation et l’imagination, Duras la décrit avec un texte dont la conjugaison oscille entre le présent et le conditionnel, alors qu’Ardant la joue avec une attitude dont la précision comporte de la séduction et de la colère.

La retenue de Fanny Ardant s’accorde avec l’ambiguïté de l’écriture de Duras ; la présence de l’une, l’écriture de l’autre suffisent pour déployer la polysémie. Qu’Ardant joue sur scène ou que Duras ait signé le texte, rien n’est résolu mais tout est là.

« Elle vit toujours. Elle appelle le meurtre cependant qu’elle vit. Vous vous demandez comment la tuer et qui la tuera. » (Duras)

Vendredi le 15 septembre, alors que Fanny Ardant sera encore à la Place des Arts pour La maladie de la mort, dans les cinémas commenceront les projections du film de Brian de Palma Le dahlia noir. Deux versions d’un meurtre d’une femme.

Duras dit l’envie de la mort d’une femme pour un homme obsédé. Et, à partir des fabulations d’Ellroy, de Palma « glamourise » ce meurtre.

Récupérer le viol, la torture et l’homicide perpétrés sur une femme pour en faire un divertissement cinématographie relève de l’ignominie. Favoriser l’excitation à travers le meurtre d’une femme, le présenter comme une fascination, c’est entretenir un plaisir misogyne qui n’aide pas à ce que cesse la violence faite aux femmes.

Au siècle dernier, on entendait : « Un bon Indien est un Indien mort » ; depuis longtemps, et encore aujourd’hui, avec des gros titres choquants, des jeux-vidéos sadiques, des livres de série noire, des clips musicaux brutaux, des films sanglants, on sous-entend :« Une bonne femme est une femme morte ».

Mis en ligne sur Sisyphe, le 16 septembre 2006.



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Lucie Poirier

Directrice-fondatrice des éditions Les Mots Bancs, spécialisées dans le livre-objet d’art à tirage limité, elle a publié, entre autres, son théâtre poétique Les Amoureux de l’Autre Monde. En 1992, elle a eu le Prix de la plus belle lettre d’amour avec Lettre à Benjamin. Maître ès arts, Lucie Poirier exprime ses convictions humanistes et pacifistes, ses idéaux érotiques et féministes, à travers ses œuvres poétiques et ses articles socio-politiques.



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  • Qu’est-ce qu’un sexe féminin ? Un chantier !
    (1/1) 19 septembre 2006 , par





  • Qu’est-ce qu’un sexe féminin ? Un chantier !
    19 septembre 2006 , par   [retour au début des forums]
    Duras et le dahlia noir

    Le spectacle de Fanny Ardant a dû être sublime.

    J’ai pu constater cette banalisation du viol dans un film récent de François Ozon, le film 5 X 2. Le film relate cinq moments de la vie d’un couple déroulé à l’envers soit de la séparation à la rencontre. Dans la première partie, le couple se rencontre pour une dernière fois à l’hôtel avec des flash-backs de leur passage chez le notaire pour finaliser leur rupture légalement. Ils commencent à faire l’amour mais l’ex-épouse désire arrêter leurs ébats lorsque l’homme devient brutal et violent. La prenant par derrière et la tenant fermement, il la contraint à continuer pendant qu’elle pleure silencieusement. Elle s’habillera ensuite tout doucement et partira, défaite. C’était purement un viol. Jamais on n’a relevé cet aspect dans aucune critique.

    Le réalisateur banalise la fin dramatique de l’histoire (le viol) en remontant vers des événements toujours plus « heureux », projetant l’image d’un jeune couple nouvellement et follement amoureux à la fin du film. Cette fin heureuse du film nie la fin dramatique de l’histoire réelle du couple, ce qui trompe les spectateurs. Les trois autres séquences montre un personnage masculin plutôt immature et malsain : du violeur, on passe au mari jaloux, qui soupçonne sa femme, au futur père apeuré qui ne veut pas assister à l’accouchement de sa femme, à l’amant infidèle, à l’amoureux de la première rencontre. Bref, on voit non seulement l’homme qui a peur de s’engager mais qui viole sa femme n’acceptant pas d’être « largué ». Et on a encensé ce film, bien sûr !

    Ici, au Québec ces dernières années on a nos « petites » versions de l’homme irresponsable, incapable de s’engager : Horloge biologique, Les Invincibles, Québec-Montréal. Le dernier « cru » : « C.A. » transmis à Radio-Canada depuis hier soir. Comment nomme-t-on le sexe de la femme dans C.A. : UN CHANTIER. Cette série écrite par Louis Morissette et « « supervisée » par François Avard est sensé nous en faire voir de toutes les couleurs selon Monsieur Avard. Si on se fie à la série des « Bougon », on peut le croire. Tous sont portés sur le sexe (la porno, l’industrie du sexe, l’alcool, l’argent ou la drogue) sauf une des filles du groupe de 4 amis : c’est la « matante » du groupe, celle qui n’est pas ouverte, celle qui (Oh ! crime) qui juge ses amis. Tu ne penses pas comme eux, tu es contre eux !!! Je m’ennuie des « Belles histoires des Pays-d’en-Hauts », c’est vous dire !!! L’équivalent du « chantier » pourrait-il être la matraque, pour certains ?

    • > La matraque télévisuelle
      28 septembre 2006 , par
        [retour au début des forums]

      La matraque télévisuelle

      Par Lucie Poirier

      D’abord, merci Madame St-Amour, de m’avoir lue et d’avoir proposé des liens pertinents et une conclusion forte, significative et appropriée car la métaphore de la matraque correspond à des réalités sexuelles reflétées par des personnages télévisuels pour accentuer une hégémonie patriarcale, capitaliste, à la fois ancienne et néo-libérale.

      Hélas, les homonymes radio-canadiens se succèdent au Québec sans que l’image des femmes y gagne. Ainsi, nous sommes passées d’un avare (Séraphin Poudrier dans Les Belles Histoires des Pays-d’en-Hauts) à un Avard (François, auteur des Bougons) et la représentation des femmes reste déplorable et décourageante. Donalda est une sacrifiée résignée, maman Bougon, une frustrée sexuelle, sa fille Dolorès , une prostituée toxicomane et, alors que son autre fille, Mao, est une gamine intelligente, on la confond avec un garçon et elle n’est pas d’origine québécoise.

      Il faudrait informer cette haineuse et hargneuse francophobe, Jan Wong du Globe and Mail, que dans le paysage télévisuel ça va plutôt mal pour la québécoise « pure laine ».

      De plus, Avard, banalise la prostitution. Dans le film La rage de l’ange réalisé et co-scénarisé par Dan Bigras, la comédienne Louison Danis, qui d’ailleurs joue le rôle de Maman Bougon, interprète une travailleuse sociale déclarant à une prostituée toxicomane « Tu subis des agressions sexuelles graves tous les jours et tu y participes ». Pour exprimer la misère d’une travailleuse du sexe, il y a plus de vérité dans une seule phrase de Bigras que dans toutes les saisons des Bougons.

      Aussi, Avard est le plus efficace porte-parole de la droite gouvernementale ce qui explique pourquoi c’est à la société d’état qu’est diffusée sa série. En effet, Avard entretient et même attise la haine envers les assistés sociaux. À travers l’Histoire, toutes les sociétés se sont basées sur l’exploitation des pauvres. Pendant que le peuple méprise et accuse les pauvres, il ne va pas porter des pétitions aux députés, il ne participe pas à des manifestations, il n’écrit ni ne téléphone aux bureaux des ministres, il accepte que soit nommé Ministère de la Solidarité sociale un service où sont trahis les principes d’équité alors qu’on persiste à refuser l’indexation selon le taux d’inflation et qu’on a aboli le 21 juin une partie de la gratuité des médicaments en accord avec la loi 57, il n’exige pas la tarification sociale pour le transport en commun, il ne proteste pas contre le Canada et le Québec qui ont été blâmés par l’ONU en 1998 et en 2006 lors de leur comparution à Genève pour leur non-respect des droits sociaux, il ne réclame pas que Harper et Charest cesse d’ignorer complètement le rapport du comité de l’ONU sur les négligences gouvernementales en matière de pauvreté, de logement, d’alimentation et d’itinérance.

      Thérèse Lesage-Vézina a écrit : « un être humain peut être supérieur même si sa vie est modeste ». Or, qui sont ces démuniEs avec une vie modeste dans notre société, ces pauvres ridiculisés et trahis, ciblés et blâmés par Avard à travers les Bougons ? Des mères célibataires, des victimes de la DPJ, des psychiatriséEs désinstitutionaliséEs, des incestuéEs, des gens qui n’ont pas réalisé leurs rêves, des travailleuses/travailleurs mal-payéEs, des non-syndiquéEs, des personnes naïves, des êtres désillusionnéEs, des preuves vivantes de notre échec à établir une société égalitaire.

      Souvent, quand une personne émet des propos vindicatifs, l’autre réplique « Tu me fais des menaces ? », l’usage veut que la première rétorque alors « Non des promesses ». Malheureusement, quand Morissette et Avard, au sujet de leur nouvelle série, sont fiers de proclamer leurs promesses , nous pouvons considérer qu’avec l’argent de nos taxes et de nos impôts, ils nous font des menaces et qu’ils les mettront à exécution.

      Références :

      Bigras, Dan La rage de l’ange 2006, couleur, 107 min.

      Lesage-Vézina, Thérèse Pourquoi hésiter à écrire ? Cap-Saint-Ignace, La Plume d’Oie édition, 2001, 216 p.

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