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dimanche 17 août 2008

Manipulation à défaut de pouvoir ?

par Stéphanie LeBlanc






Écrits d'Élaine Audet



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On a souvent reproché aux femmes d’être sournoises, hypocrites et manipulatrices. Autrefois, même l’intelligence d’une femme la rendait suspecte ! Ce préjugé, renforcé par l’Église catholique, faisait de la femme intelligente, une menace, et de la candide nigaude, un modèle à suivre. Cela dit, il y a eu et il y a toujours des femmes manipulatrices.

J’ai tendance à penser que, lorsque les pouvoirs des femmes sont limités, la manipulation apparaît malheureusement à certaines d’entre elles comme le seul moyen d’obtenir quelque chose. C’était particulièrement vrai autrefois, alors que les femmes étaient entièrement dépendantes d’un homme pour pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants, et c’est encore le cas dans beaucoup de pays.

Lorsqu’on grandit conditionnée par la croyance que l’on a ni force ni courage, qu’on n’a pas accès à l’éducation, à l’exercice d’un métier payant et influent et que le monde de la politique nous est interdit, il n’est pas surprenant que tant de femmes optent encore pour la manipulation. Sans vouloir justifier l’usage de la manipulation, je dirais que dans certains cas, cette solution origine du sentiment de n’avoir aucun pouvoir, aucune emprise sur sa propre vie.

Même si les hommes et les femmes ont désormais les mêmes droits, du moins dans les pays occidentaux, notre culture continue à décourager les femmes de s’affirmer avec force et donc, de façon indirecte, elle valorise encore la manipulation.

L’éducation des petites filles continue à insister sur l’importance pour celles-ci d’être constamment mignonnes, gentilles et polies. Les contes de fées dont on les gave montrent des princesses dont le rôle généralement passif se borne à séduire un prince charmant, par qui doit venir le salut et qui les sauvera de leur condition de princesse déchue. Dans beaucoup de dessins animés (quoique moins qu’avant), on trouve encore souvent des personnages féminins incapables de se défendre et qui doivent compter sur un personage masculin pour être sauvés du danger.

Les personnages féminins qui s’affirment avec force sont souvent des "méchantes" à la voix grave (eh ! dites donc, j’étais méchante et je ne le savais même pas !). Les "gentilles" sont douces, fragiles et vulnérables. Elles "s’enfargent" dans les racines des arbres, pleurent et grimpent sur une chaise en voyant un insecte...

Le culte de la beauté contribue aussi au problème. En conditionnant les fillettes dès leur plus jeune âge à se préoccupper de leur apparence jusqu’à l’obsession, notre culture les amène progessivement à se voir les unes les autres comme des rivales et à être sans cesse en compétition pour être populaires auprès des garçons.

L’hypersexualisation de notre société vient encore aggraver le problème, en particulier à l’adolescence. L’omniprésence de la sexualité dans l’espace publicitaire, l’influence de la pornographie ainsi que la banalisation de la prostitution envoient aux filles le message que leur seul et unique pouvoir réside dans leur capacité à séduire, à susciter le désir sexuel masculin.

Dans beaucoup d’émissions et de films, comme je l’ai déjà mentionné dans une précédente chronique, les femmes qui se font agresser sexuellement (ou enlever) ne se défendent pas et tentent d’émouvoir leur tortionaire en le suppliant, en faisant appel à sa pitié (ça ne marche jamais, soit dit en passant...). Les personnages féminins victimes de violence conjugale, physique ou psychologique adoptent le même comportement.

De façon générale, on encourage donc chez les filles, pour obtenir quelque chose d’un homme, l’utilisation de la cajolerie, de la minauderie, de la provocation sexuelle, du chantage émotif, des larmes et des supplications. Ce sont des comportement enfantins, pour la plupart, mais quoi de surprenant à cela puisque notre culture érotise la femme-enfant à la moue boudeuse ? Le message est clair : le pouvoir, qu’il soit domestique, sexuel, financier, politique ou autre, doit toujours provenir d’un homme. À vous mesdames de trouver un moyen de convaincre celui-ci d’accéder à vos demandes !

Combien de fois n’avons-nous pas entendu une femme dire à quel point elle était attirée par les hommes en uniforme (et je ne parle pas ici de celui d’un caissier de "fast food" !). Les uniformes les plus en vogue ? Policier, pilote, soldat et pompier. Est-ce réellement l’uniforme qui rend un homme si séduisant ou ne serait-ce pas plutôt le pouvoir que celui-ci représente ? Se pourrait-il que les femmes, inconsciemment, cherchent par procuration le pouvoir qui semble leur échapper ?

Ce phénomène existe en une version plus inquiétante. En effet, certaines femmes semblent attirées par le modèle de l’homme-voyou. L’objet de leur désir sera un homme agressif, violent, criminel, bref dangereux. Le cinéma américain, les vidéoclips et les jeux vidéo, notamment, ont beaucoup contribué à "glamouriser" l’homme-voyou, voire à l’érotiser.

Bien sûr, beaucoup de femmes en couple avec une homme violent souffrent de carences affectives, ont une faible estime d’ellea-mêmes et reproduisent souvent un modèle familial désastreux. Il y a aussi ce que j’appelle le Syndrome de la Belle et la Bête, où une femme, consciente d’être avec un homme agressif, croit qu’à force d’amour, elle pourra le transformer en prince charmant. Mais l’érotisation de l’homme-voyou ne pourrait-il pas être reliée à la recherche d’une puissance que les femmes ne sont pas encouragées à chercher en elles-mêmes ?

Le même phénomène se retrouve dans les gangs de rue. Beaucoup des filles qui s’y trouvent ont d’abord été séduites par un recruteur, avec des mensonges et des cadeaux, avant d’être maltraitées et exploitées sexuellement. Elles savent que le pouvoir dans ces gangs appartient aux garçons et qu’elles n’ont d’autres possibilités, si elles veulent augmenter leurs chances de survie, que de se soumettre sexuellement aux garçons les plus puissants du groupe, de les "séduire". Certaines des filles d’un gang, les plus belles géréralement, ont un statut particulier et parviennent ainsi à limiter les dommages moraux et physiques qu’elles subissent. Cet état de chose ne favorise aucune solidarité entre les filles d’un gang. Elles sont rivales et doivent lutter entre elles pour survivre. Je sais qu’une comparaison avec des animaux est insultante et grossière, mais dans une meute de loups, la femelle alpha ne doit son statut qu’au fait d’avoir été choisie par le mâle alpha. Elle n’a pas de réel pouvoir.

Les choses doivent changer. Les filles doivent pouvoir grandir dans des sociétés où elles auront la possibilité de développer leur estime de soi et apprendre à s’affirmer avec force et conviction ! Il est primordial que nous amenions nos filles et celles de nos amis-es à prendre conscience de leur force intérieure et de leur pouvoir physique et psychologique ! La tâche sera ardue car il y a tant de sources d’apprentissage de la manipulation dans les médias, y compris ceux qui s’adressent aux enfants.

Commençons par la sphère privée. Examinons soigneusement les jouets, livres, dessins animés, jeux vidéo, films et magazines avec lesquels les enfants et les adolescents sont en contact. N’oublions pas ceux qui sont réservés aux adultes mais qui sont tout aussi succeptibles d’être en contact avec eux (pornographie dans Internet, dessins animés pour adultes, publicité, etc). Discutons avec les jeunes, développons leur sens critique, expliquons-leur en quoi telle ou telle chose nous choque. Amenons-les à analyser les médias et à devenir conscient-e-s de la manipulation que nous subissons tous et toutes ! Organisons des activités et des jeux qui habitueront les filles à se percevoir comme fortes, et qui les encourageront à discuter et débattre avec les garçons d’égal à égale. Nous devrons également parfois regarder d’un oeil critique nos propres comportements envers les hommes de notre entourage.

Étendons ensuite notre action à toute la communauté. Écrivons, nous et nos enfants, aux stations de télévision, aux maisons d’édition de magazines, aux compagnie de jeux vidéo, afin d’exiger les changements que nous désirons. Sensibilisons les gouvernements au problème, faisons-en un enjeu électoral. Proposons des activités dans les écoles (concours, journées thématiques, expositions, conférence, débats), favorisons le développement de l’esprit d’initiative chez les jeunes. Soyons créatifs et créatives et bâtissons des alternatives à ce conditionnement malsain. Peut-être que losque les filles verront leurs mères et les autres femmes de leur entourage se battre pour leurs convictions, elles réaliseront qu’elles aussi ont un réel pouvoir !

Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 juillet 2008



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Stéphanie LeBlanc



Plan-Liens Forum

  • Rien de plus manipulateur qu’un homme
    (1/2) 19 août 2008 , par

  • Manipulation à défaut de pouvoir ?
    (2/2) 19 juillet 2008 , par





  • Rien de plus manipulateur qu’un homme
    19 août 2008 , par   [retour au début des forums]

    Vous vous trompez. Il n’y a pas plus manipulateur qu’un homme. La publicité, n’est-ce pas de la manipulation ? Qui la contrôle ? Les hommes. La mode, n’est-ce pas de la manipulation ? Qui la contrôle ? Les hommes. La religion, n’est-ce pas de la manipulation ? Qui la contrôle ? Les hommes.

    • Responsabiliser plutôt que victimiser
      5 septembre 2008 , par
        [retour au début des forums]

      Relisez mon article. Le sujet dont je traite est que le sentiment du manque de pouvoir peut constituer l’origine de certaines formes de manipulations chez certaines femmes. Ça ne veut absolument pas dire que LES femmes sont TOUTES manipulatrices et qu’aucun homme ne l’est !

      De plus, je trouve plus constructif de responsabiliser les femmes que de les victimiser. Il y a des femmes qui travaillent dans la publicité, la mode ou la politique et qui pourraient contribuer à changer les choses mais qui ne le font pas.

      Ce sont les commentaires tels que le vôtre, où tout les hommes sont mis dans le même panier, que le féminisme est si mal compris par les hommes.

      [Répondre à ce message]

      • Responsabiliser plutôt que victimiser
        6 septembre 2008 , par
          [retour au début des forums]

        D’accord pour la première partie de votre réponse.

        Quant à ça : "Ce sont les commentaires tels que le vôtre, où tout les hommes sont mis dans le même panier, que le féminisme est si mal compris par les hommes.", je trouve que c’est un peu fort.

        Croyez-vous vraiment ça ? Et les hommes, ils n’auraient pas un petit peu de responsabilité dans leur manque d’ouverture et de compréhension du féminisme ?

        [Répondre à ce message]

        • Responsabilité partagée
          9 septembre 2008 , par
            [retour au début des forums]

          Je suis d’accord pour dire que les hommes ont la responsabilité de faire l’effort de s’informer mais en s’informant ils risquent de tomber sur les messages qui les critiquent en tant qu’homme et ça ne leur donnera peut-être pas envie d’en connaître davantage sur les droits des femmes. Nous avons la responsabilité de présenter une vision réaliste du féminisme.

          [Répondre à ce message]

          • Responsabilité partagée
            9 septembre 2008 , par
              [retour au début des forums]

            Est-ce que tu veux dire qu’il ne faut pas que les propos féministes remettent en question les hommes et leurs comportements parce que ça les découragerait de s’informer sur les droits des femmes ? Je me demande comment nous pouvons adhérer aux droits des femmes sans nous remettre en question en tant qu’homme, sans renoncer à nos privilèges. On m’a fait comprendre - on, des femmes - depuis quelques années que les privilèges masculins existent parce qu’on accorde pas les mêmes droits ni les mêmes traitements aux femmes socialement. Il ne faut pas chercher à nous ménager, ni à nous plaire nécessairement, tu sais. Si vous n’exigez rien de nous, crois-moi, nous ne ferons aucune effort pour nous dépouiller nous-mêmes de nos privilèges et reconnaûtre les droits des femmes. Nous ne sommes pas de petits toutous fragiles qu’il faudrait protéger de la critique et dorloter...

            [Répondre à ce message]

          • Vision réaliste ?
            9 septembre 2008 , par
              [retour au début des forums]

            Une vision réaliste du féminisme, qu’est-ce que ça serait dans ce contexte ?

            [Répondre à ce message]

    Manipulation à défaut de pouvoir ?
    19 juillet 2008 , par   [retour au début des forums]

    vous avez parfaitement raison,mais qui va se charger d eduquer les filles ,j espere qu un jour les ecoles vont le faire.


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