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mercredi 3 octobre 2007

Des idées reçues compromettent la sécurité des enfants lors des litiges de garde (Partie I)

par Stephanie J. Dallam et Joyanna L. Silberg






Écrits d'Élaine Audet



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Un article du Leadership Council on Child Abuse and Interpersonal Violence. Article original : S.J. Dallam et J.L. Silberg. Myths that place children at risk during custody disputes. Sexual Assault Report, (Janv./fév. 2006) 9(3), 33-47. (PDF)

Le Leadership Council on Child Abuse & Custody est un organisme scientifique sans but lucratif dont la préoccupation est l’intérêt des enfants. Nous trouvons de plus en plus inquiétant le traitement des victimes de violence interfamiliale au moment des procédures de divorce et d’attribution de la garde des enfants. Le Leadership Council a examiné les comptes rendus d’une foule de causes où des enfants ont été confiés à la garde exclusive d’un parent qui, aux dires de l’enfant, l’agresse physiquement ou sexuellement. Bon nombre de ces enfants se sont vus interdire tout contact ou allouer des contacts limités avec le parent qui cherchait à protéger l’enfant de ces agressions - et ce malgré le fait que ce parent n’avait jamais été trouvé coupable de quelque tort à l’enfant. Dans la plupart de ces causes, les allégations de l’enfant étaient tout à fait crédibles.

Certains groupes se sont opposés à la divulgation de ce problème en prétendant que cette information cachait un agenda politique ou qu’elle était « anti-pères ». Notre analyse indique, au contraire, que le problème des abuseurs ou des agresseurs physiques qui obtiennent des droits de garde est très répandu et bien documenté par des études. Le fait de présenter cette information ne constitue pas une tentative de discréditer un groupe donné, mais bien un effort visant à sensibiliser la collectivité des professionnel-les à l’étendue de ce grave problème qui menace la sécurité des enfants.

La tolérance sociale des mythes dénoncés dans le présent texte facilite la tâche aux auteurs de violence familiale en leur accordant la garde de leurs victimes, en encourageant un déni collectif de l’échec de l’appareil judiciaire à protéger ces enfants. Nous, du Leadership Council, avons préparé cette analyse parce que nous croyons que la société dans son ensemble est gagnante lorsque le public a accès à des renseignements exacts concernant les sévices infligés aux enfants et les autres formes de violence interpersonnelle.

Présentation

Aux États-Unis (et en Amérique du Nord en général), environ un mariage sur deux se conclut par un divorce, impliquant plus d’un million d’enfants par an. Environ 10% de ces divorces sont marqués par un litige concernant la garde des enfants. Par ailleurs, la violence faite aux enfants constitue un problème très répandu dans nos sociétés et les familles ayant des antécédents de violence se terminent souvent par un divorce. Des préoccupations sur la sécurité des enfants sont au coeur de certains des procès de garde d’enfant les plus déchirants.

Malheureusement, on constate que les litiges de garde peuvent devenir une façon pour les conjoints violents et les agresseurs d’enfants d’étendre ou de maintenir leur contrôle et leur autorité sur leurs victimes après la dissolution du mariage. Même si la recherche n’a pas observé d’incidence plus élevée de fausses allégations de violence parentale ou conjugale dans le contexte de litiges de garde ou de droits de visite, le personnel judiciaire a tendance à être exagérément soupçonneux des déclarations faites à ce moment. De ce fait, les parents violentés et leurs enfants peuvent se voir revictimisés par l’appareil judiciaire après la séparation de l’agresseur.

Il n’est pas simple de déterminer quel parent devrait obtenir la garde principale lorsque les parents sont incapables de s’entendre à ce sujet. Les évaluateurs des questions de garde d’enfants sont souvent mal entraînés à reconnaître une situation de violence parentale ou conjugale et à en tenir compte. Pour cette raison, les observateurs des pratiques actuelles ont remarqué que les décisions prises en matière de garde d’enfants reposent trop souvent sur des idées reçues, des interprétations erronées des faits ou les préjugés de l’évaluateur. Voici un aperçu de certaines des idées reçues non fondées qui ajoutent au problème du manque de protection des enfants par les tribunaux familiaux contre la violence parentale.

Idée reçue no 1 : Les allégations de violences sexuelles sont chose commune dans les litiges de garde, et la grande majorité de ces allégations sont fausses, non fondées ou non corroborées.

Beaucoup de gens croient que les allégations de violence sont très courantes dans les litiges de garde et de divorce et qu’elles sont surtout utilisées par les mères pour s’assurer d’un avantage tactique. Lorsque des parents en situation d’antagonisme vivent des litiges d’ordre judiciaire, il est raisonnable de s’inquiéter de leurs motivations lorsqu’il y a allégations de violence. Cependant, les recherches ont toujours démontré que les allégations de violence sexuelle ne sont pas courantes dans les litiges de garde et les enquêtes approfondies indiquent qu’elles ne sont pas plus susceptibles d’être fausses que les allégations soulevées à d’autres moments.

Cette question a été examinée par un organisme de Denver (Colorado), l’Unité de recherche de l’Association of Family and Conciliation Courts. Son étude, menée sur deux ans, a exploré l’incidence et la validité des allégations d’agression sexuelle soulevées au moment d’un litige de garde. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les allégations de sévices sexuels au moment d’un litige de garde sont relativement courantes, cette étude a conclu que, dans les 12 États participant à l’étude, seulement 6% des causes de garde impliquaient des allégations d’agression sexuelle. Le préjugé voulant que ces allégations soient habituellement fausses a lui aussi été battu en brèche par les résultats de l’étude. Les enquêteurs ont acquis la conviction que la moitié des allégations étaient véridiques, que 17% des plaintes ne permettaient pas une détermination avec quelque degré de certitude, et que le tiers des cas ne semblaient pas associées à une agression. Toutefois, dans la plupart des cas où la plainte n’était pas corroborée par des faits, les évaluateurs ont jugé que les allégations avaient été faites de bonne foi et fondées sur des soupçons authentiques.

D’autres chercheurs ont trouvé des résultats semblables. Une étude menée en Australie (Brown et al., 1997) a conclu que le taux des fausses allégations au moment du divorce était d’environ 9%, soit à peu près le même que le taux des fausses allégations en temps normal. Schumann (2000) a compilé des études qui indiquaient une gamme de 1-5% d’allégations délibérément fausses et de 14-21% d’allégations erronées.

Il importe également de noter que lorsqu’il y a fausses allégations, ce ne sont pas toujours les mères qui accusent les pères. Nicholas Bala et John Schuman, deux professeurs de droit de l’Université Queen’s, au Canada, se sont penchés sur l’ensemble des décisions publiées rendues par des juges canadiens dans les causes où il y avait eu allégations de violence physique ou sexuelle dans le contexte d’une séparation des parents. Ils ont analysé 196 causes de droit de la famille jugées entre les années 1990 et 1998. Les résultats indiquent que, de l’avis des juges, un tiers seulement des causes d’agression d’enfants non démontrées découlant de litiges de garde impliquaient un mensonge délibéré par la partie plaignante en Cour. Dans ces causes, les juges ont constaté que les pères étaient plus susceptibles que les mères d’inventer de toutes pièces des accusations. En fait, 1,3% seulement des allégations déposées par des femmes ont été jugées délibérément fausses par les tribunaux civils, en comparaison de 21% des allégations semblables déposées par la partie masculine du couple en rupture.
En conclusion, les données probantes disponibles réfutent la notion d’une épidémie d’allégations d’agression sexuelle lancées dans le contexte de litiges de garde et de droit de visite et démentent la notion voulant que de tels cas soient habituellement signalés par un parent vengeur ou gravement déséquilibré. Les recherches actuelles ne donnent aucune indication suggérant qu’un nombre significatif de parents déposent des signalements inventés pour remporter des litiges de garde d’enfants.

Pour en savoir plus, lire les documents suivants :

• Bala, Nicholas et John Schuman (2001). « Allégations de violence envers les enfants lorsque les parents sont séparés », site Web de Justice Canada, consulté le 1er sept. 2007.
• Brown, Thea, Margareta Frederico, Lesley Hewitt et Rosemary Sheehan (1998). « Problems and solutions in the management of child abuse allegations in custody and access disputes in the family court », dans Family and Conciliation Courts Review, 36(4), 431-443.
• Schuman, Theresa M. (2000). « Allegations of sexual abuse », dans Complex issues in child custody evaluations, sous la direction de Philip Stahl, Sage : Thousand Oaks, 43-68.
• Thoennes, Nancy et Patricia Tjaden. (1990). « The extent, nature, and validity of sexual abuse allegations in custody and visitation disputes », dans Child Sexual Abuse & Neglect, 14(2), 151-63.

Idée reçue no 2 : Les antécédents de violence conjugale n’ont aucun rapport avec la violence parentale.

Les personnes qui ont vécu de la violence conjugale craignent souvent pour la sécurité de leurs enfants - surtout après une séparation lorsqu’elles ne sont pas là pour s’interposer dans l’intérêt de l’enfant. D’aucuns ont laissé entendre que cette crainte était sans fondement, en prétendant qu’il n’existait pas de corrélation significative entre la violence conjugale et diverses formes de violence parentale. Toutefois, une foule de recherches démentent cette position, en démontrant que la dynamique de pouvoir qui conduit à la violence conjugale peut aussi résulter en des violences à l’égard des enfants. Comme l’indique un rapport de l’American Psychological Association, il est logique de prédire que les pères qui agressent la mère de leurs enfants utiliseront des techniques abusives de pouvoir et de contrôle pour maîtriser également leurs enfants. (APA, 1996)

À ce jour, plus de 30 études ayant examiné la co-occurrence de la violence conjugale et de la violence parentale ont constaté un important chevauchement. Dans l’ensemble, ces deux formes de violence ont été constatées dans 40% des familles étudiées, soit de 30% à 60% dans la majorité de ces familles (Appel et Holden, 1998, Edleson, 1999).

La donnée probante la plus convaincante provient d’un sondage représentatif mené à l’échelle des USA auprès de 3 363 parents américains. La violence conjugale a été reconnue comme un prédicteur statistiquement significatif d’agression physique contre les enfants ; plus la violence infligée au ou à la conjointe était sévère, plus il y avait de probabilités d’agression physique des enfants par le conjoint physiquement agressif. Cette relation est plus marquée pour les maris que pour les épouses. La probabilité d’agression des enfants par un mari violent augmente de 5% pour un acte de violence conjugale à près de 100% pour 50 actes de violence conjugale ou plus. La probabilité d’agression des enfants par une épouse augmente de 5% pour un acte de violence conjugale à 30% pour 50 actes de violence conjugale ou plus.
Même s’il existe moins de recherches sur la co-incidence entre la violence conjugale et les agressions sexuelles d’enfants, les données existantes indiquent qu’il y a raison de s’inquiéter. G. Pavesa (1988) a procédé à une étude soigneusement contrôlée de 34 familles où il y avait eu inceste père-fille et a comparé ces familles à un groupe contrôle de 68 familles. Les filles de conjoints violents étaient 6,5 fois plus susceptibles que les autres filles d’être victimes d’inceste père-fille.

On a aussi localisé au moyen de sondages menés auprès d’enfants des preuves d’une co-occurrence entre la violence conjugale et les agressions sexuelles infligées aux jeunes. Par exemple, Roy (1988) a interviewé 146 enfants âgés de 11 à 17 ans qui avaient été exposés à de la violence conjugale. Près du tiers des filles (31%) soit indiquaient avoir été agressées sexuellement par leur père, soit présentaient des antécédents d’agression sexuelle au dossier. Un sondage mené auprès de 313 étudiantes de niveau collégial a révélé la même tendance. Neuf pour cent des femmes ont indiqué avoir observé une forme ou une autre d’affrontement physique entre leurs parents. Le fait d’assister à de la violence conjugale a été associé à celui d’avoir vécu des agressions physiques ou sexuelles au cours de l’enfance (Feerick & Haugaard, 1999).

Mais un enfant n’a même pas à être agressé physiquement ou sexuellement pour souffrir de la violence conjugale. Les études menées sur cette question de l’exposition des jeunes à la violence conjugale ont uniformément identifié toute une gamme de séquelles négatives chez eux (Kernic et al., 2003 ; Wolfe et al., 2003). En fait, les enfants exposés à de la violence conjugale peuvent afficher des niveaux de problèmes affectifs et comportementaux comparables à ceux d’enfants directement victimisés par de la violence physique ou sexuelle (Jaffe, Wolfe, et Wilson, 1990).

Pour plus de renseignements, on peut consulter les ressources suivantes :

• American Psychological Association. (1996). Report of the APA Presidential Task Force on Violence and the Family, Washington, D.C. : Auteure.
• Appel, A. E. et G. W. Holden (1998). « The Co-occurrence of Spouse and Physical Child Abuse : A Review and Appraisal », Journal of Family Psychology, 12(4), 578-599.
• Bancroft, L., et J. Silverman (2003). The Batterer as Parent. Thousand Oaks, Cal. : Sage.
• Bancroft, L. et J. Silverman (2002). Assessing risk to children from batterers.
• Edleson, J. L. (1999). PDF : « The overlap between child maltreatment and woman battering », Violence Against Women, 5(2), 134-154.
• Feerick, M. M. et J.L. Haugaard (1999). PDF : « Long-term Effects of Witnessing Marital Violence for Women : The Contribution of Childhood Physical and Sexual Abuse », Journal of Family Violence, 14(4), 377-398.
• Kernic, M.A., Wolf, M. E ., Holt, V.L., McKnight, B., Huebner, C.E. et F.P. Rivara (2003). « Behavioral problems among children whose mothers are abused by an intimate partner », Abuse & Neglect, 27(11), 1231-46.
• Jaffe, P. G., Wolfe, D. A. et S.K. Wilson (1990). Children of battered women. Newbury Park, Cal. : Sage Publications.
• Paveza, G. (1988). « Risk factors in father-daughter child sexual abuse », Journal of Interpersonal Violence, 3(3), 290-306.
• Ross, S. M. (1996). « Risk of physical abuse to children of spouse abusing parents », Child Abuse & Neglect, 20(7), 589-98.
• Roy , M. (1988). Children in the crossfire : Violence in the home - how does it affect our children ? , Deerfield Beach, Fl. : Health Communications.
• Straus, M. A. (1983). « Ordinary violence, child abuse, and wife beating : What do they have in common ? » Dans D. Finkelhor, R. J. Gelles, G. T. Hotaling, et M.A. Straus (éds.), The dark side of families : Current family violence research, Newbury Park, Cal. : Sage, pp. 213-234.
• Wolfe, D. W. Crooks, C. V., Lee, V., McIntyre-Smith, A. et P.G. Jaffe (2003). « The effects of exposure to domestic violence on children : A meta-analysis and critique », Clinical Child and Family Psychology Review, 6, 171-187.

Idée reçue no 3 : Les transferts de garde aux parents violents sont chose rare.

D’aucuns laissent entendre que les transferts de garde d’enfants à des parents agresseurs sont des événements exceptionnels. La plupart d’entre nous aimeraient qu’il en soit ainsi. Malheureusement, les études empiriques consacrées à ce problème ont maintes fois démontré que les hommes qui réclament la garde de leurs enfants l’obtiennent souvent, qu’ils aient ou non des antécédents de violence.
Si les femmes sont plus susceptibles d’obtenir la garde des enfants, c’est habituellement parce qu’elles sont plus susceptibles de la demander. Dans les cas où les hommes demandent la garde, ils l’obtiennent plus souvent qu’autrement. Par ailleurs, selon un rapport de l’American Psychological Association, un père agresseur est plus susceptible qu’un père non violent de réclamer une garde exclusive et il a autant (sinon plus) de chances que la mère de se la voir attribuer (APA, 1996). Un rapport de l’American Judges Foundation signale que dans 70% des cas où un agresseur demande la garde, il arrive à convaincre le tribunal de la lui accorder.

La majorité des parents impliqués dans ce qu’on appelle un « divorce très conflictuel » avec litiges de garde d’enfants signalent des antécédents de violence conjugale ou parentale. Par exemple, une étude portant sur un échantillon de parents référés par les tribunaux à des évaluations liées à la garde d’enfants a fait valoir que la violence conjugale avait été mentionnée dans 75% des cas (Jaffe et Austin, 1995, cité dans Jaffe, Crooks et Poisson, 2003). Une autre étude a révélé que de 70% à 75% des parents référés à un service de counseling par les tribunaux familiaux en raison d’un échec de la médiation ou de litiges persistants au sujet des soins aux enfants ont décrit des antécédents maritaux qui incluaient des violences physiques (Johnston et Campbell, 1988).

Toutefois, le dépôt d’allégations de violence a souvent des conséquences plus adverses pour le parent violenté ou protecteur que pour le parent dont on dénonce la violence. Une étude à long terme financée par le National Institute of Justice américain, établit que les femmes qui informent les évaluateurs de garde qu’elles sont victimes de violence conjugale écopent souvent d’ordonnances de garde défavorables (Saccuzzo et Johnson, 2004). Les chercheurs ont constaté que 35% seulement des femmes ayant allégué de la violence conjugale ont obtenu la garde principale, en regard de 42% des femmes qui n’avaient pas allégué de telle violence. Les pères accusés de violence conjugale ont obtenu la garde principale dans 10% des cas, en regard de 9% des pères non accusés de violence conjugale. Donc, le fait de divulguer la violence conjugale a nui aux femmes qui ont révélé avoir été victimisées alors que les agresseurs allégués n’ont pas subi d’effets adverses - sauf dans les cas où le médiateur ou la médiatrice a noté des indications de violence dans des cas où la mère n’avait pas allégué de violence conjugale. Dans ces situations, les médiateurs ont recommandé deux fois plus souvent une protection des transferts d’enfant. C’est dire que les femmes qui ont été de l’avant avec des allégations de violence conjugale ont obtenu moins de protection pour elles et pour leurs enfants.

Une étude menée récemment par le Harborview Injury Prevention & Research Center, de Seattle (Wa.), confirme ces résultats (Kernic et al., 2005). Les chercheurs ont analysé la documentation concernant plus de 800 couples avec jeunes enfants de la région qui avaient demandé le divorce en 1998 et 1999, y compris 324 cas présentant des antécédents de violence conjugale. Ils ont constaté que les données probantes de violence conjugale ne semblaient pas modifier la façon dont les tribunaux décidaient de la garde d’enfants. En d’autres mots, les pères qui étaient violents étaient tout aussi susceptibles d’obtenir la garde lorsqu’ils la demandaient que les pères non violents. Seulement 17% des pères aux antécédents reconnus de violence conjugale se sont vu refuser des droits de visite et ces pères n’étaient pas plus susceptibles que les autres pères de faire surveiller par une tierce partie les visites des enfants.

D’autres préoccupations liées au traitement des cas de violence par les tribunaux familiaux émergent des conclusions de recherche de Neustein and Goetting (1999). Ceux-ci ont examiné les réactions de l’appareil judiciaire aux plaintes d’agression sexuelle des enfants déposés dans 300 litiges de garde maintes fois reportés devant les tribunaux familiaux. Les chercheurs ont constaté que dans les situations impliquant des allégations d’agression des enfants, la garde principale n’avait été attribuée au parent protecteur que dans 10% des cas, avec supervision des contacts avec l’agresseur allégué. Par contre, 20% de ces causes avaient eu un résultat surtout négatif, la garde physique et juridique de l’enfant ayant été remise au parent chez qui l’on alléguait des agressions sexuelles (voir p. 108). Dans le reste des cas, les juges ont décidé d’une garde partagée, sans mesures de surveillance des visites de l’enfant chez l’agresseur allégué.

Pour mieux comprendre les obstacles auxquels se heurtent les parents protecteurs dans l’appareil judiciaire, des chercheurs de la California State University à San Bernardino mènent en ce moment un sondage continu panaméricain (Stahly et al., 2004). Plus de 100 parents s’identifiant eux-mêmes comme parents protecteurs ont rempli à ce jour un formulaire comprenant 101 questions. Les résultats en sont assez scandaleux. Avant le divorce, 94% des mères protectrices interrogées disaient être le parent de première ligne de leur enfant et 87% en avaient la garde au moment de la séparation. Mais une fois signalées des situations d’agression de l’enfant, 27% seulement ont pu en conserver la garde après les procédures judiciaires. La plupart des parents protecteurs ont perdu la garde dans le contexte de procédures ex parte (dont elles n’avaient pas été informées et où elles n’étaient pas présentes), menées sans greffier.

La grande majorité de ces mères (97%) ont signalé que le personnel judiciaire n’avait pas tenu compte des rapports de violence ou en avait minimisé l’importance. Elles ont indiqué s’être senties punies pour avoir tenté de protéger leurs enfants et 65% d’entre elles ont été menacées de sanctions si elles « parlaient en public » de la cause. En tout, 45% des femmes disent avoir fait l’objet d’accusations de Syndrome d’aliénation parentale (SAP).

Les parents protecteurs ont indiqué avoir dépensé en moyenne plus de 80 000$ en frais judiciaires. Plus du quart des parents protecteurs disent avoir dû déclarer faillite en raison de leurs tentatives d’obtenir la garde de leurs enfants. Quatre-vingt cinq pour cent des parents protecteurs du sondage ont la conviction que leurs enfants sont encore l’objet d’agressions ; mais 63% de ces parents ont cessé de signaler ces violences par peur que l’on mette fin à tout contact avec leurs enfants. Onze pour cent des enfants en cause ont fait des tentatives de suicide, aux dires des répondantes.

Pour plus de renseignements, consulter les ressources suivantes :

• American Judges Foundation, Domestic Violence and the Court House : Understanding the Problem, Knowing the Victim. Forms of Emotional Battering Section, Threats to Harm or Take Away Children Subsection.
• American Psychological Association (1996). Report of the APA Presidential Task Force on Violence and the Family.
• Jaffe, P. Crooks, C. V., & Poisson, S. E. (2003). Report of the APA Presidential Task Force on Violence and the Family « Common Misconceptions in Addressing Domestic Violence in Child Custody Disputes ». Juvenile and Family Court Journal, 54(4), 57-67. http://www.ncjfcj.org/images/stories/dept/fvd/pdf/journal_4_fall_03_misconceptions.pdf PDF.
• Johnston, J. R. & Campbell, L. E. G. (1988). Impasses of divorce : The dynamics and resolution of family conflict. New York : The Free Press.
• Kernic, M. A., Monary-Ernsdorff, D. J., Koepsell, J. K., & Holt, V. L. (2005). « Children in the crossfire : child custody determinations among couples with a history of intimate partner violence ». Violence Against Women, 11(8), 991-1021.
• Leadership Council on Child Abuse and Interpersonal Violence. Bibliographie commentée d’études qui documentent la perte de droits de garde par les parents protecteurs au bénéfice des parents agresseurs.
• Neustein, A., & Goetting, A. (1999). « Judicial Responses to Protective Parents », Journal of Child Sexual Abuse, 4, 103-122 (p. 109).
• Saccuzzo, D. P. & Johnson, N. E. (2004). « Child Custody Mediation’s Failure to Protect : Why Should the Criminal Justice System Care ? », NIJ Journal, 251, p. 21. Distribué par le National Institute of Justice.
• Stahly, G. B., Krajewski, L., Loya, B. Uppal, K., German, G., Farris, W., Hilson, N., & Valentine, J. (2004). Protective mothers in child custody disputes : A study of judicial abuse. California State University, San Bernardino.

 Lire la deuxième partie de cet article à cette page.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 septembre 2007.



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Stephanie J. Dallam et Joyanna L. Silberg



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