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mercredi 1er août 2007 Migrations africaines et violences : Où est le danger ? Où est la vérité ?
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Ce texte a été écrit le 13 juin 2007, avant les élections législatives françaises. Le colonialisme des pays riches, qu’il décrit, concerne non seulement l’Afrique, mais toutes les régions du monde qui ont des richesses à exploiter.
"C’est l’Afrique qui est en danger" Dans quelques jours, avec la fin des élections législatives, la France va Pour les cinq années à venir, elle est de droite, libérale et décomplexée. Ainsi l’a voulu la majorité des Français et des Françaises, dans le cadre d’un processus électoral où tout, ou presque tout, passe au peigne fin, sans tabou contrairement à nos démocraties balbutiantes où la transparence des urnes prime sur le débat de fond quant à notre sort dans un monde dit globalisé mais en réalité compartimenté, dont nous sommes le parent pauvre ainsi que le paria. C’est d’abord en cela que nous sommes en danger. Car, contrairement Le changement générationnel que nous appelions, nous aussi, de tous nos voeux, avec la fin de l’ère Chirac, a bien eu lieu, sauf que notre continent est sacrifié sur l’hôtel du marché roi. N’entendez-vous pas au large des côtes de l’Atlantique et de la Méditerranée les cris des milliers de jeunes naufragés qui doivent ce destin cruel à la primauté des valeurs marchandes sur le droit à la vie ? La droite française qui les revendique haut et fort n’est décomplexée que par rapport à l’enrichissement, ici et maintenant, aux crimes économiques du passé et à venir ainsi qu’au repli identitaire. Car pour aller vite, dans l’accumulation des richesses, il vaut mieux être entre soi, parler la même langue, pratiquer la même religion et avoir la même couleur de peau. L’immigration zéro de l’extrême droite n’étant pas réalisable, à moins d’exterminer tous les non-blancs, l’immigration choisie fera l’affaire. L’Afrique noire paie un tribut particulièrement lourd à cet ordre arrogant, sélectif, nécessairement autoritaire et violent. Pour rassurer une opinion publique française sous hypnose mais malgré tout consciente de ses valeurs de justice et de fraternité, on tâchera d’arroser la fermeté d’un zeste d’humanité. C’est ainsi que le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement, Brice Hortefeux, s’est penché il y a quelques jours à Toulon, sur les dépouilles de dix-huit de ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants que la fermeté condamnent à voyager dans l’ombre. Il n’a pas pu s’empêcher de rappeler, face à ces corps sans vie, qu’ils "étaient tous des candidats à l’immigration clandestine tentant de rejoindre illégalement les terres européennes". Le mal dont nous sommes devenus malgré nous le symbole sera combattu avec La plupart des passagers des vols d’Air France, vers les différentes capitales africaines, seraient de cet avis. Ceux du vol AF 796, le 26 mai 2007, ont assisté à l’une de ces scènes qui édifient quant au sort réservé aux humbles et aux laissés pour compte. "On croit d’abord à une bagarre entre passagers. Certains veulent les séparer mais en sont vite dissuadés par les policiers qui se font alors connaître. S’ensuit une scène d’une grande violence : l’un des policiers pratique un étranglement sur le passager, l’autre lui assène de grands coups de poing dans le ventre. Ses hurlements se transformèrent en plaintes rauques. Cette tentative de maîtrise dure dix minutes, peut-être plus et suscite immédiatement chez les passagers un mouvement de protestation Et gare à ceux et celles qui ont le malheur de voir que leurs semblables Au fur et à mesure que les distances se rétrécissaient du fait des progrès des moyens de transport et de communication, nous avions espéré que nous pourrions rencontrer les autres, nos semblables, et que entre Français et Maliens, Européens et Africains libérés de nos préjugés et de nos peurs, nous allions enfin nous apprivoiser mutuellement. C’est Antoine de Saint-Exupéry qui dit que si nous nous apprivoisons, nous aurons besoin l’un de l’autre. Il n’avait pas vu venir la mondialisation marchande et déshumanisante, dans laquelle tout se mesure en termes de taux de croissance et de PIB. C’est ainsi que l’ancien De quel côté se situe donc le danger ? Du côté des morts, dont les 4 000 Les évènements dramatiques de Ceuta et Melilla en septembre/octobre 2005, Les six grévistes de la faim de Cachan le soulignent dans leur lettre au Où est la vérité ? Les puissants de ce monde voudraient, malgré tout, avoir le monopole de la vérité et de la justice. Les problèmes sont délibérément mal posés pour "légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte", faisait déjà remarquer Aimé Césaire dans son lumineux « Discours sur le colonialisme ». Les électeurs-trices français-es et européen-nes qui se laissent piéger par le spectre d’une invasion de leurs pays et, d’une manière générale, de l’Europe, par des migrants "illégaux", "clandestins","sans papiers", seraient plus solidaires avec ceux-ci s’ils savaient que la mondialisation dont ils redoutent tant les méfaits est allée fort loin en Afrique dans la destruction de l’emploi, notamment celui des jeunes, du lien social et des écosystèmes. Dans son appel "fraternel" à tous les Africains, le nouveau Président de la France qui se promet de nous "aider à vaincre la maladie, la famine, la pauvreté et à vivre en paix", commet la même erreur que les autres dirigeants occidentaux. Ils s’interdisent de diagnostiquer les maux du continent à la lumière des conséquences de leurs propres appétits et convoitises de matières stratégiques. La crise du Darfour, pour laquelle la France se passionne tant avec son nouveau ministre des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, comme chef d’orchestre, ainsi que les flux migratoires africains dont elle préfère occulter les causes historiques et macro-économiques, souffrent de ce déficit théorique. Du Biafra au Darfour, certains humanitaires privilégient la part de la L’Afrique n’est pas dans l’impasse pour avoir refusé de s’ouvrir à l’économie mondiale à laquelle sa participation en termes relatifs, est plus importante que celle des autres régions mais pour l’avoir subie depuis le commencement. Le scandaleux dossier des subventions américaines et européennes à leurs cotonculteurs, et la manière dont l’Union Européenne veut arracher aux pays ACP des accords de partenariat économique qui les fragilisent, prouve que pour gagner, les pays riches doivent tricher et sur toute la ligne. Le FMI et la Banque mondiale se trompent sans arrêt de solutions et s’autopardonnent ; la France et les autres membres du club des riches font semblant de s’indigner devant les victimes du Darfour alors qu’il s’agit du contrôle du pétrole face à une Chine boulimique et décomplexée, elle aussi, quant à la bonne gouvernance, selon les règles de l’Occident. Pourquoi les mêmes puissances mondiales n’ont-elles pas réagi avec la même La quasi-totalité des candidat-es africain-es à l’émigration légale et illégale, ne songeraient pas à quitter leurs pays si, au lieu des Que dire du fameux codéveloppement ? Le co-développement peut être résumé dans les circonstances actuelles comme la touche d’humanité sur laquelle comptent les artisans de l’immigration choisie, à la fois pour freiner les départs, pour favoriser le retour de ceux qui se laissent convaincre, leur participation au développement de leurs pays d’origine. L’approche sécuritaire et l’approche développementaliste sont ainsi appelées à faire bon ménage. N’est-ce pas effarant de constater ainsi qu’un Le co-développement serait un progrès parce qu’il innoverait en rentabilisant davantage l’argent des migrant-es par le truchement de l’investissement productif. Rien n’est moins certain tant que l’on n’aura pas desserré l’étau de la dette extérieure, des conditions des bailleurs de fonds et dénoncé le caractère déloyal du commerce mondial. À qui les jeunes candidat-es à l’immigration ou des migrant-es de retour vendront-ils quand les marchés sont inondés de biens subventionnés venus d’Europe et d’ailleurs, auxquels il faut ajouter les produits chinois bon marché ? Si le co-développement n’est que leurre et la coopération au développement un pillage, la perspective d’expulser 25 000 personnes par an dans des pays ruinés par le système néolibéral est plus qu’inquiétante. Les pays riches sont certainement libres de se barricader et de ne pas accueillir la misère du monde pourvu qu’ils ne contribuent pas à la secréter et à l’aggraver en amont par leur comportement de prédation et de sabotage du processus de démocratisation. Puissent les électeurs et électrices de France et des autres pays européens piégés par le discours alarmiste des combattants de l’immigration clandestine se souvenir, au moment de glisser leur bulletin dans l’urne, que l’ennemi africain - arabo-musulman et subsaharien - est une construction politique. Qu’ils se souviennent surtout que leur vote engage également notre destin. Source : Journal Grain de sable, Attac Info 572, 13 juillet 2007. On peut s’abonner à Grain de sable, à cette adresse. Le Grain de sable autorise la rediffusion de ses textes à la condition d’en mentionner la source. Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er août 2007 |