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dimanche 26 novembre 2006

Et si l’UQAM s’engageait contre la marchandisation des femmes ?

par Micheline Carrier






Écrits d'Élaine Audet



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Lors des échanges sur la participation de l’UQAM à une formation du groupe pro-prostitution, Stella, j’avais posé la question suivante, sur un projet hypothétique, à Irène Demczuk, des Services aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Les Services à la collectivité de l’UQAM accorderaient-ils un soutien aussi inconditionnel et aussi fervent à un groupe ou à plusieurs groupes qui mettraient sur pied, en collaboration avec les chercheur-es Yolande Geadah, Richard Poulin et Rose Dufour, par exemple, une formation de deux ans destinée aux professionnel-les de la santé, de la justice, aux médias, aux groupes de femmes, etc., sur le thème suivant : « Formation : ’Prostitution et aliénation des femmes’ - Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sans jamais oser le demander sur les liens entre la prostitution locale, la traite des femmes et des enfants et le crime organisé » ? Avec comme programme avoué de "démythifier, à l’heure de la mondialisation des industries du sexe, le discours banalisant la prostitution ainsi que le rôle que jouent les proxénètes et les prostitueurs dans la dégradation des conditions de vie des femmes » ? Ce programme comporterait un volet sur les services destinés aux personnes prostituées ainsi que sur les multiples difficultés et discriminations qu’elles rencontrent, sans toutefois essayer de faire reconnaître la prostitution comme un métier par les profession-les de la santé, de la justice, les universitaires ou autres. Les Services à la collectivité de l’UQÀM donneraient-ils leur soutien technique et logistique, fourniraient-ils des locaux et l’encadrement, aideraient-ils à obtenir des subventions pour réaliser ce projet ? Je pose sérieusement cette question. » (Micheline Carrier, le 16 novembre 2006.)

Irène Demczuk a répondu sur la liste féministe NetFemmes et j’ai répondu à nouveau. Voici de larges extraits de ces échanges diffusés dans les réseaux féministes.

Le premier texte intégral d’Irène Demczuk a été publié sur Netfemmes. La réponse à cette question a été publié sur la liste de discussions. (Référence : Netfemmes

Irène Demczuk : « Ainsi, si un groupe communautaire, de femmes ou un syndicat fait une demande au Service pour un projet tel que décrit par Madame Carrier, la demande serait sans doute admissible. Le rôle de l’agente serait de recevoir cette demande, d’en clarifier les objectifs et de chercher un professeur de l’UQAM qui accepterait de co-diriger ce projet de formation. Toutefois, dans l’hypothèse soulevée par Madame Carrier, aucun des trois chercheurs mentionnés n’est professeurs à l’UQAM. »

Micheline Carrier : Non, effectivement. Et, connaissant la position de ces chercheur-es sur la prostitution et la marchandisation, je doute qu’ils seraient engagés par l’UQAM. Toutefois, n’y a-t-il pas à l’UQAM des chercheuses qui travaillent sur le sujet de la traite des femmes ? On ne connaît pas publiquement leur position sur la décriminalisation de la prostitution et du proxénétisme, puisqu’elles ne l’ont pas fait connaître publiquement, mais qui sait, peut-être seraient-elles éventuellement intéressées à une formation du genre que je décris ? Dans certaines universités, il se donne au programme régulier des cours sur les "industries du sexe à l’heure de la mondialisation".

I. D. : « Il arrive dans maints projets qui nous sont soumis que nous ne trouvons pas de ressources universitaires ayant l’expertise ou la disponibilité pour répondre à la demande du groupe, et cela n’a rien à voir avec la problématique du travail du sexe. »

M. C. : Est-on averti d’avance que le projet n’a pas grand chance d’être accepté ? "Dans maints projets", on ne trouve pas de ressources... Ne serait-ce pas un motif de plus d’accepter des ressources de l’extérieur, qui pourraient être aussi qualifiées que les ressources de l’UQAM ? Ce ne serait pas la première fois que l’UQAM invite des profs de l’extérieur. Si les Services à la collectivité ont pour but d’aider les groupes de la communauté montréalaise à mener à bien leurs projets, alors, l’origine des professeurs importe-elle ? Après tout, il s’agirait de collaborer à une formation donnée par des groupes, comme le font Madame Mensah et l’École de travail social dans une formation proposée par Stella. Ai-je bien compris que les groupes demandeurs sont les maîtres-d’oeuvre de la formation et que les profs et les Services à la collectivité encadrent et aident ?

I. D. : « Si le projet prend forme, il est soumis à un comité conjoint ou de concertation dépendamment des domaines. Il existe un comité conjoint pour le Protocole UQAM/Relais-femmes formé de représentantes de Relais-femmes (et ses groupes membres) et de l’UQAM (notamment de l’IREF). Ce comité a un rôle aviseur et voit à la planification et au bon développement des activités du Protocole. »

M. C. : C’est ici peut-être que le projet, toujours hypothétique, serait bloqué si - je dis bien SI - le comité aviseur comptait un nombre majoritaire de membres favorables à la reconnaissance de la prostitution comme travail, pour la décriminalisation totale de la prostitution (i.e. du proxénétisme), qui ne voient pas le lien entre prostitution locale et traite des femmes, sont de ferventes militantes pro-Stella et ne peuvent pas entendre ou lire le nom de Richard Poulin ou de Rose Dufour sans blêmir. En passant, que Relais-femmes et l’IREF endossent une telle formation décrite par le Centre des femmes de Laval dans le texte d’Ana Popovic (http://netfemmes.cdeacf.ca/les_actualites/lire.php?article=6360), qui a eu l’expérience d’une telle formation, est pour moi une source de profonde réflexion sur le féminisme.

I. D. : « À cette étape, certains projets peuvent être retardés à cause du manque de ressources humaines à la coordination du Protocole, mais nous nous efforçons, dans la limite de nos moyens, de répondre efficacement aux demandes nombreuses des groupes de femmes. »

M. C. : Cela pourrait être un bon motif de rejet, en effet, difficile à contester de la part des groupes organisateurs qui pourraient voir leur projet "retarder" sine die. Il serait toujours possible d’arguer que le projet ne peut se réaliser à cause "des demandes nombreuses des groupes de femmes". J’ai presque l’envie de mettre le projet sur pied pour voir ce que ça donnerait. Y aurait-il des volontaires ?

I. D. : « Quant à la recherche de financement, une fois le partenariat établi, c’est une stratégie d’équipe impliquant chacun des partenaires réunis en comité d’encadrement de trouver des sources de financement permettant la menée du projet. Il n’y a pas en ce domaine de recette miracle, mais le partenariat est une force. Notre petite équipe de 4 coordonnatrices au Service travaille de manière dynamique au développement de tous les projets, petits et grands, que nous menons. »

M. C. : Et si on ne trouvait pas de ressources à l’UQAM mais que les profs et les groupes organisateurs acceptaient de participer bénévolement à la formation ? Les lieux physiques seraient-ils accessibles ?

I. D. : « Concernant le soutien logistique, cela fait partie de notre travail dans le cadre d’un projet partenarial. Mais les groupes qui organisent des événements peuvent aussi eux-mêmes réserver des locaux, sans passer par le Service, en réservant des espaces auprès du Service des immeubles et de l’équipement de l’UQAM. »

M. C : Les locaux sont-ils gratuits, sinon peut-on avoir une petite idée des coûts approximatifs pour une formation de même durée, par exemple, que celle offerte par Stella ?

I. D. : « Bref, j’espère qu’on comprendra que nous ne sélectionnons pas les projets, nous répondons aux demandes des groupes dans la limite de nos ressources et moyens. »

M. C. : Bien sûr. J’espère qu’on comprendra que je crois les Services à la collectivité tout à fait objectifs et impartiaux sur le choix de projets concernant la formation donnée par Stella et sur la question de la décriminalisation. En fait, mon pricipal casse-tête, ces temps-ci, c’est d’essayer d’appliquer la notion d’impartialité aux liens entre une institution universitaire, des groupes de recherches féministes et la marchandisation des femmes et des êtres humains en général (ce qu’est la prostitution).

Ceci dit, j’estime que les Services à la collectivité de l’UQAM jouent un rôle très important pour le mouvement des femmes et la collectivité en général. Les interpeller, c’est reconnaître leur importance. Il serait peut-être souhaitable, toutefois, que les critères de sélection des projets de groupes ainsi que des groupes partenaires soient tels qu’il ne puisse y avoir "conflit d’intérêt ni apparence de conflit d’intérêt".

Irène Demczuk n’a pas poursuivi la discussion, alors les échanges se sont terminés ainsi.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 25 novembre 2006



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Micheline Carrier
Sisyphe

Micheline Carrier est éditrice du site Sisyphe.org et des éditions Sisyphe avec Élaine Audet.



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