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mercredi 30 avril 2008

Projet de loi C-484 - Prélude à la recriminalisation de l’avortement au Canada
Et menace sans précédent contre les femmes enceintes

par Micheline Carrier






Écrits d'Élaine Audet



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Avec le concours d’un groupe de député-es libéraux affiliés à "Pro-Vie" - nous nous en souviendrons en temps et lieu, M. Stéphane Dion* - le gouvernement conservateur a fait adopter en seconde lecture, le 5 mars dernier, le projet de loi C-484 - Loi sur les enfants non encore nés victimes d’actes criminels. Présenté par le député conservateur M. Ken Epp, ce projet de loi privé a été adopté à 147 voix contre 132 (une partie des Libéraux étaient absents lors de son adoption). Seules 11 femmes sur 302 député-es ont voté en faveur. La ministre de la Condition féminine, Mme Josée Verner, a voté contre le projet, on n’en attendait pas moins. Le fondamentaliste religieux qui nous tient lieu de premier ministre, M. Stephen Harper, a voté pour.

Le projet de loi C-484 reconnaît le foetus comme une victime à part entière, en ajoutant une nouvelle infraction au Code criminel lorsqu’un foetus meurt à la suite d’une attaque subie par sa mère. Ainsi, le meurtrier d’une femme enceinte serait accusé de deux meurtres plutôt que d’un seul. Ne vous imaginez pas que le gouvernement fédéral se soucie des femmes enceintes victimes de conjoints agresseurs. L’exemple qui vient à l’esprit du député Epp, pour illustrer la prétendue pertinence de son projet de loi, est l’exemple d’une femme enceinte qui marcherait dans la rue avec son petit chien et serait attaquée par un meurtrier... Comme s’il y avait tant de cas de femmes enceintes tuées dans la rue au Canada (cinq cas recensés). En réalité, ce sont la recriminalisation de l’avortement et la criminalisation de certaines situations vécues par les femmes enceintes que ce projet de loi vise à moyen terme. (Voir plus bas les 14 arguments de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada).

Si vous en doutez, entendez le cri de victoire du groupe Campagne Québec-Vie, qui admet, dans Le Devoir du 7 mars, avoir milité activement en faveur de l’adoption de ce projet. Le porte-parole de ce groupe a déclaré : « Ce projet de loi est un début de reconnaissance des droits des foetus, qui avant étaient laissés dans les limbes comme si c’étaient des êtres qui n’existent pas. (...) cette existence légale pourra avoir des conséquences légales et déboucher sur le droit à la vie. Il est certain que ça fait partie d’un ensemble juridique, d’un ensemble politique. Un être humain qui a des droits quand il fait l’objet de violences, il a d’autres droits. » (1)

Des organisations de défense du droit à l’avortement estiment elles aussi que le projet de loi C-484 vise à recriminaliser l’avortement. Selon la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada, « Si ce projet était adopté, il constituerait une atteinte inconstitutionnelle aux droits de la femme et entraînerait probablement des problèmes pour les femmes enceintes. Ce serait aussi une étape importante vers la recriminalisation de l’avortement et, de plus, il pourrait criminaliser certaines femmes enceintes pour des comportements perçus comme étant dangereux pour leur foetus. » (2) Patricia Larue, directrice générale de l’Association pour la liberté de choix, souligne : « Une fois qu’une personne aura été reconnue coupable de meurtre sur un foetus, la Cour suprême pourra utiliser ce verdict comme un précédent pour conclure que le foetus est un être humain ». Et Joyce Arthur, de la Coalition pour le droit à l’avortement : « Une fois que les foetus seront reconnus comme des personnes, nous aurons perdu la bataille » ! (3)

C’est le 28 janvier 1988, après 20 ans de difficiles luttes féministes, que la Cour suprême du Canada a rendu un jugement historique dans la cause du docteur Henry Morgentaler. Le docteur Morgentaler avait été emprisonné pour pratique illégale d’avortements et avait porter sa cause jusqu’en Cour suprême. « Ce jugement invalidait les dispositions de l’article 251 du Code criminel, en vigueur depuis 1969, qui statuaient que l’avortement était un acte criminel, sauf s’il était approuvé par un comité d’avortement thérapeutique, formé de trois médecins, lorsque ceux-ci en venaient à la conclusion que la poursuite de la grossesse mettait en danger la vie ou la santé de la femme enceinte. Dans son jugement, la Cour suprême statuait que l’article 251 portait atteinte à la sécurité de la personne, car « forcer une femme, sous la menace de sanction criminelle, à mener le fœtus à terme [...] est une ingérence profonde à l’égard de son corps et donc une atteinte à la sécurité de sa personne. » (4)

Des féministes canadiennes-anglaises ont lancé une action à l’échelle nationale contre l’adoption du projet de loi C-484. Nous invitons les internautes - hommes et femmes, jeunes et âgé-es - à se joindre à leur action et à réagir massivement pour faire connaître leur opposition au projet de loi C-484. Le gouvernement conservateur minoritaire peut être défait d’une semaine à l’autre, si le Parti libéral cesse de lui donner la respiration artificielle. C’est donc plus que jamais le moment d’exercer des pressions sur la députation. Les opposant-es à l’avortement le font depuis longtemps, avec les résultats que l’on connaît maintenant. Il faut demander à la ou au député-e de votre circonscription de voter contre ce projet, sans quoi elle/il pourrait le payer de son siège au prochain scrutin. Les députée-s sont censé-es voter (ou défaire des lois), non pas pour satisfaire leur conscience ou leurs croyances personnelles mais pour défendre les droits des personnes qui les ont élu-es.

Le Sénat, qui aura à étudier et à approuver ce projet s’il est voté en troisième lecture, compte plusieurs sénatrices qui connaissent bien les luttes épiques que les femmes et le Dr Henry Morgentaler ont livrées pour l’accès à l’avortement libre et gratuit. Elles pourraient influencer l’orientation du Sénat sur cette question. Il faut donc les interpeller également.

Ça suffit qu’un gang d’hommes, inspirés du fondamentalisme religieux (toutes religions confondues, car pas une ne reconnaît aux femmes le droit à l’avortement ni à la contraception), tentent de reprendre le contrôle judiciaire du corps et de la fécondité des femmes ! Assez des Jean-Guy Tremblay de ce monde qui se prétendent gestionnaires des foetus ! Qu’ils adoptent plutôt des lois contre la pauvreté et la violence à l’encontre des enfants, et surtout qu’ils les fassent respecter ! Qu’ils prennent leurs responsabilités envers des enfants réels au lieu de s’inventer des responsabilités envers les foetus. Les femmes n’ont pas les moyens de reculer. Il faut agir pour empêcher l’adoption de ce projet de loi ! Une manifestation, comme les grandes associations québécoises en organisent contre la guerre en Irak ou en Afghanistan, ou pour des droits économiques, pourrait inciter à réfléchir les femmes et les hommes politiques qui vont bientôt solliciter le suffrage de la population.

L’enjeu est considérable pour les femmes : 20 ans de luttes, le droit à l’avortement et le droit de contrôler elles-mêmes leur fécondité. Ce gouvernement en a contre les femmes : abolition du programme national de garderies, réduction drastique du soutien financier aux groupes de femmes, ce qui a entraîné la fermeture de certains d’entre eux et la diminution des activités de plusieurs autres, refus de rembourser des prestations non versées pendant des années à des milliers d’aîné-es, dont une majorité sont des femmes, ce que j’estime du vol, et maintenant, le voilà attaquant sur le terrain de la reproduction. Après ces assauts contre le droit à l’avortement, attendons-nous à des tentatives pour miner d’autres droits.

* Pour nos lectrices et lecteurs de l’extérieur du Canada : M. Stéphane Dion est le chef du Parti libéral du Canada. Ce parti forme l’opposition officielle d’un gouvernement conservateur minoritaire, mais qui agit comme un gouvernement majoritaire grâce à l’appui du Parti libéral.

 Lire le projet de loi C-484.
 Signez la pétition contre le projet de loi C-484.
 Avortement 1988-2008 - Vingt ans de liberté et d’égalité.
 L’avortement, un droit jamais acquis".

Notes

1.
"Les pro-vie crient victoire", par Hélène Buzzetti, Le Devoir, 7 mars 2008.
2.
Coalition pour le droit à l’avortement au Canada.
3. H. Buzzetti,
Le Devoir
, 7 mars 2008.
4. Lina Bonamie, FIQ (Santé), "Le droit à l’avortement, un acquis toujours fragile", mars 2008.

****

Nous vous présentons plus bas les 14 arguments contre le projet de loi C-484 élaborés par la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada. Puis, l’adresse du site de la Coalition pour signer la pétition en ligne, les coordonnées du Premier ministre du Canada, des liens pour trouver les coordonnées de la ou du député-e de votre circonscription ainsi que des membres du Sénat. On peut signer la pétition sur le site de la Coalition, tout en écrivant un courriel à notre député-e et au Premier ministre. Plus il y aura d’interventions, plus les pressions s’accroîtront sur les élu-es.

 14 arguments contre le projet de loi C-484 par la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada.


1. Le fait d’accorder le statut légal de personne au foetus entre en conflit avec le Code criminel : Une telle loi accorderait des droits légaux aux foetus, changement entrant en conflit avec le Code criminel qui contient actuellement une disposition selon laquelle le foetus ne devient un être humain qu’après être complètement sorti vivant du sein de sa mère (article 223-1). De plus, par une telle loi, on essayerait d’amender la Partie VIII du Code intitulée « Infractions contre la personne et la réputation ». Cependant, le foetus n’étant pas une personne aux yeux de la loi, il ne doit pas être visé par cette section.

2. Nous devons faire face au problème de la violence conjugale contre les femmes enceintes : Ce projet de loi détourne l’attention du principal problème, soit la violence conjugale contre les femmes enceintes. Quand les médias se concentrent sur le foetus de la victime, la femme enceinte est oubliée. Or, l’homicide est la première cause de décès chez les femmes enceintes et les nouvelles mères, et la violence contre les femmes augmente pendant la grossesse. Ce qu’il faut, plutôt que ce projet de loi, ce sont de meilleures mesures pour réduire la violence contre les femmes enceintes. (1)

3. Le projet de loi ne protège pas les femmes, seulement les foetus : Selon ce projet de loi, le fait de s’attaquer à une femme enceinte ne constitue pas un crime ; le projet ne s’applique étroitement qu’au foetus. De plus, M. Epp ne se concentre que sur les foetus voulus. (Il a dit qu’il s’agissait de protéger le choix d’une femme de donner naissance à son enfant. (2) Cependant, les femmes qui ont accouché récemment, qui ont eu un avortement ou qui voudraient en avoir un, risquent elles aussi d’être victimes de violence conjugale. Ce projet-ci ignore ces femmes complètement. La meilleure façon de protéger les foetus est, de loin, de protéger les femmes enceintes, leurs seules gardiennes. Nous devons fournir aux femmes enceintes le soutien et les ressources dont elles ont besoin pour mener à bien leur grossesse, y compris des mesures de protection contre la violence conjugale.

4. Ce projet de loi n’a pas de fondement rationnel ou de valeur probante : C’est un projet de loi qui ne vise qu’à satisfaire des besoins émotifs et le désir de vengeance et de punition. Il n’y a aucune preuve qu’une telle loi réussirait à prévenir la violence ou aurait tout autre effet bénéfique. Les lois sur l’« homicide fœtal » adoptées aux É.-U. n’ont rien fait pour réduire la violence conjugale contre les femmes enceintes ou les foetus. (3) En plus, le projet profite du chagrin des familles pour promouvoir la reconnaissance des droits des foetus.

5. Le vrai but du projet, c’est d’accorder le statut légal de personne au foetus et, ce faisant, de recriminaliser l’avortement : L’aspect restrictif du projet révèle ce but, qui n’est pas de protéger la femme, mais plutôt d’accorder le statut légal de personne au foetus pour nulle autre raison apparente que d’être une façon détournée de recriminaliser l’avortement. Le projet de loi a été présenté et défendu par des groupes et des individus anti-choix (par ex. Campaign Life Coalition, des députés conservateurs contre l’avortement, Margaret Somerville, etc.). De plus, le langage utilisé dans le cadre du projet est anti-choix : la femme est une « mère », le foetus est un « enfant » ou un « enfant non encore né ». Le projet s’inspire d’autres projets semblables conçus et adoptés aux États-Unis par des groupes et des législateurs anti-choix. En Caroline du Sud, les législateurs anti-choix ont annoncé explicitement leur intention d’utiliser la loi sur l’homicide foetal comme fondement juridique pour invalider « Roe c. Wade », cas célèbre qui a donné lieu à la légalisation de l’avortement aux États-Unis. (4)

6. Le projet de loi entre en conflit avec les droits des femmes et leur droit à l’égalité garantis par la Charte canadienne des droits et libertés : La Cour suprême a statué qu’une femme et son foetus sont considérés comme « une seule personne physique » en vertu de la loi (5), et que les droits appartiennent donc à la femme enceinte. Il serait extrêmement difficile d’accorder aux foetus une reconnaissance légale sans compromettre, d’une façon ou d’une autre, les droits acquis des femmes.

7. Dissocier la femme de son foetus au point de vue légal cause du mal : Créer une séparation entre la femme et son foetus au point de vue légal pourrait donner lieu à une relation nuisible et d’adversité entre ceux-ci. En cas de conflit d’intérêts, l’un des deux ou les deux pourraient être mis en danger. Par exemple, si une femme enceinte est menacée d’arrestation pour toxicomanie, elle pourrait être moins portée à rechercher des soins prénataux. (6)

8. Le projet de loi crée une contradiction et de la confusion dans la loi en opposant les droits du foetus à ceux de la femme enceinte et en entrant en conflit avec le droit à l’avortement. Si un foetus acquiert un statut légal de personne et, par conséquent, le droit de ne pas être tué, comment l’avortement peut-il échapper à la loi ? Et comment les femmes enceintes ayant des comportements susceptibles d’être perçus comme étant dangereux pour le foetus pourraient-elles aussi échapper à la loi ? Une telle loi ouvrirait la voie à des possibilités d’accusations contre les femmes qui mettent leur foetus en danger ou qui s’avortent elles-mêmes, comme ce fut le cas à certains endroits aux États-Unis.

9. Des femmes enceintes ont été arrêtées aux É.-U. en vertu de lois contre l’homicide foetal : Trente-sept États ont approuvé des lois pour la protection des foetus qui rendent criminel le fait de faire du mal à un foetus. (7). Mais, lorsque de telles lois existent, il a été démontré que les femmes enceintes ont plus de chances d’être punies pour des comportements et des problèmes qui ne sont pas jugés criminels chez d’autres personnes, comme l’abus de drogues ou d’alcool ou des maladies mentales. (8) En outre, des femmes ont été accusées ou mises en prison pour cause de meurtre pour avoir donné naissance à un mort-né après avoir refusé une césarienne ou simplement pour avoir donné naissance à un mort-né. Certains États ont même proposé de punir les femmes enceintes qui vivent une situation de violence conjugale mais n’arrivent pas à quitter leur partenaire. Les cas les plus graves se sont déroulés en Caroline du Sud où près de 100 femmes enceintes ayant un problème d’abus de drogues ont été arrêtées en vertu de la loi contre l’homicide foetal, même s’il était presque impossible pour elles d’avoir accès à un programme de traitement de la toxicomanie. Entre-temps, dans le même État et en vertu de la loi, un seul homme a été arrêté pour avoir tué une femme enceinte. (9)

10. Les exemptions inscrites au projet de loi pour les femmes enceintes risquent de s’avérer insuffisantes : Le projet de loi de M. Epp exclut spécifiquement l’application de la Loi aux femmes enceintes, ainsi que l’avortement. Cependant, on a vu aux États-Unis des femmes enceintes être arrêtées au nom de lois étatiques contre l’« homicide foetal », même lorsque ces lois en exemptaient les femmes enceintes elles-mêmes. Par exemple, des femmes enceintes ayant des problèmes de toxicomanie ont été arrêtées pour « meurtre » ou « agression » de leur foetus en Pennsylvanie, au Texas, au Missouri et en Californie, en vertu de lois qui exemptaient les femmes enceintes de toute responsabilité criminelle. Jusqu’à présent, les tribunaux ont défait ce genre de poursuites, mais des arrestations continuent, basées sur un nombre croissant de lois qui stipulent que les foetus ont des droits distincts de ceux des femmes enceintes. (10) Les femmes des États-Unis ont été et continuent à être la cible prioritaire des lois sur l’« homicide foetal » parce que ces lois ont pour effet de déshumaniser les femmes en plaçant les droits foetaux au-dessus des droits des femmes. Cela encourage les forces policières et les procureurs à imposer de cruelles mesures punitives à des femmes enceintes au nom de ce qu’ils perçoivent comme une inconduite ou des activités illégales. Le projet de loi de M. Epp compromet de la même façon les droits des femmes, en instituant un conflit juridique entre le statut de personne des femmes et celui prêté aux foetus.

11. Les gens qui aident une femme à avorter pourraient être poursuivis : Si une femme enceinte veut s’avorter elle-même et persuade quelqu’un de l’aider, la personne en question pourrait être poursuivie en vertu d’une loi contre l’homicide fœtal. En 2005, un adolescent du Texas, Gerardo Flores (11), a été reconnu coupable de deux meurtres et a été condamné à la prison à perpétuité pour avoir aidé son amie à mettre fin à sa grossesse de 5 mois ; elle attendait des jumeaux. À l’époque, des législateurs anti-choix ont dit regretter que la loi texane ne permette pas de poursuivre la jeune femme également. C’est par désespoir que les jeunes gens avaient décidé de procéder eux-mêmes à un avortement ; en effet, le Texas avait récemment décidé d’interdire les avortements pratiqués après 16 semaines de gestation. Cet exemple démontre jusqu’à quel point des lois contre l’homicide foetal peuvent gravement nuire au droit à l’avortement.

12. Les sondages ne reflètent ni la justice ni l’opinion informée : Un nouveau sondage fait pour un groupe anti-choix (12) a révélé que 72 % des répondant-es sont en faveur d’une loi qui considérerait comme deux crimes distincts le fait d’agresser une femme enceinte et, ce faisant, de blesser ou de tuer un foetus. Cependant, beaucoup de gens ne sont pas conscients de la stratégie contre l’avortement qui se cache derrière ce projet politique, ou qu‘une telle loi pourrait faire du tort aux femmes enceintes. Le public serait probablement beaucoup moins prêt à soutenir une loi contre l’homicide foetal s’il en comprenait les vraies conséquences.

13. Ce n’est pas aux familles des victimes de déterminer les recours judiciaires : Certaines des familles des victimes ont réclamé une loi contre l’homicide foetal. Malgré toute notre sympathie pour elles et même si nous comprenons leur désir, il faut reconnaître que ces familles ne sont pas les mieux placées pour dispenser la justice dans une société démocratique. Des lois et des pénalités appropriées doivent être déterminées par des instances neutres, qui ne laissent pas les émotions ou un parti pris influer sur leurs décisions, et ce, pour protéger les droits démocratiques de tous et toutes, y compris ceux des accusé-es.

14. Nous pourrions imposer des punitions plus sévères pour des attaques contre les femmes enceintes : Les condamnations pour double meurtre donnent lieu à des sentences purgées simultanément au Canada. C’est dire que ce projet de loi ne permettra pas de punir plus sévèrement les agresseurs, d’où sa relative inutilité. En effet, il existe déjà des mesures de correction du traitement judiciaire pour de telles causes. Les avocats pourraient demander des accusations plus sérieuses, comme le meurtre au premier degré ou les voies de fait graves. Des juges pourraient imposer des sanctions plus sévères, et la commission des libérations conditionnelles pourrait refuser la libération aux personnes trouvées coupables. Il serait même possible de promulguer des lois imposant des pénalités plus sévères pour les agressions contre les femmes enceintes, comme l’ont fait 13 États américains (13). Ces mesures feraient régner la justice sans menacer le droit à l’avortement et protégeraient les droits de toutes les femmes enceintes.

  La Coalition pour le droit à l’avortement au Canada. Publié avec l’autorisation de la Coalition.
 Signez la pétition contre le projet de loi C-484.
 Lire le projet de loi C-484.

Références


1. http://www.cbsnews.com
2. http://kenepp.com/
3. http://advocatesforpregnantwomen.org
4. http://advocatesforpregnantwomen.org/
5. Dobson c. Dobson Erreur ! Référence de lien hypertexte non valide.
6. http://advocatesforpregnantwomen.org/
7. http://www.stateline.org/
8. http://www.advocatesforpregnantwomen.org/
9. http://www.advocatesforpregnantwomen.org/
10. http://www.tompaine.com/
11.
http://www.siecusdc.net/
12. Vie Canada
13. http://www.stateline.org/

Les coordonnées du Premier ministre, des député-es et des membres du Sénat

  • Premier ministre du Canada, M. Stephen Harper : Harper.S@parl.gc.ca
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  • On peut écrire aux sénateurs et sénatrices, sans affranchir, à l’adresse suivante :
      Nom :
      Le Sénat du Canada
      Ottawa, (Ontario)
      Canada
      K1A 0A4

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 mars 2008



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  • Micheline Carrier
    Sisyphe

    Micheline Carrier est éditrice du site Sisyphe.org et des éditions Sisyphe avec Élaine Audet.



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