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jeudi 30 novembre 2006

Quand la cause des femmes sert d’alibi

par Guy Roy






Écrits d'Élaine Audet



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Je n’ai pas d’autre mot pour décrire ma perplexité. Est-ce que l’occupation de l’Afghanistan sert la cause des femmes ?

Ce qui me vient en premier à l’esprit, c’est que les jeunes étudiantes afghanes servent d’alibi. On peut rappeler, en ce sens, la mobilisation de femmes durant la seconde guerre dans l’effort pour venir à bout du fascisme et leur retour au foyer à cause de l’élimination des garderies et des cantines dans les usines, où elles travaillaient avec un certain niveau d’indépendance économique. Il a fallu une autre génération de militantes féministes pour rappeler les promesses ainsi que les possibilités objectives de satisfaire aux revendications renouvelées des femmes.

C’est Simone de Beauvoir qui utilise le terme d’alibi pour décrire en quoi consiste la récupération de la lutte des femmes par le système politique qui ne s’ouvre qu’au minimum pour pouvoir utiliser la cause des femmes et avoir un alibi à fournir quand on l’interpelle sur cette question. Devant la grossièreté de tout ce qu’on refuse normalement aux femmes, la société patriarcale, s’exprimant à travers ses structures représentatives, permet tout de même l’exercice de quelques droits durement arrachés au fil des ans ou l’accès au pouvoir de quelques femmes, entre autres dans certains lieux de décision.

J’ai peine à considérer cela comme des victoires puisqu’elles ne sont encore que symboliques. Elles ouvrent cependant à des progrès objectifs en avouant timidement « un autre monde possible » pour les femmes, pour employer une expression à la mode. C’est pour cette raison qu’on peut tout de même savourer en même temps le potentiel de réformes et de gains individuels. Plus près de nous, on peut illustrer ces possibilités par l’accès à la parité dans l’administration des sociétés d’État au Québec après quelques années d’ouvertures démocratiques et avant-gardistes, mais pénibles, au sein des syndicats. La récupération est en fait un recul obligé des appareils politiques. Et elle peut toujours être invoquée par les féministes comme un refus d’aller plus loin, une sorte de blocage qui pourrait condamner à une sclérose de la société dans ce domaine. Là où on se réjouit, il devient important de garder le cap sur le but final, l’émancipation comme processus jamais vraiment complété historiquement. C’est loin d’être un état de fait. Il n’existe pas de femmes vraiment « libérées » tant que leurs soeurs croupissent sous le salariat, dans un état de pauvreté, ou sont soumises à des maris violents.

Ainsi, derrière l’alibi, il faut aussi reconnaître un relatif progrès. Il restera quand même à n’y voir qu’une concession partielle, réformiste, i.e. vulnérable aux remises en question par le pouvoir tant que celui-ci n’a pas changé de main radicalement pour être exercé par les femmes elles-même dans des lieux de pouvoir traditionnels ou dans les mouvements populaires.

Quand l’armée canadienne déclare servir la cause des jeunes femmes afghanes, il faut y voir l’aspect accessoire et plutôt secondaire que la mission principale. Ailleurs, aux Philippines, les femmes ont d’autres enjeux à défendre, comme le refus d’accepter des bases militaires américaines dont les soldats se sont faits violeurs ou usagers de la prostitution.

Est-ce qu’une armée d’occupation peut vraiment favoriser l’émancipation ? L’utilisation du discours féministe est une illustration d’une concession des armées qui habituellement ne s’embarrassent pas des conséquences réelles de leur occupation sur la sujétion de tout le peuple, sa moitié féminine comprise. Il y a d’ailleurs une formation propagandiste très spécifique et systématique par l’armée sur les rapports à entretenir avec les femmes afghanes auprès des soldats canadiens pour éviter les bavures patriarcales.

D’un autre point de vue, est-ce que la revendication du retrait des troupes est en contradiction avec les intérêts des femmes afghanes ? Trancher de façon définitive n’est pas simple dans ce cas et il est peut-être opportun d’envisager la solution la plus répandue dans les débats sur cette question : remplacer l’occupation violente, multinationale et néocoloniale de l’armée canadienne et des autres forces armées par un contingent de force d’interposition des casques bleus tout aussi multinational, mais plus légitime aux yeux du monde et des afghan-es eux/elles-mêmes. Ce n’est vraiment qu’à contre-coeur que cette concession pratique au militarisme mondial peut être faite, car une armée d’occupation est tout aussi embarrassante pour les femmes patriotes, par exemple, comme pour cette députée afghane demandant le retrait en interpellant la communauté internationale au congrès du NPD à Québec.

On ne saurait être dupe de la volonté d’en imposer, tout aussi bien aux femmes qu’aux hommes, d’une armée d’occupation. Si elle concède aux femmes un accès à l’éducation maintenant, qu’en sera-t-il quand elle exigera des futures femmes instruites une soumission aux impératifs de l’armée d’occupation comme la nécessité d’un travail salarié marchant au service d’une transnationale quelconque dans une maquilladoras, par exemple, ou l’acceptation docile pour la nation afghane du passage d’un pipeline sur son territoire pour l’accès à l’océan du pétrole du Caucase.

D’un autre point de vue, a-t-on jamais entendu parler du rôle des armées soviétiques comme instrument d’émancipation des femmes quand celles-ci affrontaient les Talibans armés par les États-Unis et lapidant les femmes soi-disant adultères ? Quelle différence y a-t-il entre l’armée canadienne et celle de l’URSS du point de vue des résultats, sinon l’occupation étrangère et une volonté manifeste de s’implanter sur une longue période, jusqu’à ce qu’un gouvernement local assure la stabilité nécessaire à la consolidation du pouvoir d’une bourgeoisie compradore locale ou d’un État au service des nouveaux colonisateurs ?

En fait, ce n’est que lorsqu’ils peuvent compter sur une forme de gouvernement servile que des troupes étrangères se retirent ou s’abstiennent d’intervenir laissant ces gouvernements internes agir à leur guise puisqu’ils se plient à toutes les concessions du néocolonialisme. Comme au El Salvador, par exemple, qui accueille depuis six ans des bases militaires américaines et, sur ces bases, des écoles pour les policiers de toute l’Amérique latine comme l’Académie Internationale de Police, et quand il adopte le dollar étasunien avec les principes du néolibéralisme pour motiver sa gestion interne.

Il arrivera sans doute aux armées d’occupation étrangères, dont l’objectif principal reste l’ouverture ou la consolidation de marchés ou l’accès aux ressources naturelles, ce qui attend tout occupant depuis les grands mouvements de décolonisation d’après guerre, une résistance vigoureuse, consciente et émancipatrice des femmes et des hommes de l’Afghanistan. L’Irak l’illustre mieux que l’évocation de n’importe quel grand appel à la lutte anti-impérialiste. Peut-être qu’à travers cette quête de la liberté, l’intégrisme religieux apparaîtra aux yeux des jeunes femmes afghanes instruites (n’est-ce pas un des objectifs de l’éducation à la démocratie que de prévenir la soumission aveugle à la tyrannie ?) pour ce qu’il est, un handicap sérieux à leur émancipation en même temps qu’à la libération nationale.

D’un point de vue local et immédiat, ne peut-on pas souligner le rôle du refus d’augmenter le salaire minimum de Bouchard, malgré la mobilisation nombreuse des femmes québécoises, sur la décision de la consoeur David de faire le saut en politique avec Option citoyenne puis à Québec solidaire ?

Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 novembre 2006



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Guy Roy

L’auteur est marin-fonctionnaire (assistant-mécanicien) sur un brise-glace de la Garde Côtière canadienne et délégué syndical sur ce navire à l’Alliance de la fonction publique du Canada affiliée à la FTQ. Il exerce son activité militante au sein du Parti communiste du Québec et de Québec solidaire. Sa chronique offre sa vision d’un monde solidaire.



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  • Raison de plus pour en sortir au plus vite
    (1/1) 3 décembre 2006 , par





  • Raison de plus pour en sortir au plus vite
    3 décembre 2006 , par   [retour au début des forums]

    L’Afghanistan et l’Irak ne sont pas le Vietnam. C’est bien pire. Et qu’est-il arrivé au Vietnam ? Ils ont perdu. Nous avons perdu. Car si le Canada n’était pas engagé militairement au Vietnam comme il l’est en Afghanistan, il jouait la carte diplomatique pour trouver un terrain d’entente qui aurait accommodé les USA. La Pologne était le pendant du camp socialiste cherchant une issue pour le Vietnam Nord. En 1975, le Vietcong libérait le Sud.

    Maintenant, le Canada, pays satellite par excellence des USA, est allé plus loin sans envisager une possible défaite humiliante. Il s’est porté à la défense d’un allié trop confiant dans ses propres forces. Les illusions ont la vie dure chez les dirigeants politiques qui ne savent pas tirer de leŸons de l’histoire.

    L’OTAN, qui devrait servir d’armée mercenaire à Bush, se divise. Ce dernier lance un appel à la conqu ?te du monde sous sa gouverne par alliance militaire interposée. Ce n’est pas si simple. Si l’OTAN devait y souscrire, elle rencontrerait sans doute une résistance farouche des anciennes colonies, facteur de paix dans ce contexte, qui ne renonceront pas, pour les plus indépendantes, à leur liberté.


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